Kaboul avant-hier, attentat au camion piégé, 90 morts. Kaboul aujourd'hui, manifestation, la police tire à balles réelles, 4 morts. Kaboul 1979 – 1989, occupation Russe, guerre, entre 850 000 et 1 500 000 civils tués.
Il est des lieux où il faut bien se rendre à l'évidence, ce que certains nomment « dieu », a déserté.
L'Afghanistan fait partie de ces endroits abandonnés aux guerres entretenues pour des intérêts stratégiques, économiques, religieux.
C'est dans la période d'occupation Soviétique qu'
Atiq Rahimi nous emmène. Il nous fait partager quelques heures de la vie de Dastaguir, vieil homme parti retrouver son fils Mourad, travaillant dans une mine de charbon, pour lui annoncer la plus terrible des nouvelles qui puisse être, la perte de sa famille dans le bombardement de son village par les Russes. Seul survivant, Yassin, fils de Mourad devenu sourd à la suite du bombardement.
Terre et cendres, poussières d'éternité, débris d'amour, des bris de vie. L'écriture d'
Atiq Rahimi est tout simplement remarquable. Pas dans le sens littéraire (je n'ai aucune compétence pour juger de la qualité littéraire d'un texte, des spécialistes sont là pour disséquer, commenter, analyser et le font très bien) mais dans le ressenti. En tournant les pages, j'ai eu la main tremblotante de Dastaguir, j'ai eu le regard triste se frayant un chemin vers la lumière à travers les paupières mi closes du vieil homme, j'ai eu l'aride du front accablé par la douleur, l'alarme à l'oeil celle qui prévient qu'une goutte de vie va venir mouiller le cil, la gorge sèche et nouée par l'émotion.
Un huis clos entre une dure réalité et des souvenirs mêlés de rêves et puis ces questions qui se bousculent sur l'attitude à avoir avec son fils, dire ou ne pas dire, le voir ou renoncer au dernier moment pour l'épargner quelques temps encore, ne pas être le messager du malheur.
Et puis il y a Yassin qui ne comprend pas pourquoi les Russes ont pris les bruits et les voix des vivants.
Ce livre est bouleversant, si fort en ressenti…
Atiq Rahimi a adapté son livre au cinéma et obtenu le prix « Regard vers l'avenir » au festival de Cannes en 2004. Pas vu et pas certain d'avoir envie de le voir tant je reste sur une impression d'une puissance qui risquerait d'en pâtir.
Dis madame Babélio, dessine moi une sixième étoile.