Yi-touen regarda de plus près son bol de bouillons de poussins et en sortit avec deux doigts un long cheveu noir :
- Qu’on aille me chercher le premier cuisinier ! Qu’on le punisse pour sa négligence ! Qu’on le chasse !
- Il n’est pas responsable de cette faute, Noble Yi-touen…
- Comment ça, Tchouang ?
- Ton premier cuisinier a tout intérêt à être sans reproche. Si j’étais toi, j’accuserai plutôt le deuxième cuisinier :lui , il cherche à déconsidérer son collègue pour prendre sa place. (p110)
Comme à son habitude, Tchouang combattit l’enfer des croyances en racontant une fable. Un homme voulait être un saint. Il s’enferma dans une grotte pour s’éloigner des embarras du monde. Il méditait toute la journée, c’est-à-dire qu’il s’efforçait d’établir en lui un certain silence mais ne parvenait, en réalité, qu’à un état de complète hébétude. Il ne mangeait que des orties bouillies, pliait son corps à des pénitences et n’écoutait pas chanter son estomac. Quand il crut conforme son désir de sainteté, il consentit à mettre le nez dehors. Surgi de la jungle, un tigre le dévora en une bouchée. «Il aurait mieux fait de vivre », disait Tchouang. (p219)
L'époque était féroce mais la cuisine savante.p.33