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sur 470 notes
Eric Reihnart signe un nouveau roman magistral, Une histoire hors norme, menée tambour battant, aucune fausse note, tout retranscrit avec dextérité, sensibilité et poésie Il faillait oser écrire sur un tel sujet , qui m'a littéralement scotchée. L'auteur manipule les mots, écrit ses textes en usant d'un vocabulaire élaboré, qui peut rendre la lecture longue, lourde pour certains lecteurs, mais un conseil, il faut perdurer, trouver la bonne porte pour rentrée dans son monde littéraire,

Sarah suite à un cancer du sein et en état rémission, se rend compte que sa vie, n'est pas on 'est plus comme avant. Elle veut mettre par écrit avec l'aide d'un écrivain, l'histoire d'une partie de sa vie, Sarah devient Suzanne, Suzanne est la narratrice, elle extériorise les désillusions de sa vie de femme, de mère. Elle ne ressent plus les mêmes sentiments vis à vis de sa familles, elle s'aperçoit que son mari, ce dernier possède 75 pour cent des parts du mobilier, un gouffre s'installe entre eux Au fil de la lecture, Suzanne et Sarah sont deux âmes soeurs, il faut se reconnecter pour redéfinir le rôle de chacune dans cette histoire complexe , Suzanne décide de quitter son domicile, pour un laps de temps, à ce moment, des moments douloureux refont surface, une femme manipuler reléguer au rôle de mère au foyer, cette manipulation psychologique, un emprise extrême, l'exploitation financière, cette tomber dans les méandres de la folie, et essayer de refaire surface, reprendre le cours de sa vie, L'auteur s'approprie cette histoire d'une façon remarquable, du début jusqu'au final, déroutant,

Laissez vous transporter, dans l'histoire de Sarah Suzanne et l'écrivain, vous ne le regrettez pas
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Rééditant le schéma narratif de son roman L'amour et les forêts paru il y a presque dix ans, Eric Reinhardt poursuit son exploration des jeux de miroir et de la mise en abyme multiple avec une nouvelle histoire d'écrivain à qui une femme demande de s'inspirer de son récit de vie pour en faire une fiction.


En rémission d'un cancer, Sarah se retrouve soudain à questionner son existence bourgeoise jusqu'ici sans histoires. Mariée depuis vingt ans, la voilà qui tout à coup ne parvient plus à se satisfaire de ses soirées seule avec leurs deux grands enfants, son époux préférant s'isoler tous les soirs dans son bureau aménagé à la cave. Et puis, naïve qu'elle était, elle vient de réaliser que son mari détient les trois-quarts de tous leurs biens, y compris ceux acquis au cours de leur vie commune. N'obtenant de lui que de vagues réassurances paternalistes, elle décide de provoquer un électrochoc en prenant le large quelques semaines, mais, à sa grande stupéfaction, ne réussit qu'à déclencher un engrenage de brutalité qui la mènera jusqu'aux rivages de la folie.


Sous la plume de l'écrivain, les douloureuses confidences de cette femme donnent naissance à un nouveau personnage, Susanne, création mêlant au reflet de Sarah les propres projections de l'auteur. le récit avance donc triplement, partie de billard à trois bandes rebondissant sans cesse entre réel, symbolique et imaginaire, à mesure que l'écrivain propose à son premier personnage d'en affiner avec lui le second sans hésiter à faire référence à son vécu personnel. Réalité et distorsions se pourchassent alors à l'infini, le plus diabolique étant sans doute que, bien avant d'apprendre à se regarder au travers de son reflet littéraire, Sarah, brutalement évincée de sa vie par les perverses manipulations d'un mari habile à la faire passer pour ce qu'elle n'est pas, se retrouve réduite à observer les siens en catimini, ombres se découpant la nuit sur l'écran éclairé des fenêtres de leur appartement. Voyeuse espionnant une existence dont elle est sortie, elle a l'impression de ne plus exister. « Elle leur est complètement sortie de l'esprit. Comment peut-on disparaître aussi vite de la vie de ceux que l'on aime ? C'est comme si elle était morte de son cancer et qu'elle avait eu la faculté de revenir les voir vivre une fois décédée. Ils ont fait disparaître Sarah de leur vie aussi sûrement que l'eût fait la maladie si elle s'était révélée fatale. »


Alors, tandis que Sarah raconte, que Suzanne vit la même chose à sa façon, et que l'écrivain vient y mêler des éléments de sa propre histoire, le tourbillon de la narration s'accélère pour, de tous ces fils narratifs, ne plus faire qu'un, celui tout simplement de l'acte créateur dont on ne sait jamais vraiment où il va puiser sa source. Et comme l'auteur conserve tout du long un coup d'avance sur son lecteur, ce dernier, tenu en haleine, aura droit au renversement final inattendu, histoire de ne pas laisser le dernier mot aux réalités les plus méprisables du patriarcat.


Ce livre à la construction vertigineuse donne non seulement une voix à une femme qui refuse d'abandonner ses idéaux face à l'égoïste indifférence de son mari, mais fait aussi voyager le lecteur, avec beaucoup d'originalité, au coeur du processus créatif. Pris par les sentiments en même temps que séduit intellectuellement, l'on ne peut que s'incliner, entre coup de coeur et coup de chapeau.

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Avec Sarah, Susanne et l'écrivain, Éric Reinhardt dont j'avais lu Comédies françaises, s'est lancé dans un exercice littéraire qui lui permet de se régaler mais qui m'a souvent désorienté. Ce mélange de réalité et de fiction, avec ces deux femmes semblables et différentes auquel s'ajoute l'écrivain, n'est pas facile à suivre. Souvent, je me suis posé la question : qui parle ou de qui parle-t-il ?
Pourtant, lorsque j'ai écouté Éric Reinhardt parler de son livre aux dernières Correspondances de Manosque, j'ai eu très envie de le lire car ce procédé littéraire singulier m'intriguait beaucoup.
Voilà donc Sarah qui confie son histoire à l'écrivain après avoir lutté contre un cancer du sein. Cet écrivain décide, en plein accord avec elle, de lui trouver un avatar qu'il nomme Susanne. Elles ont toutes les deux 44 ans et leurs enfants portent les mêmes prénoms : Paloma et Luigi. L'une est architecte, l'autre généalogiste.
Si Sarah habite au bord de l'océan, ils décident de faire vivre Susanne à Dijon. Si leur vie de couple paraît idyllique, des failles surgissent bientôt et cela devient vite choquant lorsque j'apprends que le mari possède 75 % de leurs biens et l'épouse seulement 25 %. Lorsque, logiquement, celle-ci demande un rééquilibrage, elle se heurte à un refus obstiné.
Pour faire vivre son personnage de fiction, l'auteur emprunte à la vie de Sarah mais peut s'en écarter à tout moment pour conduire ce que l'on peut comparer à une descente aux enfers. L'écriture d'Éric Reinhardt est soignée, délicieuse souvent et je reconnais que ce livre avait toutes les qualités littéraires pour décrocher le Goncourt, mais…
Débarque alors l'affaire du tableau remarqué par Susanne chez un antiquaire. Cela déclenche toute une histoire que j'ai trouvée pénible même si je comprends que l'auteur s'appuie dessus pour accompagner la dégradation psychologique de son héroïne.
Si Sarah a quitté le domicile conjugal pour faire une pause, Susanne en a fait autant et cela contribue grandement à accentuer une déchéance de plus en plus inéluctable qui me semble incompréhensible avec un séjour à l'Hôpital psychiatrique La Chartreuse, à Dijon. Au passage, l'écrivain fait part de ses réflexions, fait une entorse à la dramaturgie et à la vraisemblance. Il analyse pourtant bien la psychologie des enfants et c'est intéressant.
Bien sûr, arrive Venise, site idéal pour faire rêver le lecteur car il s'y passe toujours des histoires d'amour réelles ou fantasmées. Lorsque Momo se présente dans la lente remontée de Susanne vers la lumière, surtout lors de la rencontre avec son mari, voilà enfin du palpitant et des dialogues percutants, enfin, pas seulement les dialogues… Il en est de même lorsque Susanne se retrouve chez ses parents en Alsace. La discussion est animée et pleine d'humour.
Un épilogue, sous la forme d'une longue lettre signée Sarah, permet de faire le point et d'apporter de bonnes nouvelles, confirmant aussi toute la gratitude de cette femme pour l'écrivain. Cela est amplement mérité mais je redis toute la difficulté éprouvée au cours d'une lecture parfois lassante.
Si Sarah, Susanne et l'écrivain, roman d'excellente facture, ne m'a pas convaincu, je salue tout de même le talent d'Éric Reinhardt qui n'hésite pas, en cours d'écriture, à faire partager ses problèmes d'auteur. Sarah et Susanne, Susanne ou Sarah, ces deux femmes qui n'en font qu'une, ou pas, m'ont souvent fait souffrir avant de sortir par le haut de situations bien compliquées causées par leur mal-être et un mari exécrable.

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Le roman est construit sur la dualité entre deux personnages, Susanne et Sarah, avec une mise en abyme assez époustouflante.
Sarah raconte à l'écrivain sa propre histoire afin qu'il la retranscrive de façon fictive (elle ne veut pas être reconnue) Il invente Susanne, qui va vivre sa propre vie tout en traversant les mêmes drames que Sarah.
Toutes deux, mariées et mères de deux enfants, se sentent délaissées par leur mari. Elles vont décider de s'éloigner du domicile conjugal pour réfléchir et se reconstruire, espérant que cette rupture provisoire provoquera un choc positif chez le mari.
Sarah, qui se remet d'un cancer, a besoin de stabilité affective. Elle va pourtant assister à sa disparition dans la vie de son mari et de ses enfants, qui semblent très bien vivre sans elle. Choc aussi d'une vie précaire puisqu'elle a arrêté de travailler et que c'est le mari qui possède la majorité du patrimoine.
De son récit, l'écrivain tisse des similitudes avec son héroïne Susanne qui vit les mêmes affres dus à l'indifférence de son mari, mais il va le raconter différemment, allant même jusqu'à chercher une ville de province où situer son action, et ce sera Dijon dont il explique le choix à Sarah
« Il lui répondit qu'initialement, il avait voulu situer cette histoire dans le ventre du territoire français (si on peut dire), pour activer une sorte de métonymie. ».

Peu à peu, l'histoire se renverse, à la grande surprise du lecteur. On croyait avoir affaire à Sarah racontant son histoire, mais c'est en réalité l'écrivain qui parle de Susanne, à elle comme à nous, lecteurs, et qui mêle habilement les vies des deux femmes au point de nous perdre. Qui est qui, finalement ? Toutes deux frôlent la folie, leur détresse est la même, leur chute aussi, mais la progression qui les mène à ce même point ultime emprunte des chemins différents.
Si le rapport des deux mères avec leur fille Paloma est conflictuel, celui avec Luigi le fils adolescent est plus complexe et j'ai aimé cette connivence entre mère et fils et cette tendresse qui résiste aux assauts du père.
Si j'ai goûté à la forme de ce roman original qui mystifie son lecteur en l'entrainant dans deux histoires qui n'en font plus qu'une, j'ai été beaucoup moins conquise par le fond. Chez Susanne et Sarah, je n'ai pas apprécié leur posture de bourgeoises aisées aux métiers libéraux, et cette façon de se saborder toutes seules d'une vie dont le seul drame est ce mari égocentrique et distant qui deviendra vite toxique.

Ce procédé mettant en scène un écrivain s'appropriant l'histoire d'une femme qui se confie à lui, l'auteur l'avait déjà utilisé dans « L'amour et les forêts ». Mais je le trouve plus abouté, plus subtil aussi, dans « Sarah, Susanne et l'écrivain ».
Je sors tout de même avec une impression mitigée de ce roman qui présente des longueurs et des passages assez décousus. Dans l'ensemble, la lecture n'est pas facile et il faut accepter de se laisser mystifier par le mélange de deux personnages. Parfois, on suit le récit de Sarah pour passer, sans transition, à celui de Susanne et c'est déroutant. L'emprise du mari, la toxicité dans le couple auraient pu être davantage creusés, alors que l'auteur s'attarde beaucoup sur la crise de folie de son personnage et j'ai eu l'impression que l'écrivain cherchait davantage le spectaculaire que l'empathie avec son héroïne.
Pour le lecteur qui apprécie cette dualité entre réel et imaginaire, c'est le roman idéal ; Par contre, on peut être vite agacé par l'abus du procédé.
Un roman intrigant, sans aucun doute.
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Sarah a vu voler sa vie en éclats. Elle s'est aperçue que, légalement, son mari possédait 75% de leur maison et, par ailleurs, il avait tendance à se retirer en marge de la vie familiale. Sommé de rééquilibrer les choses, il n'a rien fait. Alors Sarah l'a mis au pied du mur en prenant ses distances le temps qu'il réfléchisse. Elle était loin d'imaginer ce qu'il adviendrait. Quelques mois plus tard, en plein tourmente, la quarantenaire confie son histoire à un écrivain qui s'en inspire pour écrire un roman. La protagoniste de ce roman, Susanne, est le miroir de Sarah et traverse des épreuves similaires. Mais évidemment, le récit est romancé…

Lorsque j'ai eu l'occasion de feuilleter ce roman en librairie, j'ai été intriguée par sa forme. Car on ne lit ni le témoignage de Sarah, ni le roman de l'écrivain, mais un échange entre les deux protagonistes à propos du livre en germe où ces deux récits s'entremêlent, se confondent, se prolongent l'un l'autre, divergent parfois pour mieux se fondre. J'ai trouvé cela très original et la question de l'indépendance matérielle et affective d'une femme vis-à-vis de son mari me tient à coeur : je suis repartie avec le livre sous le bras.

Si j'ai été admirative de la construction virtuose du roman et si son premier tiers m'a captivée, j'ai finalement souffert pour le terminer. J'y vois deux raisons principales.

D'abord, Sarah et son double de papier semblent prises dans une véritable spirale qui les voit tomber toujours plus bas. Cela fait beaucoup de tourments pour une seule personne (même double). Sans demander du feel good, j'aurais aimé voir un peu plus de lumière dans ce récit très noir. le roman a le mérite de montrer la vulnérabilité à laquelle nos sociétés patriarcales continuent de livrer de nombreuses femmes et la difficulté – pour ne pas dire l'impossibilité – de s'en extirper. Mais cela donne à l'intrigue une linéarité qui m'a accablée à la longue (le livre fait 415 pages). Les éléments romanesques imaginés par l'écrivain (celui du roman, à moins que…) n'ont pas suffi pour faire contre-poids.

D'autre part, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire précisément du fait de cette forme qui avait piqué ma curiosité. Je suis admirative de la manière dont Eric Reinhardt orchestre sa partition, glissant du « je » au « elle » voire au « il », un peu comme Lynch dans Mulholland Drive. Toutefois, le fait d'osciller en permanence entre les différents niveaux de récit m'a tenue à l'écart.

Alors j'ai été sensible au souffle féministe, à la manière édifiante dont le roman montre comment la littérature se nourrit des expériences intimes tandis qu'inversement ses pouvoirs permettent d'imaginer de nouveaux horizons. Mais je ne peux pas dire que j'ai passé un bon moment.

Un texte brillant sélectionné dans la première liste du Goncourt, mais qui ne m'a pas emportée.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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* Jeux de miroirs *

Sarah, Susanne et l'écrivain est un jeu de miroirs où l'on se perd allègrement. C'est une conversation entre deux personnes: Sarah et l'écrivain.
L'écrivain lui raconte des pans du roman qu'il est en train d'écrire sur sa vie à elle. Elle précise, dissèque, se récrimine mais surtout confond sa vie à celle de Susanne, son moi de papier.
Un paragraphe commence par Sarah, se termine en Susanne. Sont-ce les enfants de l'une, de l'autre. Eric Reinhardt s'amuse à nous promener et à nous perdre dans son palais des glaces. L'écriture est fraîche, amusante, surprenante.

Pourquoi trois étoiles alors ?

Parce que j'ai vraiment du mal avec l'héroïne (Non, je ne suis pas en cure de désintox !).
Notre Sarah/Susanne a une chouette petite vie le cul dans le beurre. Architecte de profession, elle a arrêté de travailler suite à un cancer pour lequel elle est en rémission. Elle est artiste, elle installe ses oeuvres dans le grand jardin de sa belle maison. Tout va relativement bien dans son couple et avec les enfants.
Un jour, elle découvre que dans son acte notarié, la maison appartient à 75% à son mari et à 25% à elle (ne pas se rendre compte des actes juridiques que tu signes si tu n'as pas ton bac ok, ca peut passer, mais pour une architecte, vraiment ???). Elle demande donc à son mari de changer cet état de fait, il ne le fait pas (mais qu'est-ce qui a poussé cette répartition, on ne le sait pas). Son mari a le besoin de s'isoler d'elle le plus souvent possible. Il va dans la cave, 10 minutes, 30 minutes, une heure, des heures, une nuit.

Notre Sarah/Suzanne tombe aussi amoureuse... d'un tableau vu chez un antiquaire. A 2000/1800/1600 elle ne se précipite pas pour l'acheter, mais une fois qu'il est vendu, elle va le rechercher à 10.000. Bravo Sarah/Suzanne.

Et là elle prend une autre décision, elle va 'éloigner de son mari pour jouer le forcing du 50/50. Elle loue un appartement (alors qu'elle n'a pas de revenus, précisons-le), installe son tableau, et annonce ça à son mari entre la poire et le fromage. Elle s'éloigne et lui se sent quitté.

Sarah/Suzanne tombe alors dans une spirale infernale où chaque décision prise est loin d'être la meilleure ou la plus logique ou simplement de bon sens. Une spirale qui va la rendre folle.. et qui moi n'a ennuyée profondément.

En résumé, la construction de ce roman est excellente mais il aurait pu certainement gagner en consistance avec une histoire plus crédible et une héroïne moins stupide (et c'est un euphémisme).

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Un roman déboussolant !

Dans les premières pages, on comprend rapidement qu'il va falloir focaliser l'attention sur chaque mot, afin de ne pas se tromper de personnage ! La gymnastique se met heureusement vite en place et nous pouvons naviguer entre l'écrivain, Sarah qui lui inspire cette histoire et Suzanne le double romancé de Sarah !

C'est donc Sarah qui confie son histoire : une sombre histoire d'emprise, qui l'a dépossédée de tous ses biens, et séparée de ses enfants. Un scénario que l'on sent prévu de longue date.

On y suivra aussi la relation complexe des deux héroïnes avec un mystérieux tableau, qui semble déclencher des réactions passionnelles chez ceux qui le croisent. A l'inverse du portrait de Dorian Gray, le devenir de cette oeuvre reflète l'était de déliquescence de sa propriétaire …

On aura donc deux versions, puisque l'écrivain s'inspire des confidences de Sarah mais brode pour en faire un roman. On a donc le droit à deux fictions en une !

Beaucoup de plaisir pour cette lecture qui reprend un des thèmes de prédilection d'Eric Reinhardt, avec un art du montage de la narration tout à fait abouti.

432 pages 17 août Gallimard

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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La lecture de Sarah, Suzanne et l'écrivain restera longtemps en moi comme un écho lancinant qui se propagerait dans la blessure d'une âme meurtrie. Mais dans cet écho, il y a aussi des éclats de lumière. Il me faudra attendre peut-être quelques jours encore pour que ma mémoire fasse le tri, attendre que l'eau se calme pour apercevoir ce que ce livre continue de me dire.
Sarah, une femme quadragénaire, rencontre un jour un écrivain pour lequel elle porte une vive admiration. Elle lui confie son histoire et voudrait qu'il l'écrive. Elle lui demande de le faire, pour elle, pour les autres femmes, pour les hommes aussi qui liront ce livre... Mais elle voudrait que ce soit un roman. Dans ce roman que l'écrivain décide d'écrire, Sarah s'appellera Suzanne...
Éric Reinhardt nous entraîne dans un étrange triangle choral qui n'est ni tout à fait l'histoire de Sarah, ni tout à fait l'histoire de Suzanne, mais peut-être est-elle celle d'un écrivain qui va faire de cette confession un roman, tissant un pont entre ces deux femmes ?
Alors Sarah devient Suzanne, encore en état de rémission suite à un cancer. Cette maladie lui a ouvert les yeux, lui a fait prendre conscience du poids de la vie, de ce qu'est sa vie réellement, sa vie conjugale, sa vie en tant que mère, sa vie en tant que femme aussi, peut-être et avant tout...
Mère de famille et épouse en apparence comblée, elle ne ressent plus les mêmes sentiments qu'avant et voilà que cette prise de conscience l'amène à se confronter brusquement à l'indifférence, à l'égoïsme de son époux, comme si sa maladie, ou plutôt sa rémission, lui avait brusquement ouvert les yeux.
Lorsqu'elle réalise après vingt ans de mariage, que son époux est propriétaire de soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal, Sarah tente de rétablir l'égalité économique au sein de leur couple et lui demande aussi de se montrer plus présent. Pour faire réagir son époux qui reste muet à sa demande, elle décide de quitter leur foyer pour quelques mois. Ce sera pour elle une décision aux conséquences inattendues et bouleversantes.
C'est cet effondrement que nous raconte Éric Reinhardt.
Celui de Suzanne, ou peut-être celui-ci de Sarah. Parfois j'en suis arrivé à ne plus savoir les distinguer, mais ce n'est pas très important. La construction narrative d'Éric Reinhardt, subtile comme un pont entre deux versants, favorise cette ambiguïté, ce basculement, ce jeu de miroirs de deux destins qui se parlent en écho...
Dans ce roman complexe et vertigineux, j'ai aimé cette mise en abyme, ainsi que la confusion dans laquelle celle-ci nous plonge et nous perd...
L'écriture d'Éric Reinhardt est d'une justesse incroyable, d'une sensibilité qui touche au coeur pour dire la violence psychologique exercée par un homme sur son épouse. Cette violence du silence, ce rejet, ce bannissement, ce point de bascule presque au bord de la folie, sont très finement rendus.
C'est un livre humaniste, profondément féministe de deux femmes qui décident de ne pas céder à la lente domination ordinaire, de renverser la table, de prendre en main leur destin, quitte à tout perdre... C'est l'histoire de leur résilience.
C'est un livre sur l'effacement. Éric Reinhardt montre comment on peut exister ou simplement disparaître, être effacé par le regard des autres, ceux qu'on croyait aimer, ceux dont on croyait être aimé... Mais il ne faut pas nous leurrer, cette indifférence n'est pas une vue de l'esprit philosophique, mais bien le cri d'une femme dans cette lente détérioration du désir de l'autre, c'est bien ici l'héritage patriarcal qui est désigné, sur lequel se fondent encore aujourd'hui beaucoup de couples dans leur fonctionnement...
Ce qui m'a surpris dans ma lecture, c'est la proximité de ce roman avec l'un des précédents du même auteur, L'amour et les forêts où là encore une femme contactait un écrivain, évoquait sa vie cette fois avec un pervers narcissique. D'où viennent à Éric Reinhardt ses inspirations qui se ressemblent ?
Éric Reinhardt est un auteur qu sait parler des femmes, sait parler aux femmes, sait parler aussi aux hommes qui essaient de parler aux femmes, qui essaient de parler des femmes...
Aussi, être un homme et lire ce roman n'est peut-être pas anodin.
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Sarah, qui éprouve une lassitude dans son couple, prend contact avec un écrivain qu'elle apprécie, afin qu'il s'inspire de sa vie pour écrire un roman. Dans celui-ci, elle se dénommera Suzanne.
Alternent dans le livre des passages consacrés aux histoires des deux femmes, des histoires proches mais présentant néanmoins, pour que cela fonctionne sur le plan littéraire, de légères différences et variations. le procédé de la mise en abyme, qui rappelle celui de L'amour et les forêts, est particulièrement efficient ici. Construit, autour de trois plans, celui de l'écrivain et de Sarah, ceux de Sarah et de Suzanne, il donne du relief et de la profondeur, organise la narration dans un subtil jeu de miroirs, et propose une réflexion sur la création artistique, sur le regard, sur le fait de voir et de se faire voir, sur la "pulsion scopique".
Car les deux protagonistes partagent un même intérêt pour la création artistique ; l'une ex-architecte crée de fabuleuses installations-jeux de lumière dans son jardin, l'autre dessine, s'essaye à la littérature, et se prend de passion pour un tableau religieux dans lequel elle s'absorbe totalement, et qu'elle absorbera d'ailleurs.
L'insatisfaction éprouvée par Sarah dans la relation avec son mari est le point de départ. Elle se sent délaissée, réalise qu'elle n'est pas propriétaire de leur maison à parité avec lui, et souhaite prendre de la distance pendant un certain temps pour remettre les choses à plat et le faire réfléchir. Hélas, les évènements ne prennent pas cette tournure et le piège se referme sur les deux femmes qui n'ont pas voulu voir la réalité en face, ont développé peu d'autonomie et se sont bercées d'illusions.
Réussi sur le plan formel, ce roman qui fourmille d'idées ingénieuses mais également d'invraisemblances, et dont le traitement de la thématique des relations conjugales toxiques est superficiel, me laisse, au final, assez dubitative.

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Le prétexte d'une rémission de cancer du sein est-il une raison suffisante pour entrainer autant de péripéties dans une vie de femme ?

Je répondrai à cette question en fin de billet. Commençons par l'histoire et l'écriture.

Le décor du livre est une méli-mélo qui permet à l'écrivain d'appuyer ses dires entre les faits et les sentiments traversés tantôt par l'héroïne du roman, tantôt par ceux de la femme qui est à l'origine du roman. On flotte ainsi, et assez judicieusement pour brouiller régulièrement les pistes au lecteur, entre Sarah (disons l'authentique) et Susanne sa jumelle (disons, l'héroïne de roman).
Elles ont 44 ans toutes les deux, sont françaises mais pas localisées dans la même région, sont mariées et ont deux enfants. L'une est architecte, l'autre généalogiste, le mari est quant à lui avocat fiscaliste. La dernière donnée est d'autant plus intéressante qu'on verra que la découverte que l'héroïne va faire, est à l'origine de la décision qui va entrainer une multitudes de bouleversements et découvertes.
Quelques temps après la sortie du traitement de son cancer, Sarah/Susanne découvre effectivement que son mari détient, en gros et pour faire simple, 75% des capitaux acquis durant leur mariage. Elle n'a que peu de choix et décide d'agir ; elle choisit l'éloignement dans une maison un peu singulière.
Et c'est partie pour Reinhardt, il peut laisser voguer le roman. Il s'amuse à prendre des décisions à la place de ses héroïnes ; sont-elles crédibles ? Chaque lecteur jugera.
La fin mérite tout de même qu'on s'y cramponne. La preuve, je l'ai avalé en moins de deux jours.

L'écriture de Reinhardt est bien au rendez-vous, rien à en dire de neuf par rapport à ses précédents romans. Les thèmes sont très actuels et dans l'esprit du temps comme toujours chez Reinhardt. le style en est un, c'est le sien. La langue est parfois un peu difficile mais accessible à tout un chacun.

J'en arrive à la réponse à ma question posée en début de billet. Elle est franche et directe : je ne le pense pas.
Qu'Eric Reinhardt ait croisé une femme ayant vécu un gros chamboulement à la sortie du tunnel qu'est le traitement d'un cancer, ça je le conçois. Qu'il aime à nous montrer qu'il apprécie la gente féminine, ça aussi je l'entends. Mais qu'il y mette autant d'artifices pour le mettre sous l'objet d'une rémission de cancer dans un roman, je ne suis pas certaine que beaucoup de femmes ayant traversé une telle épreuve adhèrent à ce livre. C'est un thème très bouleversant.
Pourquoi autant de doutes de ma part ? Peut-être simplement parce que j'ai fréquenté, pendant de très nombreuses années, des services dans lesquels on soignait ces femmes. Peut-être parce que j'ai été tellement touchée par leurs émotions, que je n'en suis pas encore assez remise. Et peut-être que, de fait, je ne suis pas la plus à même à garder assez de recul pour une appréciation sereine.
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