Longtemps j'ai eu dessinée, sur mon sac blanc du marin, la silhouette d'un quartier-maître fourrier, dessinée façon Gervèse.
Et, je l'ai malheureusement égaré au hasard d'un déménagement.
Les caricatures de Gervèse marquent la naissance d'une nouvelle marine militaire, celle que l'on nommera désormais la "Nationale".
C'était, à la fin de de la "marine en bois, l'avénement du fer et du "gris-pont".
Gervèse, Charles Millot, était officier de marine, caricaturiste, peintre et écrivain à "l'entre-deux" siècles.
Il fût un marin de la troisième république, un de ceux qui ont navigué sur le Yang-Tsé, bourlingué aux Dardanelles ...
Ce livre, "
Gervèse et la marine de son temps", est le résultat d'une association de bonnes volontés : le fameux capitaine de la marine marchande,
Jean Randier, historien de marine, est à la manoeuvre.
Il y est secondé par le neveu de Gervèse, le capitaine au long cours
Jacques Schirmann.
Ce livre est aussi le résultat de l'amitié que fit naître, en 1944, entre les deux hommes, la réédition posthume de "
Souvenirs d'un marin de la troisième république" de Gervèse.
C'est un travail passionné, attentif à l'oeuvre originale.
Le livre s'ouvre sur une fine et intelligente analyse de la situation politique de l'époque.
Puis, judicieusement placé dans le décor, Charles Millot y est présenté : l'Ecole-Navale, la Chine, les Dardanelles et l'Argentine pour un dernier plaisir de peindre ...
Une des premières caricatures de Gervèse est une publication du journal satirique "Le Rire", en juillet 1909, pour un numéro spécial, une enquête sur la marine.
L'artiste en avait réalisé les dessins, mais ne voulant pas collaborer avec
Claude Farrère, Gervèse avait refusé d'en assurer les textes.
Un autre rédacteur fût choisi, qui signa "la patate".
Les premières cartes postales de la série "nos marins" furent éditées conjointement à Cherbourg, chez Bissonnier, et à Alger, chez Bringau, dès 1902 alors que Gervèse était affecté sur le "Dupleix".
Mais le vrai succès vint par un bandeau irrévérencieux représentant un défilé du 14 juillet, quai Cronstadt, à Toulon en 1912.
Un bandeau qui, bien que fantaisiste, plût au préfet-maritime au point qu'il en commanda un deuxième figurant "le bal à la préfecture maritime" ...
Et là, est mon quartier-maître fourrier, qui n'est pour l'instant encore que matelot !
Les caricatures de Gervèse sont cocasses et réjouissantes.
Elles sont intemporelles parce qu'elles s'attachent à des figures traditionnelles, à des moments incontournables de la vie du marin :
- l'embarquement, le branle-bas, le retour de bordée, l'armement du you-you, l'inspection, le permissionnaire à l'appel, la ronde de nuit, le salon de coiffure ...
Cent cartes postales et huit bandeaux font la somme de la nature heureuse du marin ... des scènes de la vie à bord et du thème inépuisable des motifs de punition !
Allez, étale dessus ! ...