Architecture

Pascal Rambert écrit pour ses comédiens.

Architecture, la bien- nommée,   est du sur-mesure pour quelques "pointures" de la scène actuelle- Stanislas Nordey, Jacques Weber, Audrey Bonnet, Anne Brochet, Marie-Sophie Ferdanne, Laurent Poitrenaux , Emmanuelle Beart, Arthur Nauzyciel, Pascal Reneric ( ou  Denis Podalydes, en alternance), et voir la pièce jouée par ces monstres sacrés qui s'interpellent par leurs vrais prénoms,  est déjà un régal en soi, sans compter que cela facilite l'identification rapide des personnages!

 Mais pas que.

Architecture est aussi une pièce très ancrée historiquement: c'est l'histoire d'une famille d'intellectuels viennois , entre les deux coups de feu de Sarajewo qui vont précipiter l'Europe dans le chaos d'une modernité plus violente qu'on ne l'aurait imaginé ,  et l'Anschluss qui signe son assujettissement aux idéologies fascistes qui vont la détruire.

Sur la scène, le mobilier change( Art nouveau, Bauhaus...) signalant le passage du temps. Mais le huis-clos familial reste identique. Il est même de plus en plus étouffant. La culture est le seul ciment de cette famille démunie, déchirée,  asservie aux colères et aux volontés d'un vieux chef de famille despotique, Jacques Weber, architecte renommé, (un peu trop percutant et paroxystique pour mon goût).

Tous les enfants, gendres, brus, seconde épouse du patriarche,   rivalisent de talent, de savoir, de lucidité.  Ils sont philosophe, linguiste, musicien, psychanalyste , écrivain, comédienne, chanteuse, zoologiste.. Et pourtant , à  mesure que se craquèle et se rompt l'ancien monde autour d'eux, tout leur savoir ne leur servira de rien.La culture ne peut rien opposer à  la folie,  dehors, à  l'entropie,  dedans. Un à un, tous  vont sombrer dans le maëlstrom d'une mort violente qui les emporte sans délai.

Comme si rien de culturel ne pouvait sauver un monde sans amour ni solidarité.  Pas même l'amour de la beauté. 

Une "Architecture" qui s'effondre dans le chaos.

"Architecture est un memento mori pour penser notre temps", rappelle Pascal Rambert dans un article , et il ajoute: " Si les plus brillants n'ont pu empêcher le sang comment ferons-nous dans un temps peu armé comme le nôtre si le sang se présente à nouveau?"