Syngué Sabour (pierre de patience) parle d'une femme afghane au chevet de son époux, blessé d'une balle dans la nuque, en pleine guerre civile. Tous les jours, elle se retrouve entre les bombardements, les tirs, les morts avec cette peur au ventre de voir débarquer des soldats à sa porte.
Tout en s'occupant de ses deux petites-filles, cette femme veille sur lui, en lui procurant comme elle le peut, des soins pour le maintenir en vie. Complètement inconscient. Presque sans vie. Allongé. Inerte. Les yeux ouverts fixant le mur.
Alors, elle est là. Tout en s'occupant de lui, l'épouse se remémore. Sa vie, sa rencontre, sa première fois. Elle déballe tout, même ses secrets les plus enfouis. Passant de l'ange au démon avec cette impression de perdre la tête. de toute façon, il ne va pas se lever, il est presque mort.
Et, plus on avance dans la lecture, plus on découvre cette femme ; plus c'est angoissant. le contexte est terrible, le décor est morbide et l'atmosphère est oppressant.
Elle s'adresse à lui comme pour se venger de ce qu'elle a enduré à ses côtés ou avec sa belle-famille, tout en faisant allusion à son enfance. Les mots sont bien choisis, parfois cruels, parfois crus ; pour le blesser dans sa chair, dans son coeur...jusqu'à l'âme, avec de dangereuses paroles comme des électrodes pour le faire réagir. du coup, une sorte de méchanceté prend souvent le dessus et rapidement, elle se ressaisit. Qu'est-ce qui se passe ?
Ses pensées, ses actes sont terrifiants. Elle choque en tant que femme, épouse, mère et musulmane dans un pays où les femmes sont censées être pures, sans reproche.
Mais le plus effrayant dans tout ça, reste la fin.
Remarquable récit très addictif.
Commenter  J’apprécie         60
Ce livre est d'une grande force, il m'a bouleversée, cette histoire peut paraître banale au premier abord. L'histoire d'une femme qui assiste son mari gravement blessé, rien que cela peut toucher. Une femme qui essaye de maintenir son mari en vie avec des moyens rudimentaires dans un pays en guerre. Mais ce qui m'a le plus touché, c'est le fait que cette femme ne peux s'exprimer et dire ce qu'elle a sur le coeur que parce que son mari est dans le coma. Je me demande combien de femmes de par le monde sont dans son cas, réduites à des pierres de patiences.
Commenter  J’apprécie         200
La condition féminine dans une société qui impose le silence aux femmes, leur totale soumission, leur abnégation.
Dans une pièce, une femme afghane est au chevet de son mari,allongé sur un matelas à même le sol, qui ayant reçu une balle dans la nuque se retrouve dans un quasi coma. Elle profite de cette situation pour lui confier ses humiliations, ses frustrations et un lourd secret.Dans la mythologie perse, Syngué sabour ou pierre de patience est une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser ses souffrances, ses douleurs, ses misères,... tout ce que l'on ne peut pas révéler aux autres... La pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'elle éclate... Et ce jour-là, on est délivré.Récit écrit à la mémoire d'une poétesse afghane qui décrit la condition féminine dans une société qui impose le silence aux femmes, leur totale soumission, leur abnégation.Belle écriture, lente (au rythme des respirations de l'homme dans le coma) et oppressante donnant toute la profondeur au ressenti de la femme.
Commenter  J’apprécie         30
"Syngué sabour" - Pierre de patience: élément mythologique "incarné" dans un mari-soldat dans le coma suite à une dispute entre compagnons d'armes. Monologue d'une femme, avec une subtile évolution de ses émotions à l'égard de l'homme à mesure qu'elle se rend compte qu'il est son "syngué sabour" et surtout qu'elle se rend compte des vertus cathartiques de cette parole livrée à un être aussi "neutre" qu'une pierre... Nous avons ici un exemple excellent de ce que seule peut opérer comme synthèse culturelle la littérature migrante: "incarnation" occidentale d'un mythe oriental (d'ailleurs répandu bien au-delà de l'Afghanistan et de la culture persanophone), partage de récits et de valeurs venus d'un ailleurs qui est propre à l'intimité de l'auteur migrant (son pays en guerre, la condition féminine dans ce pays, le rythme de vie scandé par la répétition des noms d'Allah comme magie, la version orientale du mythe d'Oedipe, relations familiales et sexualité féminine, l'intérieur des maisons...), un style original avec un usage d'éléments poétiques à l'intérieur de la prose, peut-être les éléments "universels" ou "ressemblants" (surtout la thérapeutique de la parole, justement, mais aussi le bouleversement moral causé par la guerre, la transgression de la loi du père, etc.).
La prose, remarquable, ainsi que cette merveilleuse idée narrative, rendent le débout du roman absolument magistral, la première moitié (jusqu'à la prise de conscience du rôle de l'homme dans le coma) fort intéressante; puis un certain decrescendo peut être ressenti, et l'introduction d'un personnage supplémentaire et extérieur (la jeune soldat qui vient faire son initiation sexuelle auprès de la femme) me semble ne pas être strictement nécessaire, et quelque part représenter un symptôme de cette perte de souffle; la fin me semble décidément bâclée (peut-être par peur de trop en faire...): dommage car elle devait être le point d'orgue (d'ailleurs anticipé...)
Commenter  J’apprécie         51
Il y a des livres qui dérangent, qui mettent mal à l'aise, qui choquent, qui qui ébranlent...
Un coin de notre esprit nous chuchote de jeter ce livre loin, très très loin et ne pas lire cette histoire noire, lugubre, outrageuse, Ce même coin de notre esprit nous dit que malgré nos soucis et tracas du quotidien, on est bien là, maintenant, calé contre un bon coussin douillet et une tisane réchauffante et réconfortante en main. On n'est pas aussi mal lotie que l'héroine de ce livre. le fait est qu'on garde le livre en main, avec une forte détermination à le terminer, sans savoir pourquoi.
Une fois la dernière page tournée et le livre refermé, il reste tout de même ouvert dans notre esprit.
Car des années après l'avoir lu, lorsque je suis tombée sur sa couverture par hasard, toutes les émotions ressenties lors de la lecture ont refait surface... Je me suis trouvée à me demander ce que l'héroine était devenue, si elle allait bien... un peu comme une copine que l'on n'a pas envie de voir mais pour laquelle on souhaite beaucoup de bonheur.
Commenter  J’apprécie         00
Jolie perle, petit bijou que ce livre!
Une femme veille son djihadiste de mari, dans le coma suite aux combats, et se décide à le considérer comme sa syngué sabour, sa pierre de patience, telle une pierre magique qu'elle pose devant soi pour déverser ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères...
Cette femme, au fil des jours et de la maladie de son mari, se confie, partageant son piètre sort de femme de djihadiste. Ce dernier, avant son coma, n'ayant pour elle aucun respect, la considérant comme sa chose, sa possession.
Ce livre est écrit tout en finesse, tout en subtilité, tout en émotion et, ce qui ne gâche rien, maintient le suspens jusqu'à la dernière ligne (avec un final à couper le souffle).
Un livre, plutôt une pierre (de patience), qui jalonnera mon parcours de lectrice à tout jamais.
Commenter  J’apprécie         90
Syngué Sabour, c'est une pierre à laquelle on raconte tout, et surtout tout ce qu'on ne peut révéler aux autres et au bout d'un moment cette pierre éclate, symbole de notre délivrance.
Ici la pierre est en fait un homme, le mari de la narratrice, mari qu'au final elle connait très peu. Un mari dans un espèce de coma après avoir reçu une balle dans la nuque mais qui s'accroche néanmoins à la vie. Sa femme lui confie ses plus lourds secrets, ce qu'elle n'a jamais osé lui dire...
Ce livre se lit très vite, pas de chapitres, justes des courts paragraphes qui se suivent pendant 150 pages et des phrases courtes, lapidaires.
J'ai été touché par ce témoignage d'une femme qui cherche à tout prix à sauver son mari, en le maintenant en vie, en le soignant, le lavant...Au fur et à mesure, elle lui parle, lui raconte SA vie à elle, comment ELLE ressent les choses. Plus elle parle et plus elle se libère de son emprise et découvre des choses sur sa propre histoire.
Un Goncourt qui ne m'a pas laissé indifférente, une belle découverte !
CHALLENGE Variétés 2015 - Un livre que vous pouvez terminer en une journée
Challenge Méli-mélo Babelio 2015-2016
Challenge ATOUT PRIX 2015 - 2016
Commenter  J’apprécie         130