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Sabrina Nouri (Traducteur)
EAN : 9782070416745
96 pages
Gallimard (04/03/2010)
4.02/5   278 notes
Résumé :
Un pont, une rivière asséchée dans un paysage désolé, la guérite d'un gardien mal luné, une route qui se perd à l'horizon, un marchand qui pense le monde, un vieillard, un petit enfant, et puis l'attente. Rien ne bouge ou presque. Nous sommes en Afghanistan, pendant la guerre contre l'Union soviétique. Le vieil homme va annoncer à son fils qui travaille à la mine, le père du petit, qu'au village tous sont morts sous un bombardement. Il parle, il pense : enfer des so... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (67) Voir plus Ajouter une critique
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Afghanistan, quand cette terre était sous le joug de l'occupation russe...

Au milieu de nulle part, un désert, deux êtres en errance, et isolés de tout et tous... Un homme âgé, Dastaguir, et son petit fils, Yassin, qui ont marché pour parvenir à cette baraque dans laquelle officie un préposé rugueux dont la rudesse n'a d'égale que son silence...
C'est la porte d'entrée du territoire minier, de cette mine dans laquelle le fils de l'homme et le père de l'enfant travaille, s'escrime... loin de chez lui, seul, pour faire vivre les siens.

Pour tout bagage, l'homme âgé ne traîne qu'un baluchon : un ancien foulard de son épouse, noué, d'où il extrait des pommes pour sustenter le petit ou du pain, encore celui-ci n'est-il que le souvenir de cette denrée précieuse tant il s'est desséché et est devenu immangeable : un pain comme le devenir du coeur des hommes...
L'homme espère, patiente fougueusement, attend l'apparition d'un véhicule qui, au lieu des cinq heures de marche qu'il ne veut plus imposer à son petit fils, les mènera vers son fils à qui il doit se confier…
Son attente est si impatiente, si pleine de crainte, qu'il ne goutte l'empathie du marchand qui offre thé et fruits, et surtout l'écoute attentive de celui qui a déjà tout perdu et qui connaît la terreur de l'abîme qui s'ouvre soudain. Alors, il est celui qui offre humanité et bonté pour panser les plaies de l'esprit de celui qu'il accueille...

Ce que l'homme âgé a à annoncer, il ne parvient pas à le formuler, il dénoue et remue cet écheveau de détresse dans son âme, il ne parvient pas à s'en saisir et à dompter les effrayantes paroles pour relater, pour dire l'atrocité, à trouver ces mots qui devront être siens...
Lui, les songes l'engloutissent, quand le naswar le fait passer dans un autre monde, quand l'imagination devient une porte vers un ailleurs parfois encore plus terrifiant, parfois encore plus incompréhensible, lui faisant revivre la folie des hommes. Son petit-fils, lui, vit désormais dans un monde en retrait, ne percevant plus les bruits, le chant des derniers oiseaux, les voix dont il imagine que leur don est la rançon exigée pour échapper à la mort, les mots contre la vie… Une culture qui se tait, qu'on bâillonne, pour un territoire qu'un autre s'approprie...

Tous les personnages de ce récit souffrent, tous ont les larmes qui brillent au bord des yeux... Parfois ils choisissent la bienveillance pour écraser ce chagrin et s'en détourner, parfois, ils sont devenus comme le pain dans le foulard aimé et les toucher, les côtoyer fait mal, bouscule, ils sont désormais trop raides, trop résistants pour accorder un regard, une écoute, un geste de compassion envers celui qui souffre comme eux…
La détresse habite chaque fibre de ces êtres, celle de la perte, celle de l'absence désormais compagne, celle des décisions trop lourdes, celle des mots qui manquent, celle des valeurs qu'on croyait inébranlables et qui ont été mises à terre.


C'est un tout petit livre mais qui pèse si lourd d'émotion, de larmes, de chagrin, de colère amère parfois quand l'incompréhension se mêle aux sentiments. Un petit livre duquel, à l'image de l'univers de Yassin, aucun pépiement d'oiseau, aucune parole inutile ne surgiront, tout est dans l'esprit, à refouler sans cesse  à l'image du style de l'écrivain dont on ressent intensément la houle et le fracas proche : que faire, que dire quand la peine et la barbarie sont trop lourdes pour être traduites.

Un tout petit livre à lire doucement, la main glissée dans celle de Yassin, l'écoute attentionnée vers Dastaguir, et les larmes partagées avec ces deux êtres, tout au long de ces phrases.
Ce texte est un hurlement silencieux… le drame d'un peuple qui se dit à à travers deux êtres...

Une écriture qui bouleverse, une écriture qui fait chanceler…

Comment se tenir debout quand on ne possède plus rien, quand toutes les certitudes ont été détruites, quand l'humanité disparaît peu à peu ?
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Kaboul avant-hier, attentat au camion piégé, 90 morts. Kaboul aujourd'hui, manifestation, la police tire à balles réelles, 4 morts. Kaboul 1979 – 1989, occupation Russe, guerre, entre 850 000 et 1 500 000 civils tués.
Il est des lieux où il faut bien se rendre à l'évidence, ce que certains nomment « dieu », a déserté.
L'Afghanistan fait partie de ces endroits abandonnés aux guerres entretenues pour des intérêts stratégiques, économiques, religieux.
C'est dans la période d'occupation Soviétique qu'Atiq Rahimi nous emmène. Il nous fait partager quelques heures de la vie de Dastaguir, vieil homme parti retrouver son fils Mourad, travaillant dans une mine de charbon, pour lui annoncer la plus terrible des nouvelles qui puisse être, la perte de sa famille dans le bombardement de son village par les Russes. Seul survivant, Yassin, fils de Mourad devenu sourd à la suite du bombardement.
Terre et cendres, poussières d'éternité, débris d'amour, des bris de vie. L'écriture d'Atiq Rahimi est tout simplement remarquable. Pas dans le sens littéraire (je n'ai aucune compétence pour juger de la qualité littéraire d'un texte, des spécialistes sont là pour disséquer, commenter, analyser et le font très bien) mais dans le ressenti. En tournant les pages, j'ai eu la main tremblotante de Dastaguir, j'ai eu le regard triste se frayant un chemin vers la lumière à travers les paupières mi closes du vieil homme, j'ai eu l'aride du front accablé par la douleur, l'alarme à l'oeil celle qui prévient qu'une goutte de vie va venir mouiller le cil, la gorge sèche et nouée par l'émotion.
Un huis clos entre une dure réalité et des souvenirs mêlés de rêves et puis ces questions qui se bousculent sur l'attitude à avoir avec son fils, dire ou ne pas dire, le voir ou renoncer au dernier moment pour l'épargner quelques temps encore, ne pas être le messager du malheur.
Et puis il y a Yassin qui ne comprend pas pourquoi les Russes ont pris les bruits et les voix des vivants.
Ce livre est bouleversant, si fort en ressenti…
Atiq Rahimi a adapté son livre au cinéma et obtenu le prix « Regard vers l'avenir » au festival de Cannes en 2004. Pas vu et pas certain d'avoir envie de le voir tant je reste sur une impression d'une puissance qui risquerait d'en pâtir.
Dis madame Babélio, dessine moi une sixième étoile.
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Lu dans le cadre du prochain club-lecture de la médiathèque auquel j'appartiens et dont le thème est celui des éditions P.O.L, j'ai eu une merveilleuse surprise en découvrant cet ouvrage vers lequel je ne me serais probablement jamais penché...et pourtant, le lecteur découvre ici une histoire bouleversante !

Nous sommes en Afghanistan, dans un petit village qui vient d'être bombardé et les habitants massacrés par l'armée soviétique, à l'époque où les deux pays étaient en guerre. Dastaguir, notre narrateur, vient de voir sa femme, sa bru et l'un de ses fils mourir sous ses yeux. Cependant, il se doit de partir du village car il lui reste une terrible mission : annoncer cette terrible nouvelle à Mourad, son autre fils qui travaille actuellement à la mine en emmenant avec lui son petit-fils Yassin, qui est devenu sourd suite aux terribles bombardements. Comment déclamer devant la chair de sa chair l'indicible ? Comment lui donner la force de continuer à vivre après un tel drame ? Dastaguir, devant son immense tristesse n'en sait rien. Il est perdu et marche résolu à se rendre à la mine mais aura-t-il réellement le courage d'aller jusqu'au bout ?

Un roman poignant, déchirant même, avec des phrases très courtes, comme lorsque l'on voit la mort arriver devant soi et que l'on ne peut rien faire. Une lecture que je ne peux que fortement vous recommander en vous prévenant cependant que vous n'en sortirez pas indemne !

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Après avoir lu Syngué Sabour à sa sortie , j'avais hâte de retrouver la plume d'Atiq Rahimi, et je n'ai pas été déçue du voyage.

Quel plaisir de retrouver cette langue à la fois très retenue, poétique, pleine de silences et d'émotions !
Le narrateur interpelle sans arrêt avec un "tu" énigmatique qui rend le récit très familier et mystérieux à la fois. A qui s'adresse-t-il ? Au lecteur ? Peu probable. Au personnage ? Sans doute, mais ce dernier ne répond jamais. Peut-être l'auteur s'adresse-t-il en vérité à l'Afghanistan ?

Terres et cendres pourraient être un conte - du moins une parabole - si le sujet n'était pas si grave. C'est un texte où le motif du feu/des flammes est omniprésent. C'est une histoire très "masculine", encore plus que Syngué Sabour.
Terres et cendres met en scène des dialogues de de sourds. Tout d'abord entre Dastaguir, le grand-père qui ne sait pas (comment) dire les choses et Yassin, le petit-fils devenu sourd après l'explosion d'une bombe. Chacun de ces personnages est conscient du fait que quelque chose ne va pas, mais aucun ne cherche à dire clairement ce quelque chose.

Ce récit interroge sur ce qui fait la masculinité à l'afghane en ces temps de guerre et de deuil. Comme Khaled Hosseini dans le roman qui l'a rendu célèbre, Atiq Rahimi cite le Livre des Rois. Mythe fondateur de l'identité persane dans lequel le père tue son fils sur un champ de bataille. Une histoire tragique qui trouve un écho dans le contexte de cette guerre - qui comme tous les conflits a quelque chose d'absurde.

Ni l'auteur ni ses personnages n'offre de solution à ce drame, un seul constat en refermant ce livre : l'impuissance des hommes face à des événements qui le dépassent. Car entre vouloir et pouvoir, il y a parfois un gouffre...
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Un vieil homme, accompagné de son petit-fils, attend un transport pour la mine où travaille son fils pour l'avertir du drame qui vient de toucher tout le reste de la famille.
Il est encore en état de choc, totalement perturbé... il pense et redoute surtout d'être en face de son fils et avoir à lui dire l'indicible.

Quel que soit le prétexte, quel que soit le pays, la guerre fait douloureusement souffrir des individus qui ne demandaient rien.
Petit livre de moins de cent pages, mais un moment intense et poignant.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
En vérité, tu as le coeur gros. Il y a longtemps qu'un ami, ou même un inconnu, ne s'est pas préoccupé de toi. Il y a longtemps qu'aucune parole familière ou étrangère n'a réchauffé ton coeur.
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Ton regard se perd dans les ondulations de la vallée. Tu reprends ton souffle et poursuis :
− Je vais enfoncer un poignard dans le cœur de mon fils !
Shahmard te regarde avec consternation. Il rit et dit :
− Grand Dieu. Qui aurait cru que je transporte un chevalier !!
Sans quitter la vallée, ses pierres noires, sa poussière et ses ronces, tu rétorques :
− Ce n'est pas cela, mon frère. Mais j'ai un immense chagrin et le chagrin parfois se transforme en poignard.
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- Tu sais, père, la douleur, soit elle arrive à fondre et à s’écouler par les yeux, soit elle devient tranchante comme une lame et jaillit de la bouche, soit elle se transforme en bombe à l’intérieur, une bombe qui explose un beau jour et qui te fait exploser… ( …)
Tu n’entends plus la suite. Tu te perds au fond de toi, là où se tapit ta détresse. Et on chagrin à toi ? S’est-il transformé en larmes ? Non, sinon tu pleurerais. En poignard ? Non plus. Tu n’as encore blessé personne. En bombe ? Tu es toujours en vie. Tu es incapable de décrire ton chagrin ; il n’a pas encore pris forme. C’est encore trop tôt. Si seulement il pouvait se dissiper avant même de prendre forme, disparaître…
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En vérité, tu as le cœur gros. Il y a longtemps qu'un ami, ou même un inconnu, ne s'est pas préoccupé de toi. Il y a longtemps qu'aucune parole familière ou étrangère n'a réchauffé ton cœur... Tu as envie de dire quelque chose en retour. Vas-y, parle ! Mais il est peu probable qu'il y ait un retour ! Le gardien ne va pas t'écouter. Il est dans ses pensées. Il est avec ses pensées. Il est muré dans sa solitude. Laisse-le tranquille.
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Ces malheurs sont le lot de tout le monde, la guerre n'a pas de cœur...
[...]
- ... la loi de la guerre c'est la loi du sacrifice. Dans le sacrifice, ou bien le sang est sur ta gorge, ou bien il est sur tes mains. [...]
- Pourquoi ? [...]
- Mon frère, la guerre et le sacrifice suivent la même logique. Il n'y a pas d'explication. Ce qui est important, ce n'est ni la cause ni le résultat, mais l'acte pro^proprement dit.
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Videos de Atiq Rahimi (55) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Atiq Rahimi
"Bienvenue aux éditions P.O.L", un film de Valérie Mréjen. Pour les 40 ans des éditions P.O.L, quelques un(e)s des auteurs et des autrices publié(e)s aux éditions P.O.L écrivent une carte postale et laissent un message aux éditions P.O.L. Avec par ordre d'apparition de la carte postale: Violaine Schwartz, Jean-Paul Hirsch, Lucie Rico, Emmanuel Lascoux, Jacques jouet, Philippe Michard, François Matton, Frédéric Boyer, Catherine Henri, Suzanne Doppelt, Lamia Zadié, Marianne Alphant, Suzanne Duval, Laure Gouraige, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Elisabeth Filhol, Célia Houdart, Nicolas Fargues, Nicolas Bouyssi, Louise Chennevière, Frédérique Berthet, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Jean Frémon, Kiko Herrero, Julie Wolkenstein, Emmanuelle Bayamack-Tam, Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Pierric Bailly, Valère Novarina, Hélène Zimmer, Nicolas Combet, Christian Prigent, Patrice Robin,, Emmanuelle Salasc, Alice Roland, Shane Haddad, Mathieu Bermann, Arthur Dreyfus, legor Gran, Charles Pennequin, Atiq Rahimi, Anne Portugal, Patrick Lapeyre, Caroline Dubois, Ryad Girod, Valérie Mréjen / Dominique Fourcade, Marielle Hubert, Robert Bober, Pierre Patrolin, Olivier Bouillère, Martin Winckler, Jean-Luc Bayard, Anne Parian, Nathalie Azoulai, Julie Douard, Théo Casciani, Paul Fournel, Raymond Bellour, Christine Montalbetti, Francis Tabouret, Ryoko Sekiguchi,
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