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sur 470 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec Sarah, Susanne et l'écrivain, Éric Reinhardt dont j'avais lu Comédies françaises, s'est lancé dans un exercice littéraire qui lui permet de se régaler mais qui m'a souvent désorienté. Ce mélange de réalité et de fiction, avec ces deux femmes semblables et différentes auquel s'ajoute l'écrivain, n'est pas facile à suivre. Souvent, je me suis posé la question : qui parle ou de qui parle-t-il ?
Pourtant, lorsque j'ai écouté Éric Reinhardt parler de son livre aux dernières Correspondances de Manosque, j'ai eu très envie de le lire car ce procédé littéraire singulier m'intriguait beaucoup.
Voilà donc Sarah qui confie son histoire à l'écrivain après avoir lutté contre un cancer du sein. Cet écrivain décide, en plein accord avec elle, de lui trouver un avatar qu'il nomme Susanne. Elles ont toutes les deux 44 ans et leurs enfants portent les mêmes prénoms : Paloma et Luigi. L'une est architecte, l'autre généalogiste.
Si Sarah habite au bord de l'océan, ils décident de faire vivre Susanne à Dijon. Si leur vie de couple paraît idyllique, des failles surgissent bientôt et cela devient vite choquant lorsque j'apprends que le mari possède 75 % de leurs biens et l'épouse seulement 25 %. Lorsque, logiquement, celle-ci demande un rééquilibrage, elle se heurte à un refus obstiné.
Pour faire vivre son personnage de fiction, l'auteur emprunte à la vie de Sarah mais peut s'en écarter à tout moment pour conduire ce que l'on peut comparer à une descente aux enfers. L'écriture d'Éric Reinhardt est soignée, délicieuse souvent et je reconnais que ce livre avait toutes les qualités littéraires pour décrocher le Goncourt, mais…
Débarque alors l'affaire du tableau remarqué par Susanne chez un antiquaire. Cela déclenche toute une histoire que j'ai trouvée pénible même si je comprends que l'auteur s'appuie dessus pour accompagner la dégradation psychologique de son héroïne.
Si Sarah a quitté le domicile conjugal pour faire une pause, Susanne en a fait autant et cela contribue grandement à accentuer une déchéance de plus en plus inéluctable qui me semble incompréhensible avec un séjour à l'Hôpital psychiatrique La Chartreuse, à Dijon. Au passage, l'écrivain fait part de ses réflexions, fait une entorse à la dramaturgie et à la vraisemblance. Il analyse pourtant bien la psychologie des enfants et c'est intéressant.
Bien sûr, arrive Venise, site idéal pour faire rêver le lecteur car il s'y passe toujours des histoires d'amour réelles ou fantasmées. Lorsque Momo se présente dans la lente remontée de Susanne vers la lumière, surtout lors de la rencontre avec son mari, voilà enfin du palpitant et des dialogues percutants, enfin, pas seulement les dialogues… Il en est de même lorsque Susanne se retrouve chez ses parents en Alsace. La discussion est animée et pleine d'humour.
Un épilogue, sous la forme d'une longue lettre signée Sarah, permet de faire le point et d'apporter de bonnes nouvelles, confirmant aussi toute la gratitude de cette femme pour l'écrivain. Cela est amplement mérité mais je redis toute la difficulté éprouvée au cours d'une lecture parfois lassante.
Si Sarah, Susanne et l'écrivain, roman d'excellente facture, ne m'a pas convaincu, je salue tout de même le talent d'Éric Reinhardt qui n'hésite pas, en cours d'écriture, à faire partager ses problèmes d'auteur. Sarah et Susanne, Susanne ou Sarah, ces deux femmes qui n'en font qu'une, ou pas, m'ont souvent fait souffrir avant de sortir par le haut de situations bien compliquées causées par leur mal-être et un mari exécrable.

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Le roman est construit sur la dualité entre deux personnages, Susanne et Sarah, avec une mise en abyme assez époustouflante.
Sarah raconte à l'écrivain sa propre histoire afin qu'il la retranscrive de façon fictive (elle ne veut pas être reconnue) Il invente Susanne, qui va vivre sa propre vie tout en traversant les mêmes drames que Sarah.
Toutes deux, mariées et mères de deux enfants, se sentent délaissées par leur mari. Elles vont décider de s'éloigner du domicile conjugal pour réfléchir et se reconstruire, espérant que cette rupture provisoire provoquera un choc positif chez le mari.
Sarah, qui se remet d'un cancer, a besoin de stabilité affective. Elle va pourtant assister à sa disparition dans la vie de son mari et de ses enfants, qui semblent très bien vivre sans elle. Choc aussi d'une vie précaire puisqu'elle a arrêté de travailler et que c'est le mari qui possède la majorité du patrimoine.
De son récit, l'écrivain tisse des similitudes avec son héroïne Susanne qui vit les mêmes affres dus à l'indifférence de son mari, mais il va le raconter différemment, allant même jusqu'à chercher une ville de province où situer son action, et ce sera Dijon dont il explique le choix à Sarah
« Il lui répondit qu'initialement, il avait voulu situer cette histoire dans le ventre du territoire français (si on peut dire), pour activer une sorte de métonymie. ».

Peu à peu, l'histoire se renverse, à la grande surprise du lecteur. On croyait avoir affaire à Sarah racontant son histoire, mais c'est en réalité l'écrivain qui parle de Susanne, à elle comme à nous, lecteurs, et qui mêle habilement les vies des deux femmes au point de nous perdre. Qui est qui, finalement ? Toutes deux frôlent la folie, leur détresse est la même, leur chute aussi, mais la progression qui les mène à ce même point ultime emprunte des chemins différents.
Si le rapport des deux mères avec leur fille Paloma est conflictuel, celui avec Luigi le fils adolescent est plus complexe et j'ai aimé cette connivence entre mère et fils et cette tendresse qui résiste aux assauts du père.
Si j'ai goûté à la forme de ce roman original qui mystifie son lecteur en l'entrainant dans deux histoires qui n'en font plus qu'une, j'ai été beaucoup moins conquise par le fond. Chez Susanne et Sarah, je n'ai pas apprécié leur posture de bourgeoises aisées aux métiers libéraux, et cette façon de se saborder toutes seules d'une vie dont le seul drame est ce mari égocentrique et distant qui deviendra vite toxique.

Ce procédé mettant en scène un écrivain s'appropriant l'histoire d'une femme qui se confie à lui, l'auteur l'avait déjà utilisé dans « L'amour et les forêts ». Mais je le trouve plus abouté, plus subtil aussi, dans « Sarah, Susanne et l'écrivain ».
Je sors tout de même avec une impression mitigée de ce roman qui présente des longueurs et des passages assez décousus. Dans l'ensemble, la lecture n'est pas facile et il faut accepter de se laisser mystifier par le mélange de deux personnages. Parfois, on suit le récit de Sarah pour passer, sans transition, à celui de Susanne et c'est déroutant. L'emprise du mari, la toxicité dans le couple auraient pu être davantage creusés, alors que l'auteur s'attarde beaucoup sur la crise de folie de son personnage et j'ai eu l'impression que l'écrivain cherchait davantage le spectaculaire que l'empathie avec son héroïne.
Pour le lecteur qui apprécie cette dualité entre réel et imaginaire, c'est le roman idéal ; Par contre, on peut être vite agacé par l'abus du procédé.
Un roman intrigant, sans aucun doute.
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Sarah a vu voler sa vie en éclats. Elle s'est aperçue que, légalement, son mari possédait 75% de leur maison et, par ailleurs, il avait tendance à se retirer en marge de la vie familiale. Sommé de rééquilibrer les choses, il n'a rien fait. Alors Sarah l'a mis au pied du mur en prenant ses distances le temps qu'il réfléchisse. Elle était loin d'imaginer ce qu'il adviendrait. Quelques mois plus tard, en plein tourmente, la quarantenaire confie son histoire à un écrivain qui s'en inspire pour écrire un roman. La protagoniste de ce roman, Susanne, est le miroir de Sarah et traverse des épreuves similaires. Mais évidemment, le récit est romancé…

Lorsque j'ai eu l'occasion de feuilleter ce roman en librairie, j'ai été intriguée par sa forme. Car on ne lit ni le témoignage de Sarah, ni le roman de l'écrivain, mais un échange entre les deux protagonistes à propos du livre en germe où ces deux récits s'entremêlent, se confondent, se prolongent l'un l'autre, divergent parfois pour mieux se fondre. J'ai trouvé cela très original et la question de l'indépendance matérielle et affective d'une femme vis-à-vis de son mari me tient à coeur : je suis repartie avec le livre sous le bras.

Si j'ai été admirative de la construction virtuose du roman et si son premier tiers m'a captivée, j'ai finalement souffert pour le terminer. J'y vois deux raisons principales.

D'abord, Sarah et son double de papier semblent prises dans une véritable spirale qui les voit tomber toujours plus bas. Cela fait beaucoup de tourments pour une seule personne (même double). Sans demander du feel good, j'aurais aimé voir un peu plus de lumière dans ce récit très noir. le roman a le mérite de montrer la vulnérabilité à laquelle nos sociétés patriarcales continuent de livrer de nombreuses femmes et la difficulté – pour ne pas dire l'impossibilité – de s'en extirper. Mais cela donne à l'intrigue une linéarité qui m'a accablée à la longue (le livre fait 415 pages). Les éléments romanesques imaginés par l'écrivain (celui du roman, à moins que…) n'ont pas suffi pour faire contre-poids.

D'autre part, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire précisément du fait de cette forme qui avait piqué ma curiosité. Je suis admirative de la manière dont Eric Reinhardt orchestre sa partition, glissant du « je » au « elle » voire au « il », un peu comme Lynch dans Mulholland Drive. Toutefois, le fait d'osciller en permanence entre les différents niveaux de récit m'a tenue à l'écart.

Alors j'ai été sensible au souffle féministe, à la manière édifiante dont le roman montre comment la littérature se nourrit des expériences intimes tandis qu'inversement ses pouvoirs permettent d'imaginer de nouveaux horizons. Mais je ne peux pas dire que j'ai passé un bon moment.

Un texte brillant sélectionné dans la première liste du Goncourt, mais qui ne m'a pas emportée.
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Un roman déboussolant !

Dans les premières pages, on comprend rapidement qu'il va falloir focaliser l'attention sur chaque mot, afin de ne pas se tromper de personnage ! La gymnastique se met heureusement vite en place et nous pouvons naviguer entre l'écrivain, Sarah qui lui inspire cette histoire et Suzanne le double romancé de Sarah !

C'est donc Sarah qui confie son histoire : une sombre histoire d'emprise, qui l'a dépossédée de tous ses biens, et séparée de ses enfants. Un scénario que l'on sent prévu de longue date.

On y suivra aussi la relation complexe des deux héroïnes avec un mystérieux tableau, qui semble déclencher des réactions passionnelles chez ceux qui le croisent. A l'inverse du portrait de Dorian Gray, le devenir de cette oeuvre reflète l'était de déliquescence de sa propriétaire …

On aura donc deux versions, puisque l'écrivain s'inspire des confidences de Sarah mais brode pour en faire un roman. On a donc le droit à deux fictions en une !

Beaucoup de plaisir pour cette lecture qui reprend un des thèmes de prédilection d'Eric Reinhardt, avec un art du montage de la narration tout à fait abouti.

432 pages 17 août Gallimard

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Une femme, Sarah, demande à un écrivain en vogue d'écrire un roman sur son histoire dont l'héroïne sera Suzanne.

De ce que j'ai retiré de ce livre est qu'indiscutablement, nos actes ont des conséquences et pas forcément celles que l'on attendait. Sarah, et en miroir Suzanne, vont en faire l'expérience et connaître une lente, douloureuse dégringolade. Il suffit de pas grand chose pour chuter. Mais si c'est pour mieux rebondir, alors, est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

A travers ces deux personnages féminins, l'écrivain amène une réflexion sur les bouleversements qu'il est parfois nécessaire de supporter pour qu'un individu trouve, ou retrouve, sa juste place, celle où il se sent bien, en accord avec lui-même, et qui apporte un sens à sa vie.

La construction de ce roman est originale, brillante mais d'un autre côté, l'histoire fractionnée, mêlant les voix de Sarah, de Suzanne et de temps en temps de l'écrivain, n'ont pas favorisé l'immersion de la lectrice que je suis. de plus, j'ai trouvé le texte un peu trop bavard, certes très bien écrit, mais je l'aurais préféré un peu plus resserré.

Malgré ces réserves, j'ai globalement aimé cette lecture même si je lui ai préféré l'excellent "L'amour et les forêts" du même auteur.






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Des confidences qui font un roman

Avec Sarah, Susanne et l'écrivain, Éric Reinhardt nous offre de pénétrer dans la fabrique littéraire. Après avoir recueilli les confidences de Sarah un écrivain décide de transposer son récit en créant le personnage de Susanne. Tout au long du roman en train de s'écrire, on suit ce trio. Avec délectation !

Susanne est généalogiste et vit avec son mari et ses enfants Paloma et Luigi à Dijon. Quand elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer, elle décide de revendre ses parts à son associée Delphine pour se consacrer à ses passions, l'art et l'écriture, même si ses manuscrits successifs sont refusés par les éditeurs et si ses oeuvres d'art ne sont pas destinées aux grandes galeries. Elle prend aussi davantage de temps pour les musées et s'intéresse à un tableau qu'elle a vu dans la devanture d'un antiquaire. Se décidera-t-elle à l'acheter? Elle ne devra pas compter sur son mari pour l'encourager car ce dernier prend de plus en plus de recul. Il s'est aménagé une pièce à la cave où il a décidé de se remettre à la guitare. Mais plutôt que de gratter l'une de ses Gibson, il boit et fume des joints.
Cette présence-absence va finir par décider Susanne à réagir. Elle prend le large, même si ce n'est pas trop loin de leur bel appartement du centre-ville de Dijon. Elle choisit de louer dans la banlieue industrielle, à Longvic, histoire de faire un break. Et de faire réagir son mari et ses deux enfants.
Mais ce coup de poker n'a pas l'effet escompté. C'est même tout le contraire. Son fils rechigne à partager sa vie et préfère conserver ses habitudes, sa fille la soutient du bout des lèvres et son mari semble parfaitement à l'aise avec cette nouvelle vie. Susanne s'enfonce alors dans une spirale négative.
Ce drame est une fiction qu'écrit un auteur à partir des confidences de Sarah. Cette dernière, qui avait aimé les précédents romans, lui a confié qu'elle vivait «une histoire douloureuse et silencieuse qui lui donnait l'impression d'être dans l'un de ses livres.» Peut-être en mal d'inspiration ou simplement par curiosité, il lui a demandé de lui raconter son histoire afin de pouvoir la transposer dans un roman.
Nous voici donc en train de lire une histoire à tiroirs, celle de la «vraie» Sarah, de Susanne, son double de fiction, celle de l'écrivain transposant l'histoire de la première avec le personnage de la seconde et le tout composé par Éric Reinhardt, démiurge s'amusant à tirer les ficelles de cette vraie-fausse fiction.
Car bien entendu, ce qui fascine ici, c'est la plongée dans le travail d'écriture. le romancier propose au lecteur de l'accompagner dans la création de son oeuvre. Il nous montre comment il crée Susanne à partir de Sarah et comment il s'émancipe de l'une pour mieux cerner l'autre.
Cette explication de texte est aussi une manière de mettre fin à la polémique née après la publication de L'Amour et les forêts. On se souvient qu'une lectrice avec laquelle il avait échangé une correspondance puis retrouvée à Paris et qui lui avait raconté ses problèmes, y compris par écrit, avait porté plainte pour atteinte à la vie privée et contrefaçon. C'est donc avec les armes du romancier qu'Éric Reinhardt répond. Avec un formidable roman-gigogne qui donne ses lettres de noblesse à la création, au style et à l'imagination.


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Éric Reinhardt est un usurpateur de talent. Son nouveau roman s'ouvre sur un dialogue entre un écrivain et son sujet d'inspiration, Sarah, la quarantaine bien tassée. Cette dernière lui a confié son histoire. Un cancer du sein en rémission la pousse à s'interroger sur sa vie et à demander à son conjoint de faire un breack dans leur vie commune. Mais, c'est l'image racontée de Sarah assise sur un banc pour regarder les fenêtres de son ancien appartement et regarder son univers, où elle est dorénavant absente, passé devant elle qui inspire Eric Reinhardt à écrire Sarah, Suzanne et l'écrivain.

Alors, l'écrivain invente un double de papier, Suzanne, proche de l'histoire de Sarah complété, au fil des pages, de ses propres projections jusqu'à influencer l'évolution de Sarah, mère de deux enfants proches de devenir adultes.
Roman du double


Écrivain des images porteuses d'émotions, Éric Reinhardt créé un triumvirat entre une femme et son double de fiction où l'écrivain joue un rôle d'arbitre entre réel, imagination et symbolique. Des longs dialogues entre Sarah et l'écrivain, il s'ensuit un roman qui se construit petit à petit entre double et identification, déjà évoqué dans L'amour et les forêts (Prix Renaudot des lycéens en 2014).

En reprenant le même thème, Eric Reinhardt apporte une réponse étayée à l'accusation dont il a été victime à la sortie de son roman. En effet, une mise en demeure déposée auprès de Gallimard pour atteinte à la vie privée et contrefaçon était menacée d'être déposée par l'avocate de la protagoniste lors de la sortie de L'amour et les forêts. Dans cette affaire, l'inspiration semblait s'éteindre par la production de certaines parties d'un texte, de moins de cinquante pages, adressées par la plaignante à l'écrivain, avant sa parution.

Néanmoins, le roman, Sarah, Suzanne et l'écrivain, semble de plus en plus étrange. Au départ, l'attirance pour un tableau fait perdre la mesure à Suzanne, premier événement d'une longue série qui devrait permettre à Sarah d'ouvrir les yeux sur son vécu.

Comme dans un tableau de Hopper, Eric Reinhardt nous rend témoin de l'immense solitude de Sarah. Ayant voulu exprimer son désir, suite à sa rémission, elle se trouve exclue de sa propre vie. Cette violence silencieuse que Sarah subit, sans jamais accabler son mari, ne prend toute son intensité dramatique que par le récit qu'en fait l'écrivain par le vécu de Suzanne qu'il lui propose. Sarah précise et questionne en donnant son avis sur le déroulé du roman. Suzanne se construit au fil de leurs échanges. Sarah et Suzanne, les prénoms s'emmêlent, se confondent obligeant le lecteur à s'attacher aux signes plutôt qu'au sens.
Roman féminin

C'est au coeur d'une machination diabolique que nous convie Eric Reinhardt ! Et, il faudra attendre la scène avec Momo (presque à la fin) pour que le fou rire de Suzanne réveille la torpeur dépressive de Sarah, la même que celle où l'écrivain a plongé son lecteur !

Car, ici, le couple est synonyme de domination. Celle d'un homme, ayant perdu l'objet de son amour, qui n'a de cesse que de la “tuer” symboliquement. C'est une violence insidieuse décrite par le menu jusqu'à la folie pour l'une et l'accident pour l'autre.

Eric Reinhardt confirme son désir de créer des personnages féminins, qualifiées de naïves par d'autres, mais qu'il décrit comme dénuée de duplicité, éprise de liberté et d'absolu, et surtout, d'une confiance à toute épreuve en ceux qu'elles aiment. le personnage de Sarah en est encore une incarnation.
Roman spécial prix littéraire

Eric Reinhardt détaille la position de l'écrivain et la relation tenue avec son sujet. En revenant sur un sujet déjà entrevu, il complète sa réflexion autant avec le milieu littéraire, qu'avec les critiques et même les distinctions. Franchement, le roman, Sarah, Suzanne et l'écrivain, répond parfaitement aux attentes d'un Goncourt : une oeuvre littéraire parfaitement ancrée dans une actualité reconnue (la place des femmes) jouant sur un procédé littéraire (le double) et détaillant la position de l'écrivain ! Alors ! Réponse le 7 novembre 2023…
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Sarah a raconté sa vie à un écrivain qui s'en est inspiré pour son nouveau roman, tout en procédant à quelques nécessaires modifications, avec une héroïne rebaptisée Susanne. C'est cela, le livre, un dialogue entre l'auteur et Sarah et les réactions de cette dernière, en découvrant au fur et à mesure ce que son histoire est devenue, avec le visage imaginaire de Susanne. Une mise en abyme que Eric Reinhardt réalise non sans virtuosité, même si parfois, en étant un peu moins concentré dans certains passages, le lecteur se demande si ce qu'il est entrain de lire concerne l'une ou de l'autre. Pour autant, le livre n'est pas vraiment consacré au rapport qui peut exister entre un écrivain et le réel ou encore plus largement sur la mécanique de la création romanesque. Une fois de plus, Reinhardt s'attache à une relation de couple, sa sympathie allant nettement vers la femme, victime d'un certain manque de lucidité et de naïveté dans l'aveuglement amoureux, tandis que l'homme apparaît, sinon manipulateur, tout du moins hypocrite, cruel et égocentré. Si la descente aux enfers de l'une est crédible, le changement radical de tempérament de l'autre, à partir d'une décision étonnante qui fait tout basculer, le semble beaucoup moins, mais c'est à chacun de juger en la matière, sachant bien entendu qu'on ne connaît jamais complètement celui ou celle avec lequel/laquelle on partage l'existence depuis de nombreuses années. Si le roman n'est pas constamment prenant, avoir un personnage principal double n'aide pas à s'y attacher, il contient de vraies trouvailles dans plusieurs scènes et un humour qui contrecarre une intrigue qui est loin d'être drôle. A bien y réfléchir, la forme sophistiquée (artificielle ?) de Sarah, Susanne et l'écrivain a tout de même tendance à prendre le pas sur le fond, ce qui n'est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les amateurs de fiction pure et dure.
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De l'auteur je n'avais plus rien lu depuis "L'amour et les forêts", un livre que j'avais aimé. C'est donc tout naturellement que j'ai eu envie d'emprunter en médiathèque ce dernier titre.
C'est un auteur qui n'est pas toujours facilement abordable et j'ai eu cette fois beaucoup de mal à entrer dans cette histoire. L'auteur dit qu'il a eu l'idée d'écrire ce roman suite à un courriel reçue d'une de ses admiratrices qui souhaitait lui raconter ce qu'elle était en train de vivre. Il a accepté de la recevoir pour en savoir plus. Cette lectrice dans le roman c'est Sarah, et son double dans l'histoire, Susanne. Elles vivent dans deux régions différentes.
Vous vous en doutez donc le roman va nous raconter l'histoire de ces deux femmes en parallèle, car l'auteur passe de l'une à l'autre, fait intervenir Sarah pour donner son avis sur ce qui arrive à Susanne, sur ce que l'écrivain dans le roman a pris la liberté de modifier, les événements qu'il décide de faire vivre à son héroïne.

Sarah vient de "guérir" d'un cancer du sein. En fait, elle sait bien qu'on ne guérit pas vraiment, jamais, mais cette rémission lui permet de reprendre confiance en elle. Elle a 44 ans et est architecte (Susanne sera généalogiste), mais elle a arrêté de travailler depuis sa maladie. Elle recommence pourtant à faire des projets et retrouve goût à la vie. Elle a tout pour être heureuse, un mari aimant, avec qui elle vit depuis 21 ans, et deux beaux enfants, à présent grands adolescents. Mais elle se sent délaissée par son mari (avocat fiscaliste) qui passe plus de temps dans sa cave aménagée en bureau (vous saurez pourquoi en lisant le livre) qu'à s'occuper d'elle et de ses enfants. de plus, elle a découvert que le domicile familial appartenait à 75 % à son mari et celui-ci ne veut rien faire pour modifier ce fait-là, tellement injuste.
Pour le faire réagir et prendre du recul par rapport à leur vie quotidienne routinière, mais tout en l'assurant de son amour, elle décide de quitter le domicile familial pour s'éloigner temporairement...sans en mesurer les conséquences.
Mais rien ne se passera comme prévu...elle va se retrouver isolée, rejetée par sa famille et ses amies et, sans ressources...

L'auteur a du talent pour dessiner le portrait de ses deux femmes avec beaucoup de justesse et de sensibilité.
Le mari apparait d'une froideur incroyable et bien entendu par son attitude, le lecteur comprend très vite qu'il garde un certain pouvoir sur sa femme, se dérobant quand il s'agit de lui répondre, montant les enfants contre elle, leur cachant les raisons profondes qui ont amené Sarah à partir... le silence est une arme redoutable et d'une telle violence que nous ne pouvons pas rester indifférent en lisant ces pages. de plus, il va profiter de sa faiblesse...
Ce que veut Sarah c'est occuper la juste place dans sa famille et ne plus subir la domination de son mari.
Par moment, je ne savais plus si c'était Sarah qui s'exprimait ou Susanne, c'est perturbant au début mais j'ai fini par me dire que cela n'avait aucune importance, que ce qui importait, c'était l'histoire de ce(s) femmes, ce qu'elle(s) vivai(en)t de cruel au quotidien : le pouvoir et la suprématie masculine, et le manque d'empathie de ce mari "bien sous tout rapport" mais qui cache bien son jeu, car finalement, tout en manipulant sa femme, il la pousse à partir, tout en rejetant la faute entièrement sur elle ensuite.
L'auteur s'amuse à nous perdre et mélange les deux personnes parfois même dans un même chapitre.
Le roman est une réflexion sur le lien entre l'écrivain et ses personnages et là se rajoute le lien entre le lecteur (ou la lectrice) et lui-même, car lui aussi va nous faire des confidences sur sa propre vie. A noter que même s'il est présent, jamais il n'apparaît encombrant car il sait rester à sa juste place.
Il y a des passages poignants comme ceux où elle s'installe devant sa maison un soir d'hiver pour regarder par la fenêtre éclairée vivre sa famille sans elle. C'est d'une telle violence psychologique...J'ai aussi été touchée par les dialogues avec son fils.
L'intervention du tableau religieux du XVIIe siècle dans l'histoire permet de rajouter un petit côté fantastique dans cette histoire de la vie quotidienne somme toute simple et de mesurer à sa juste valeur la descente aux enfers psychologique de Susanne.
C'est donc un roman qui aborde différents thèmes, le couple et la famille, bien entendu, le pouvoir de l'argent (et des contrats de mariage), la différence de milieu social, les droits liés au mariage et au divorce, l'art et l'architecture, la signification symbolique d'un tableau ou d'une oeuvre, mais aussi les troubles psychologiques.
Mais malgré tout pour être honnête, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire et par moment je me suis ennuyée. Mon ressenti a été trop variable lors de ma lecture : je lisais avec plaisir certains passages et buttais sur d'autres. A maintes reprises, j'ai cru abandonner ma lecture mais le lendemain j'avais envie de la reprendre pour savoir la suite d'autant plus que la vie de ces femmes nous interpellent et que certains passages sont d'une telle justesse et tellement émouvants, que nous ne pouvons pas ne pas les lire.
J'ai donc un avis mitigé sur ma lecture.

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Imaginez-vous être dans le Palais des Glaces, votre image se reflète à l'infini, identique ou légèrement déformée selon l'angle de vue.

C'est à peu près l'impression que donne ce roman qui pratique la mise en abyme, l'effet poupées russes, bref, l'imbrication d'une histoire dans une histoire dans une histoire.

Compliqué ? Non, finalement, pas tant que cela. Eric Reinhardt rédige son roman, c'est celui d'une femme qui veut écrire son histoire mais ne sait pas bien s'y prendre. Elle contacte donc un écrivain. Qui n'a pas de nom. Jusque-là, c'est simple. Mais cette femme, Sarah, ne souhaite pas qu'on reconnaisse au détail près qu'il s'agit d'elle. Donc, simple encore, on va lui substituer une sorte de double, nommée Susanne.

Durant tout le livre donc, nous allons assister aux échanges écrivain-personnage réel mettant au point au point l'aventure vécue par le personnage inventé, Susanne.

Là où cela se complique c'est quand la plume de Reinhardt passe allègrement de Sarah à Susanne et inversement, mêlant les noms des deux maris (que j'ai oubliés, ce n'est pas essentiel) et des quatre enfants. Ah par contre, là, on simplifie ou on embrouille, comme chacun veut, car les enfants ont deux fois les mêmes prénoms, âges et caractère : Luigi, 17 ans, bienveillant à l'égard de sa mère ; Paloma, 22 ans, outrée du comportement de sa mère et coupant les ponts avec elle durant trois ans.

Ce qui est extraordinaire c'est qu'on ne s'y perd pas autant que ça et même qu'on finit par trouver très sympa de mélanger réalité et fiction. Parmi les deux femmes (la vraie, l'inventée) il y a une architecte qui abandonne son cabinet pour se livrer à la création d'oeuvres posées dans son jardin et une femme qui écrit et devient dingue d'un tableau religieux qu'elle mettra des mois à se décider à acheter. Pour finir par le gratter jusqu'à la toile et...Non, là, il faut le lire pour le croire !

Reinhardt fait preuve d'un machiavélisme étrange, inventant des actes fous pour ses personnages et plongeant son lecteur dans une perpétuelle interrogation : bon sang, mais de quoi, de qui parle-t-il et qu'est-ce qu'il lui, prend d'inventer de telles situations ?

Jusqu'au moment où on s'en moque totalement, se laissant emporter par le rythme et la folie du roman.
Folie, c'est le mot, puisque nous voilà au centre psychiatrique de Dijon, la Chartreuse, dont j'aimerais bien découvrir le Puits de Moïse, si tant est qu'on puisse visiter le site sans être obligé d'y faire un séjour... !

La lecture de ce roman permet de réfléchir à ce qui fait la réussite et la longévité d'un couple. Comment ne pas se sentir floué, comment ne pas sur-réagir, comment tout de même être attentif aux détails matériels alors qu'il semble que l'amour est au-dessus de tout cela ? Comment ne pas donner à l'autre l'impression que tout est acquis, gagné, pour la vie ?
Le thème est vieux comme l'humanité mais l'auteur a choisi de l'aborder avec originalité.

«Coup de coeur des lecteurs » affiche le petit coeur scotché sur la couverture de l'exemplaire que je viens de lire. C'est vrai, j'ai bien aimé, moi aussi, malgré peut-être longueurs et digressions (notamment la vie de l'écrivain chargé de rédiger le roman de Sarah).
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