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Raoni Metuktire (Autre)
EAN : 9782226471789
464 pages
Albin Michel (30/03/2022)
4.36/5   7 notes
Résumé :
« Venue du monde indigène, la lumière que les peuples premiers offrent aux "civilisés à ce moment de leur histoire pourrait bien inciter ces derniers à ensauvager un peu leur esprit, à quitter la froideur du raisonnable pour retrouver les flammes vives de l'instinct profond. »

Face aux périls qui menacent l'humanité en ce début de XXIe siècle - réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, montée des tensions -, les peuples autochtones on... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Maurice Rebeix entame son texte en lançant un questionnement qui à la fois sonne comme une alerte et lui permet d'introduire, plus qu'une injonction, une proposition, consistant à élargir notre vision par l'observation d'autres manières d'appréhender le monde.
Malgré l'épidémie de Covid-19, avons-nous bien compris ce qui est en jeu ? Avons-nous su percevoir que la Terre, organisme vivant, nous invitait, via les bactéries, les microbes, à méditer les conséquences de nos comportements abusifs et ravageurs sur l'environnement ? Avons-nous compris que nous sommes en train de devenir un parasite au sens propre du terme, dont l'écosystème planétaire va peut-être devoir se défendre en générant des anticorps ?

"Avons-nous oublié -franchement, on se pince à l'idée que cela ait pu nous échapper- que, dans la nature, tout excès, toute concentration exagérée, toute surreprésentation, animale ou végétale, est irrévocablement régulé ?"

Il est important de souligner d'emblée que le "nous" dont il est question se réfère au monde occidental, qu'il convient de ne pas considérer que la dévastation est inhérente à l'Homme et à l'ensemble de ses activités, mais qu'elle est le résultat d'une manière de vivre propre à une civilisation et à une histoire données, à une relation au monde culturellement identifiable. C'est cette dernière que Maurice Rebeix nous invite à changer, en prenant conscience que rien ne nous distingue véritablement du reste du monde naturel, que nous ne sommes qu'un simple organisme sur une planète qui en abrite des millions d'autres.

Photographe, cinéaste, sportif, l'auteur s'est inspiré de plusieurs décennies de voyages et de rencontres à travers le monde, de l'Indonésie à la Jamaïque en passant par la forêt amzonienne, des Fidji aux Etats-Unis, où il s'attarde plus particulièrement, ayant noué des liens très étroits, devenus quasi familiaux, avec des membres de la tribu des Lakotas. Il a écouté les voix des peuples indigènes, qui tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps, et dont la plupart peuvent se prévaloir d'une très ancestrale compréhension spirituelle du monde. Il propose ainsi un panorama de pensées de tous horizons, hors de toute idéologie ou religion.

Il convoque également dans ces pages d'autres voix, celles de scientifiques, d'anthropologues, de philosophes…, dont les pensées l'inspirent et rejoignent la sienne, lui permettant d'appuyer son argumentation. Citons notamment l'astrophysicien Aurélien Barrau et son appel à une révolution écologique nourrie de désir et non de contrainte, Pierre Rahbi et sa vision d'une sobriété pourvoyeuse de bonheur, Edgar Morin et sa conviction de l'abyssal mystère de la réalité, Naomi Klein pour qui "le changement climatique représente une crise narrative profonde pour la civilisation occidentale, liée aux questions de visions du monde et de spiritualité", ou encore Levi Strauss, Baptiste Morizot

Précisons qu'il semble d'abord répondre à sa question initiale (relative à notre prise de conscience quant à l'impact délétère de notre mode de vie) de manière négative. En effet, à voir ce qui nous préoccupe, nous agite et fait l'objet de nos débats, il semblerait que nous ayons délibérément fait le choix de nous détourner de l'essentiel. Que notre manière d'être au monde est gouvernée par le goût du rapport de force, la volonté d'imprimer la marque de notre domination sur le reste du vivant, comme en témoigne une Histoire marquée par la colonisation, l'appropriation des territoires, l'exploitation, guidées par la conviction que la terre n'est qu'une simple masse de matières mise à notre disposition. Nous avons construit un monde aseptisé, urbanisé, un monde de confort, de bruits et d'odeurs fabriqués, de nourriture insipide, de vies vécues par procuration, à travers les écrans. Coupés d'un monde naturel dont nous nous efforçons constamment d'effacer les traces, nous avons perdu le savoir des arbres, des fleurs, du vent. Nous sommes devenus trop pressés pour percevoir les signes qui disent la magie du monde.

"Quand la beauté de la nature ne mérite à nos yeux que d'être l'objet d'un selfie, au lieu d'un rite, un moment de déférence ou de recueillement, cela ne dit-il pas notre déconnexion de la compréhension ancienne de la sacralité des lieux, du pouvoir des sites ?"

Et nous en sommes malheureux. Car notre anthropocentrisme et notre immodestie nous conduisent à la solitude, à l'enfermement, à vivre dans des villes grises et fatigantes. Notre obsession du moi nous rend incapable de nous connecter avec le tout. Nos mentalités maladives nous amènent à nier la vie de l'autre, du reste du vivant dans l'approche la plus globale du terme. Il devient urgent (car comme le précise Maurice Rebeix, l'effondrement a commencé) de cesser d'imposer notre domination ou nom d'une intelligence dont notre espèce serait l'unique détentrice et de s'adapter à d'autres modes non seulement de pensées mais d'être au monde, sans la distance et le dédain que notre civilisation témoigne à l'autre.

Et c'est là que se tient le coeur de l'ouvrage : ce n'est pas tant à un changement dans nos comportements qu'appelle l'auteur, mais à une évolution radicale de notre vision du monde, à l'introduction -ou la réintroduction-, dans notre rapport à ce qui nous entoure, d'une forme de spiritualité qui, en nous amenant à reconsidérer notre place dans ce monde, induira de fait une autre manière de se comporter envers lui. Car "affirmer la sacralité, c'est rendre intouchable". Et les peuples indigènes -ou premiers comme les définit l'auteur dans son sous-titre-, qui pour rappel représentent 5 % de la population mondiale, mais sont les gardiens de 80 % de la biodiversité planétaire, sont en cela des sources d'inspiration.

Pour reprendre l'exemple des Lakotas, dont il est beaucoup question, ces derniers estiment être des gardiens, et non des maîtres du monde, ce qui implique, plus que des droits, des devoirs. L'eau, les arbres, les animaux, sont considérés comme des parents, et non comme des ressources. Ils incluent ainsi dans le Cercle de la vie auquel ils rendent hommage notamment par leurs danses, toutes les formes de vies, les minuscules comme les gigantesques, les proches comme les lointaines. A l'encontre de la vitesse et de l'immédiateté qui caractérisent la vie de l'homme blanc, ils projettent les conséquences des décisions, pur savoir si elles sont bonnes, sur du long terme, sur sept générations, précisément.

D'une manière générale, les cultures indigènes entretiennent avec le "Grand Tout" une relation imprégnée de spiritualité, vivant ainsi dans un autre monde que le nôtre, énigmatique, ouvert sur l'invisible, propice à la compréhension spirituelle, où tout ce qui vit est doté d'un esprit, d'un souffle ; un monde non clos, où le mystère ne se perce pas mais s'approche avec révérence.

Maurice Rebeix insiste bien sur cette notion de spiritualité, qu'il distingue de la religion. A l'adoration et la soumission que suppose la seconde, il oppose la notion de célébration et la quête de communion qui définissent la première. Quand la religion tient tout entière dans la croyance, la spiritualité se constitue peu à peu de l'expérience. Et quand l'affirmation des postulats religieux ou idéologiques nous réduisent à notre simple dimension humaine, au repli sur soi et aux rapports de force, la spiritualité nous emmène sur le chemin d'une consciente non plus seulement personnelle mais collective, offrant la reconnexion à quelque chose de plus grand que nous, d'un questionnement et d'une écoute qui ouvrent à une compréhension globale du monde. Elle procure par ailleurs une capacité à la paix intérieure que seule offre la conscience du lien qu'on entretient par sa propre existence avec toutes les autres formes de vie.

Il nous invite ainsi à réviser nos certitudes pour nous remettre à l'écoute du chant du monde, à ne plus mépriser l'imagination au profit de la connaissance, à entretenir un lien plus respectueux, voire plus affectueux pour l'eau, la terre… Envisageant le spirituel comme élément de formes possibles de renouveau, susceptible de contribuer à l'émergence d'une prise de conscience, il exhorte à l'humilité, à la patience, à l'ouverture. Il ne s'agit pas de devenir des indigènes, car il est bien conscient que ce n'est pas possible, mais d'oser s'aventurer hors des champs habituels du réalisme et de l'objectivisme, de " quitter la froideur du raisonnable pour retrouver les flammes vives de l'instinct profond". Ce qui n'empêche pas par ailleurs de dénoncer le système à l'origine de la dévastation…

"Le monde ne mourra pas par manque de merveilles mais uniquement par manque d'émerveillement."

J'ai été bien bavarde mais rassurez-vous, l'essai de Maurice Rebeix, très riche, vous réserve encore bien des découvertes, notamment lorsqu'il nous emmène à rencontre de la spiritualité de ces peuples premiers dont il nous invite à nous inspirer… Si j'ai trouvé son approche très intéressante, et sans doute très juste, j'avoue être assez pessimiste sur la capacité de nos sociétés à passer d'une ultra connexion à la technologie à une reconnexion au(x) vivant(s) qui l'(les) entoure(nt), et ce bien que l'auteur termine lui-même sur une note d'espoir en constatant "qu'un mouvement s'engage, et qu'une conscience s'installe".

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Certaines lectures nous marquent durablement et, même si je pressentais que le message de "L'Esprit ensauvagé" trouverait une résonnance en moi, je ne me doutais pas que l'ouvrage de Maurice Rebeix me captiverait autant. Au fil du livre, il cite des leaders autochtones, des astrophysiciens, des anthropologues, des artistes, et laisse une grande place aux langues indigènes du monde entier pour illustrer son propos qui mêle écoute, spiritualité, écologie et humanité.

Sa proximité avec les Premières Nations lui a permis de repenser sa relation avec les hommes, la nature et la Terre en suivant la logique de la salutation sioux lakota : « Mitakuye oyasin » (« Nous sommes tous reliés. »). L'auteur explique ainsi qu'« humanité » et « humilité » sont liées par leur racine commune : « humus » ; un rappel nécessaire dans un monde d'exploitation des ressources et de violence entre les individus.

J'ai été particulièrement touchée par le côté solaire du livre qui insiste avant tout sur les victoires des « peuples-racines du monde » (p. 293) – la reconnaissance du statut d'entité vivante du fleuve Whanganui en Nouvelle Zélande, le Buffalo Big Board Surfing Classic à Hawaii, l'arrêt de l'exploitation du Dakota Access Pipeline – et sur leur incroyable résilience qui passe par le ré-apprentissage de leur culture – le rituel de l'Inipi (hutte à sudation), la Danse du Soleil, la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone, le maintien de leurs langues…

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Graou tout le monde !

Ensauvagez-vous.

Face aux périls qui menacent l'humanité en ce début du XXIème siècle, réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, montée des tensions, les peuples autochtones ont un message à nous délivrer. En Amérique du Nord ou du Sud, en Afrique ou en Océanie, ils perpétuent encore, à travers leur culture et leur spiritualité, une autre façon d'être au monde.

Maurice Rebeix nous offre à réfléchir et à penser autrement. Voir à travers les yeux des populations qui n'ont pas perdu leur lien avec la nature est une manière d'avoir une vision plus ensauvagée et de penser de ces peuples.
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critiques presse (2)
LeMonde
28 juin 2022
Aussi bien reportage que quête intérieure, « L'Esprit ensauvagé », de Maurice Rebeix, raconte les peuples premiers qu'il a photographiés, de l'Amérique à l'Océanie
Lire la critique sur le site : LeMonde
SudOuestPresse
12 mai 2022
Un appel à écouter les peuples premiers pour se réconcilier avec la planète.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Certaines cultures vous sont rentrées de force dans la gorge par des conquistadors hallucinés dans leur folie de l'or, par des missionnaires saisis par l'hystérie de la conversion, par des détachements de cavalerie fondant sur vous sabre au clair, peur au ventre, rage au cœur. D'autres ont le pouvoir plus subtil de déteindre sur vous par la simple attraction qu'elles exercent sur votre humanité profonde. Dans les amphithéâtres de nos universités sont dispensés des cours magistraux durant lesquels les professeurs enseignent théories, connaissances et savoirs en vigueur.
L'assimilation intellectuelle de ces sommes d'informations par les étudiants, leur capacité à les mettre en pratique, à les transformer en savoir-faire, en méthodologie, sont ensuite validées par l'obtention exigeante de diplômes divers. Les Lakotas, eux, se rassemblent dans le cercle de leurs nombreuses cérémonies au sein desquelles, à travers chants et danses, se perpétue l'étude, l'exploration un brin magique si l'on veut, d'une très ancestrale compréhension spirituelle du monde. La Danse du Soleil constitue l'apogée, le climax de ce calendrier cérémoniel. (p. 42)
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