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EAN : 9782072945892
432 pages
Gallimard (17/08/2023)
3.55/5   461 notes
Résumé :
Sarah a confié l’histoire de sa vie à un écrivain qu’elle admire, afin qu’il en fasse un roman. Dans ce roman, Sarah s’appelle Susanne.

Au départ de ce récit, Susanne ne se sent plus aimée comme autrefois. Chaque soir, son mari se retire dans son bureau, la laissant seule avec leurs enfants. Dans le même temps, elle s’aperçoit qu’il possède soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal. Troublée, elle demande à son époux de rééquilibrer la répar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (88) Voir plus Ajouter une critique
3,55

sur 461 notes
Eric Reihnart signe un nouveau roman magistral, Une histoire hors norme, menée tambour battant, aucune fausse note, tout retranscrit avec dextérité, sensibilité et poésie Il faillait oser écrire sur un tel sujet , qui m'a littéralement scotchée. L'auteur manipule les mots, écrit ses textes en usant d'un vocabulaire élaboré, qui peut rendre la lecture longue, lourde pour certains lecteurs, mais un conseil, il faut perdurer, trouver la bonne porte pour rentrée dans son monde littéraire,

Sarah suite à un cancer du sein et en état rémission, se rend compte que sa vie, n'est pas on 'est plus comme avant. Elle veut mettre par écrit avec l'aide d'un écrivain, l'histoire d'une partie de sa vie, Sarah devient Suzanne, Suzanne est la narratrice, elle extériorise les désillusions de sa vie de femme, de mère. Elle ne ressent plus les mêmes sentiments vis à vis de sa familles, elle s'aperçoit que son mari, ce dernier possède 75 pour cent des parts du mobilier, un gouffre s'installe entre eux Au fil de la lecture, Suzanne et Sarah sont deux âmes soeurs, il faut se reconnecter pour redéfinir le rôle de chacune dans cette histoire complexe , Suzanne décide de quitter son domicile, pour un laps de temps, à ce moment, des moments douloureux refont surface, une femme manipuler reléguer au rôle de mère au foyer, cette manipulation psychologique, un emprise extrême, l'exploitation financière, cette tomber dans les méandres de la folie, et essayer de refaire surface, reprendre le cours de sa vie, L'auteur s'approprie cette histoire d'une façon remarquable, du début jusqu'au final, déroutant,

Laissez vous transporter, dans l'histoire de Sarah Suzanne et l'écrivain, vous ne le regrettez pas
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Rééditant le schéma narratif de son roman L'amour et les forêts paru il y a presque dix ans, Eric Reinhardt poursuit son exploration des jeux de miroir et de la mise en abyme multiple avec une nouvelle histoire d'écrivain à qui une femme demande de s'inspirer de son récit de vie pour en faire une fiction.


En rémission d'un cancer, Sarah se retrouve soudain à questionner son existence bourgeoise jusqu'ici sans histoires. Mariée depuis vingt ans, la voilà qui tout à coup ne parvient plus à se satisfaire de ses soirées seule avec leurs deux grands enfants, son époux préférant s'isoler tous les soirs dans son bureau aménagé à la cave. Et puis, naïve qu'elle était, elle vient de réaliser que son mari détient les trois-quarts de tous leurs biens, y compris ceux acquis au cours de leur vie commune. N'obtenant de lui que de vagues réassurances paternalistes, elle décide de provoquer un électrochoc en prenant le large quelques semaines, mais, à sa grande stupéfaction, ne réussit qu'à déclencher un engrenage de brutalité qui la mènera jusqu'aux rivages de la folie.


Sous la plume de l'écrivain, les douloureuses confidences de cette femme donnent naissance à un nouveau personnage, Susanne, création mêlant au reflet de Sarah les propres projections de l'auteur. le récit avance donc triplement, partie de billard à trois bandes rebondissant sans cesse entre réel, symbolique et imaginaire, à mesure que l'écrivain propose à son premier personnage d'en affiner avec lui le second sans hésiter à faire référence à son vécu personnel. Réalité et distorsions se pourchassent alors à l'infini, le plus diabolique étant sans doute que, bien avant d'apprendre à se regarder au travers de son reflet littéraire, Sarah, brutalement évincée de sa vie par les perverses manipulations d'un mari habile à la faire passer pour ce qu'elle n'est pas, se retrouve réduite à observer les siens en catimini, ombres se découpant la nuit sur l'écran éclairé des fenêtres de leur appartement. Voyeuse espionnant une existence dont elle est sortie, elle a l'impression de ne plus exister. « Elle leur est complètement sortie de l'esprit. Comment peut-on disparaître aussi vite de la vie de ceux que l'on aime ? C'est comme si elle était morte de son cancer et qu'elle avait eu la faculté de revenir les voir vivre une fois décédée. Ils ont fait disparaître Sarah de leur vie aussi sûrement que l'eût fait la maladie si elle s'était révélée fatale. »


Alors, tandis que Sarah raconte, que Suzanne vit la même chose à sa façon, et que l'écrivain vient y mêler des éléments de sa propre histoire, le tourbillon de la narration s'accélère pour, de tous ces fils narratifs, ne plus faire qu'un, celui tout simplement de l'acte créateur dont on ne sait jamais vraiment où il va puiser sa source. Et comme l'auteur conserve tout du long un coup d'avance sur son lecteur, ce dernier, tenu en haleine, aura droit au renversement final inattendu, histoire de ne pas laisser le dernier mot aux réalités les plus méprisables du patriarcat.


Ce livre à la construction vertigineuse donne non seulement une voix à une femme qui refuse d'abandonner ses idéaux face à l'égoïste indifférence de son mari, mais fait aussi voyager le lecteur, avec beaucoup d'originalité, au coeur du processus créatif. Pris par les sentiments en même temps que séduit intellectuellement, l'on ne peut que s'incliner, entre coup de coeur et coup de chapeau.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Avec Sarah, Susanne et l'écrivain, Éric Reinhardt dont j'avais lu Comédies françaises, s'est lancé dans un exercice littéraire qui lui permet de se régaler mais qui m'a souvent désorienté. Ce mélange de réalité et de fiction, avec ces deux femmes semblables et différentes auquel s'ajoute l'écrivain, n'est pas facile à suivre. Souvent, je me suis posé la question : qui parle ou de qui parle-t-il ?
Pourtant, lorsque j'ai écouté Éric Reinhardt parler de son livre aux dernières Correspondances de Manosque, j'ai eu très envie de le lire car ce procédé littéraire singulier m'intriguait beaucoup.
Voilà donc Sarah qui confie son histoire à l'écrivain après avoir lutté contre un cancer du sein. Cet écrivain décide, en plein accord avec elle, de lui trouver un avatar qu'il nomme Susanne. Elles ont toutes les deux 44 ans et leurs enfants portent les mêmes prénoms : Paloma et Luigi. L'une est architecte, l'autre généalogiste.
Si Sarah habite au bord de l'océan, ils décident de faire vivre Susanne à Dijon. Si leur vie de couple paraît idyllique, des failles surgissent bientôt et cela devient vite choquant lorsque j'apprends que le mari possède 75 % de leurs biens et l'épouse seulement 25 %. Lorsque, logiquement, celle-ci demande un rééquilibrage, elle se heurte à un refus obstiné.
Pour faire vivre son personnage de fiction, l'auteur emprunte à la vie de Sarah mais peut s'en écarter à tout moment pour conduire ce que l'on peut comparer à une descente aux enfers. L'écriture d'Éric Reinhardt est soignée, délicieuse souvent et je reconnais que ce livre avait toutes les qualités littéraires pour décrocher le Goncourt, mais…
Débarque alors l'affaire du tableau remarqué par Susanne chez un antiquaire. Cela déclenche toute une histoire que j'ai trouvée pénible même si je comprends que l'auteur s'appuie dessus pour accompagner la dégradation psychologique de son héroïne.
Si Sarah a quitté le domicile conjugal pour faire une pause, Susanne en a fait autant et cela contribue grandement à accentuer une déchéance de plus en plus inéluctable qui me semble incompréhensible avec un séjour à l'Hôpital psychiatrique La Chartreuse, à Dijon. Au passage, l'écrivain fait part de ses réflexions, fait une entorse à la dramaturgie et à la vraisemblance. Il analyse pourtant bien la psychologie des enfants et c'est intéressant.
Bien sûr, arrive Venise, site idéal pour faire rêver le lecteur car il s'y passe toujours des histoires d'amour réelles ou fantasmées. Lorsque Momo se présente dans la lente remontée de Susanne vers la lumière, surtout lors de la rencontre avec son mari, voilà enfin du palpitant et des dialogues percutants, enfin, pas seulement les dialogues… Il en est de même lorsque Susanne se retrouve chez ses parents en Alsace. La discussion est animée et pleine d'humour.
Un épilogue, sous la forme d'une longue lettre signée Sarah, permet de faire le point et d'apporter de bonnes nouvelles, confirmant aussi toute la gratitude de cette femme pour l'écrivain. Cela est amplement mérité mais je redis toute la difficulté éprouvée au cours d'une lecture parfois lassante.
Si Sarah, Susanne et l'écrivain, roman d'excellente facture, ne m'a pas convaincu, je salue tout de même le talent d'Éric Reinhardt qui n'hésite pas, en cours d'écriture, à faire partager ses problèmes d'auteur. Sarah et Susanne, Susanne ou Sarah, ces deux femmes qui n'en font qu'une, ou pas, m'ont souvent fait souffrir avant de sortir par le haut de situations bien compliquées causées par leur mal-être et un mari exécrable.

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Le roman est construit sur la dualité entre deux personnages, Susanne et Sarah, avec une mise en abyme assez époustouflante.
Sarah raconte à l'écrivain sa propre histoire afin qu'il la retranscrive de façon fictive (elle ne veut pas être reconnue) Il invente Susanne, qui va vivre sa propre vie tout en traversant les mêmes drames que Sarah.
Toutes deux, mariées et mères de deux enfants, se sentent délaissées par leur mari. Elles vont décider de s'éloigner du domicile conjugal pour réfléchir et se reconstruire, espérant que cette rupture provisoire provoquera un choc positif chez le mari.
Sarah, qui se remet d'un cancer, a besoin de stabilité affective. Elle va pourtant assister à sa disparition dans la vie de son mari et de ses enfants, qui semblent très bien vivre sans elle. Choc aussi d'une vie précaire puisqu'elle a arrêté de travailler et que c'est le mari qui possède la majorité du patrimoine.
De son récit, l'écrivain tisse des similitudes avec son héroïne Susanne qui vit les mêmes affres dus à l'indifférence de son mari, mais il va le raconter différemment, allant même jusqu'à chercher une ville de province où situer son action, et ce sera Dijon dont il explique le choix à Sarah
« Il lui répondit qu'initialement, il avait voulu situer cette histoire dans le ventre du territoire français (si on peut dire), pour activer une sorte de métonymie. ».

Peu à peu, l'histoire se renverse, à la grande surprise du lecteur. On croyait avoir affaire à Sarah racontant son histoire, mais c'est en réalité l'écrivain qui parle de Susanne, à elle comme à nous, lecteurs, et qui mêle habilement les vies des deux femmes au point de nous perdre. Qui est qui, finalement ? Toutes deux frôlent la folie, leur détresse est la même, leur chute aussi, mais la progression qui les mène à ce même point ultime emprunte des chemins différents.
Si le rapport des deux mères avec leur fille Paloma est conflictuel, celui avec Luigi le fils adolescent est plus complexe et j'ai aimé cette connivence entre mère et fils et cette tendresse qui résiste aux assauts du père.
Si j'ai goûté à la forme de ce roman original qui mystifie son lecteur en l'entrainant dans deux histoires qui n'en font plus qu'une, j'ai été beaucoup moins conquise par le fond. Chez Susanne et Sarah, je n'ai pas apprécié leur posture de bourgeoises aisées aux métiers libéraux, et cette façon de se saborder toutes seules d'une vie dont le seul drame est ce mari égocentrique et distant qui deviendra vite toxique.

Ce procédé mettant en scène un écrivain s'appropriant l'histoire d'une femme qui se confie à lui, l'auteur l'avait déjà utilisé dans « L'amour et les forêts ». Mais je le trouve plus abouté, plus subtil aussi, dans « Sarah, Susanne et l'écrivain ».
Je sors tout de même avec une impression mitigée de ce roman qui présente des longueurs et des passages assez décousus. Dans l'ensemble, la lecture n'est pas facile et il faut accepter de se laisser mystifier par le mélange de deux personnages. Parfois, on suit le récit de Sarah pour passer, sans transition, à celui de Susanne et c'est déroutant. L'emprise du mari, la toxicité dans le couple auraient pu être davantage creusés, alors que l'auteur s'attarde beaucoup sur la crise de folie de son personnage et j'ai eu l'impression que l'écrivain cherchait davantage le spectaculaire que l'empathie avec son héroïne.
Pour le lecteur qui apprécie cette dualité entre réel et imaginaire, c'est le roman idéal ; Par contre, on peut être vite agacé par l'abus du procédé.
Un roman intrigant, sans aucun doute.
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* Jeux de miroirs *

Sarah, Susanne et l'écrivain est un jeu de miroirs où l'on se perd allègrement. C'est une conversation entre deux personnes: Sarah et l'écrivain.
L'écrivain lui raconte des pans du roman qu'il est en train d'écrire sur sa vie à elle. Elle précise, dissèque, se récrimine mais surtout confond sa vie à celle de Susanne, son moi de papier.
Un paragraphe commence par Sarah, se termine en Susanne. Sont-ce les enfants de l'une, de l'autre. Eric Reinhardt s'amuse à nous promener et à nous perdre dans son palais des glaces. L'écriture est fraîche, amusante, surprenante.

Pourquoi trois étoiles alors ?

Parce que j'ai vraiment du mal avec l'héroïne (Non, je ne suis pas en cure de désintox !).
Notre Sarah/Susanne a une chouette petite vie le cul dans le beurre. Architecte de profession, elle a arrêté de travailler suite à un cancer pour lequel elle est en rémission. Elle est artiste, elle installe ses oeuvres dans le grand jardin de sa belle maison. Tout va relativement bien dans son couple et avec les enfants.
Un jour, elle découvre que dans son acte notarié, la maison appartient à 75% à son mari et à 25% à elle (ne pas se rendre compte des actes juridiques que tu signes si tu n'as pas ton bac ok, ca peut passer, mais pour une architecte, vraiment ???). Elle demande donc à son mari de changer cet état de fait, il ne le fait pas (mais qu'est-ce qui a poussé cette répartition, on ne le sait pas). Son mari a le besoin de s'isoler d'elle le plus souvent possible. Il va dans la cave, 10 minutes, 30 minutes, une heure, des heures, une nuit.

Notre Sarah/Suzanne tombe aussi amoureuse... d'un tableau vu chez un antiquaire. A 2000/1800/1600 elle ne se précipite pas pour l'acheter, mais une fois qu'il est vendu, elle va le rechercher à 10.000. Bravo Sarah/Suzanne.

Et là elle prend une autre décision, elle va 'éloigner de son mari pour jouer le forcing du 50/50. Elle loue un appartement (alors qu'elle n'a pas de revenus, précisons-le), installe son tableau, et annonce ça à son mari entre la poire et le fromage. Elle s'éloigne et lui se sent quitté.

Sarah/Suzanne tombe alors dans une spirale infernale où chaque décision prise est loin d'être la meilleure ou la plus logique ou simplement de bon sens. Une spirale qui va la rendre folle.. et qui moi n'a ennuyée profondément.

En résumé, la construction de ce roman est excellente mais il aurait pu certainement gagner en consistance avec une histoire plus crédible et une héroïne moins stupide (et c'est un euphémisme).

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critiques presse (10)
Culturebox
12 décembre 2023
Eric Reinhardt décrypte avec précision l'effondrement d'une femme confrontée à l'indifférence et l'égoïsme de son mari. Le poison lent de l'isolement et du déclassement. Un récit puissant, fécond et profondément féministe.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaPresse
09 octobre 2023
"Sarah, Susanne et l’écrivain" est un portrait de femme empli de compassion, et un voyage dans l’imaginaire et la sensibilité de l’écrivain qui ne manquera pas de séduire.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeDevoir
09 octobre 2023
À sa façon aussi, Sarah, Susanne et l’écrivain nous entraîne dans les coulisses de la fabrication d’un roman, de la matière première au produit fini, digéré et transformé par sa propre sensibilité.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LeJournaldeQuebec
25 septembre 2023
On tient à souligner que le nouveau roman d’Éric Reinhardt, 'Sarah, Susanne et l’écrivain', est bon. Vraiment bon.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
11 septembre 2023
Eric Reinhardt décrypte avec précision l'effondrement d'une femme confrontée à l'indifférence et l'égoïsme de son mari. Le poison lent de l'isolement et du déclassement. Un récit puissant, fécond et profondément féministe.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaTribuneDeGeneve
29 août 2023
Roman social, roman féministe, roman thérapeutique, «Sarah, Susanne et l’écrivain» captive au final et parvient à multiplier les nuances et à renforcer les projections par son habile enchâssement de récits.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeMonde
28 août 2023
La démonstration est à la fois brillante et irritante – on reconnaît souvent un ­livre d’Eric Reinhardt à la combinaison de ces deux caractéristiques. […] Ainsi "Sarah, ­Susanne" et l’écrivain évite-t-il d’être un exercice de style pour toucher tout à la fois au cœur et à la tête.
Lire la critique sur le site : LeMonde
SudOuestPresse
28 août 2023
L’écrivain dessine avec sensibilité le portrait d’une femme, épouse et mère, qui cherche à être à sa juste place et livre une réflexion sur la fabrique du roman.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LesInrocks
25 août 2023
Près de dix ans après, l’auteur signe une variation sur “L’Amour et les forêts” et orchestre une savante mise en abyme.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeJournaldeQuebec
21 août 2023
D’après ce qu’on a entendu dire, l’intrigue serait aussi intelligente qu’originale.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Les traitements sédatifs, c'est vrai, ne sont pas rigolos, ils figent, ils endorment,mais ils permettent de ralentir la machine en attendant que les traitements régulateurs soient efficaces. En même temps, ils vous permettent de dormir. Vous avez besoin de dormir. D'après ce que nous a dit votre amie, vous ne dormiez plus depuis des semaines. Déjà, vous reposer va vous faire le plus grand bien.
Cet état de manie délirante est néfaste, il faut impérativement le traiter, parce que même si c'est une tentative de la tête et du corps pour ne pas s'effondrer, cet état est épuisant, même sil vous semble que peuvent en surgir des idées, des fulgurances, des idées fortes : la sérénité ne va pas venir de cet état-là, qui va avoir tendance à s'accentuer de surcroît, et à être de plus en plus puissant. On peut en mourir. On peut devenir de plus en plus maniaque, ce n'est pas bon ni pour le corps ni pour l'esprit que la turbine s'emballe de cette façon.
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- (...) Depuis que je suis partie, début septembre, il m'oppose un silence obstiné. C'est ce silence qui m'a fragilisée. Qui fait que j'ai arrêté de dormir, de manger . C'est insupportable le silence. Ça rend fou. C'est la pire violence qu'on puisse faire à sa femme au fait. Je ne pensais pas. Pas à ce point. Mon corps s'est desséché en même temps que mon coeur. Vous avez déjà été confronté pendant des mois à une muraille de silence ? C'est horrible.
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- ça me démange de les...
- de les quoi ?
- tu sais bien, de les enlever.
- ah oui, ta vieille manie des choses que tu...
- Oui, que j'arrache. Moi, quand quelque chose commencé à se défaire, à s'émietter, il faut que je refasse, que Juliette encore plus. C'est plus fort que moi.
- il faudrait que tu le fasses restaurer ce tableau, c'est dommage.
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- (...) Je déteste les conflits.
- En attendant, c'est en vous qu'il se déchaîne le conflit, ce n'est pas beaucoup mieux si vous voulez mon avis.
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(Les premières pages du livre)
Sarah lui demanda comment il imaginait Susanne Stadler, puisque c’était le nom qu’il lui avait choisi. Qui est cette femme, finalement ? lui demanda-t-elle.

Il lui répondit qu’elle avait le même âge qu’elle, quarante-quatre ans au moment des faits, il n’avait pas modifié la date de naissance. Elle était brune et grande elle aussi, mariée et mère de deux enfants, Luigi et Paloma, de dix-sept et vingt et un ans. Les vrais prénoms, comme elle le lui avait demandé, n’avaient pas été conservés. Il avait également changé la ville. Susanne Stadler habitait Dijon.

Elle lui demanda pourquoi Dijon. Plutôt que Lens, Toulouse, Nancy, Clermont-Ferrand, que sais-je encore…

Il lui répondit qu’initialement, il avait voulu situer cette histoire dans le ventre du territoire français (si l’on peut dire), pour activer une sorte de métonymie. L’idée de l’isolement par ce point géométrique où l’on est le plus éloigné des pourtours, c’est ce que lui évoquait la situation de son héroïne et il avait cherché la ville qui par sa position géographique accentuerait cette impression. Il avait tapé France sur Google, il avait ouvert la carte, il avait posé son curseur sur la zone où il lui semblait que devait se dérouler cette histoire, il avait cliqué dessus et le nom d’une ville était apparu : 63610 Besse-et-Saint-Anastaise. Il s’y était rendu. Il avait visité les environs. Il était parti en quête d’autres villes. Il voulait multiplier les hypothèses. On ne choisit pas une ville à la légère. Il était allé en repérages à Bourges, il était allé en repérages à Nevers, il était allé en repérages à Vichy, il était allé en repérages à Clermont-Ferrand. Il avait arpenté leurs rues, repéré des quartiers où Susanne Stadler pourrait habiter. Dans ces différentes villes, il avait localisé des immeubles répondant aux besoins de la situation telle que Sarah la lui avait décrite. Il avait noté leurs adresses, pris des photographies des façades, spéculé sur la disposition des pièces. L’appartement où logerait la famille de Susanne Stadler devait compter de grandes et de nombreuses fenêtres, afin que l’on puisse suivre de l’une à l’autre depuis la rue l’évolution des habitants dans leur logement, avec suffisamment de recul et sans trop s’exposer aux regards, comme Sarah en avait elle-même fait l’expérience. Il avait hésité entre plusieurs villes. Cela avait duré longtemps. Plusieurs mois. Il était du genre indécis. Il l’avait toujours été. Pas elle ?

Si. Sarah lui répondit qu’elle aussi.

À Bourges, un soir de novembre, une image attrapée au cours d’une promenade l’avait porté à croire que c’était bien par ce couloir mental qu’il devait s’introduire dans l’histoire qu’il se proposait d’écrire, celle de Sarah, celle de Susanne Stadler. Cette image : une jeune femme qui au fond d’un magasin de livres d’occasion, grimpée sur un escabeau, dos à la vitrine, loin du froid du dehors, mettait de l’ordre sur des étagères. Son magasin était fermé. Elle se dressait sous un ruissellement de lumière blanche provenant d’antiques néons accrochés aux solives brunes à proximité de la bibliothèque. Le reste du local était non seulement dans un désordre épouvantable, encombré de cartons, de casiers, de piles de livres, mais plongé dans la pénombre, seuls les néons du fond ayant été allumés par la jeune femme pour lui permettre de ranger ses spacieux rayonnages, en vue sans doute de la prochaine réouverture de son commerce.
Ce tableau format marine perçait de sa clarté la nuit froide et luisante de novembre. Il était resté longtemps devant la vitrine, abrité par son parapluie. La scène se donnait à savourer de l’autre côté d’une mystérieuse frontière, en lisière du réel, comme si cette femme évoluait dans un monde imaginaire, dans un rêve. Comme si déjà elle était dans un livre, dans le livre qu’il désirait écrire et pour les besoins duquel il était justement là, en bordure de cette scène illuminée, à l’épier, à la contempler. Ou comme dans le passé. Il se disait que Susanne Stadler, s’il décidait de faire de Bourges sa ville de résidence, serait une amie de cette libraire, il écrirait une scène où attirée par un livre exposé en vitrine elle passerait la porte de la boutique, pour pouvoir le feuilleter.

Sarah lui demanda pourquoi l’histoire ne se situait pas à Bourges, alors.

Il avait laissé passer du temps sans pouvoir se décider. Finalement, il était retourné à Dijon par hasard et même si cette ville déplaçait l’histoire de Susanne Stadler vers les pourtours de l’Hexagone, dans l’arrondi de la cage thoracique, la décentrant, abolissant la métonymie, Dijon s’était imposée comme une évidence, il ne saurait pas dire pourquoi. Certes, le fait qu’il se soit rendu dans cette ville une première fois lorsqu’il avait vingt ans lui procurait cette sensation de profondeur et d’intériorité qu’il recherchait. Il avait l’impression que le personnage qu’il s’apprêtait à créer venait s’enfouir ou prendre naissance dans les ténèbres de son passé à lui, à la source même de son désir d’être écrivain. Dijon était une ville située non pas seulement en Bourgogne, mais aux confins de sa mémoire, de son imaginaire. En écrivant l’histoire de cette femme, Susanne Stadler, il circulait aussi dans la sienne.

Il y manquera l’océan. Sarah lui fit observer qu’elle avait beaucoup marché, toutes ces années, au bord de l’océan, sur le chemin des douaniers, à quelques kilomètres de sa maison. C’est pendant ces promenades qu’elle avait le plus réfléchi à ses projets d’architecture, tous orientés, après sa rémission, comme il le savait, vers la contemplation, une forme d’ascèse, le rapport au paysage, le désir obsessionnel de voir.

Il le savait. En revanche, il y aura des collines. Sans promenade au bord de l’océan, certes, Sarah avait raison, mais au milieu des vignes, autour de Dijon, sur les coteaux de Marsannay-la-Côte, Gevrey-Chambertin, du Clos de Vougeot, de Nuits-Saint-Georges, jusqu’à Saint-Romain les jours où elle avait le courage de rouler. Sarah connaissait-elle Saint-Romain ? C’est un village parfait perché sur une colline, duquel la vue est admirable, où assise sur un banc dont on jurerait que c’est vous, Sarah, qui l’avez installé là, en ce point précis, tellement ce point est exact, Susanne Stadler se laissera absorber par le paysage. Là, sur ce banc exact, en plus de regarder, elle prendra des notes dans un carnet. Elle réfléchira aux romans qu’elle désirait écrire. Il y aura aussi un tableau. Sarah verra. Un tableau que Susanne Stadler aura envie d’acheter.

Sarah lui demanda s’il ne trouvait pas que ça sonnait un peu trop Duras, Susanne Stadler. Non ? Susanne Stadler. Susanne Stadler. Qu’en pensait-il ? Elle n’était pas fan de ce nom.

Ce n’était pas faux. Il s’en était fait la remarque plusieurs fois. Il avait d’autres noms dans son carnet. Il avait pensé, par exemple, à Susanne Sonneur.

Susanne Sonneur. Susanne Sonneur. C’est bien, Susanne Sonneur. Je préfère Susanne Sonneur.

Alors parfait, optons pour Susanne Sonneur.

Sarah lui demanda quel métier il avait attribué, donc, à Susanne Sonneur, puisque tel est son nom désormais.

Généalogiste. Mais, après sa rémission, elle n’avait jamais repris son activité. L’art et la beauté l’avaient sauvée, elle pensait qu’elle pouvait le formuler de cette façon, c’est pourquoi elle avait voulu, une fois tirée d’affaire, y consacrer sa vie – si tant est que l’on puisse se considérer comme tirée d’affaire quand la tumeur a été éradiquée et que l’oncologiste vous déclare, cruellement réticent, non pas guérie, on ne l’est jamais vraiment, mais seulement en rémission, comme si l’on restait en sursis, à la merci constante d’une récidive. La beauté l’avait sauvée : au début de sa maladie, une voisine prof d’arts plastiques (décédée l’année dernière) lui avait offert une monographie de Nicolas de Staël à laquelle elle s’était raccrochée comme en haute mer un naufragé à un rondin providentiel. Tant de beauté méritait qu’elle vive un peu plus longtemps mais surtout, du moins y veillerait-elle, plus voracement, de façon plus attentive, c’est ce que ne cessaient de lui crier ces tableaux, leurs couleurs, leurs visions, leur équilibre miraculeux entre abstraction et figuration, là même où elle se promettait, dans sa propre vie, de se tenir, si elle en réchappait – on devrait toujours se tenir entre abstraction et figuration, dans cette zone équivoque et troublante qui fait se rencontrer poésie, rêves, intuitions, vie matérielle. Susanne Sonneur avait acheté l’éblouissante correspondance de Nicolas de Staël, un recueil de textes de Louise Bourgeois, un livre sur l’œuvre de Nicolas Poussin, un autre encore sur celle de Chardin. Ces livres l’avaient portée, nourrie et transcendée. Ils l’avaient déplacée. Elle avait commencé à dessiner, elle qui n’avait jamais dessiné. Sa voisine l’avait encouragée. Elle s’était découvert une passion pour le stylo bille. Puisque la beauté lui avait donné la force de se battre contre la maladie et qu’aussi bien elle pourrait rechuter dans quelques mois et en mourir, à quoi bon se dilapider dans une activité certes stimulante et lucrative, mais vaine dans le fond, non essentielle ? De même que Sarah, après sa rémission, avait vendu ses parts de leur agence d’architecture à celui avec qui elle l’avait montée, pour créer une structure plus expérimentale, presque artistique, réduite à sa seule personne, de même Susanne Sonneur avait abandonné à son associée le cabinet de généalogie qu’elles avaient lancé dix ans plus tôt. Elle avait voulu mettre sa vie en accord avec les exigences – inédites, intransigeantes – apparues à la faveur de son cancer. Tout comme vous, Sarah, exactement pareil.

En reprenant sa liberté, Sarah s’était affranchie des lois et des contraintes du marché de l’immobilier. Elle s’était installé un bureau dans une pièce au dernier étage de leur maison et avait commencé à réfléchir différemment à son activité. Guidée par une longue phrase du poète
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Éric Reinhardt – Sarah, Susanne et l’écrivain Lecture musicale par l'auteur (Maison de la Poésie - Scène littéraire)
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