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sur 470 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Eric Reihnart signe un nouveau roman magistral, Une histoire hors norme, menée tambour battant, aucune fausse note, tout retranscrit avec dextérité, sensibilité et poésie Il faillait oser écrire sur un tel sujet , qui m'a littéralement scotchée. L'auteur manipule les mots, écrit ses textes en usant d'un vocabulaire élaboré, qui peut rendre la lecture longue, lourde pour certains lecteurs, mais un conseil, il faut perdurer, trouver la bonne porte pour rentrée dans son monde littéraire,

Sarah suite à un cancer du sein et en état rémission, se rend compte que sa vie, n'est pas on 'est plus comme avant. Elle veut mettre par écrit avec l'aide d'un écrivain, l'histoire d'une partie de sa vie, Sarah devient Suzanne, Suzanne est la narratrice, elle extériorise les désillusions de sa vie de femme, de mère. Elle ne ressent plus les mêmes sentiments vis à vis de sa familles, elle s'aperçoit que son mari, ce dernier possède 75 pour cent des parts du mobilier, un gouffre s'installe entre eux Au fil de la lecture, Suzanne et Sarah sont deux âmes soeurs, il faut se reconnecter pour redéfinir le rôle de chacune dans cette histoire complexe , Suzanne décide de quitter son domicile, pour un laps de temps, à ce moment, des moments douloureux refont surface, une femme manipuler reléguer au rôle de mère au foyer, cette manipulation psychologique, un emprise extrême, l'exploitation financière, cette tomber dans les méandres de la folie, et essayer de refaire surface, reprendre le cours de sa vie, L'auteur s'approprie cette histoire d'une façon remarquable, du début jusqu'au final, déroutant,

Laissez vous transporter, dans l'histoire de Sarah Suzanne et l'écrivain, vous ne le regrettez pas
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Rééditant le schéma narratif de son roman L'amour et les forêts paru il y a presque dix ans, Eric Reinhardt poursuit son exploration des jeux de miroir et de la mise en abyme multiple avec une nouvelle histoire d'écrivain à qui une femme demande de s'inspirer de son récit de vie pour en faire une fiction.


En rémission d'un cancer, Sarah se retrouve soudain à questionner son existence bourgeoise jusqu'ici sans histoires. Mariée depuis vingt ans, la voilà qui tout à coup ne parvient plus à se satisfaire de ses soirées seule avec leurs deux grands enfants, son époux préférant s'isoler tous les soirs dans son bureau aménagé à la cave. Et puis, naïve qu'elle était, elle vient de réaliser que son mari détient les trois-quarts de tous leurs biens, y compris ceux acquis au cours de leur vie commune. N'obtenant de lui que de vagues réassurances paternalistes, elle décide de provoquer un électrochoc en prenant le large quelques semaines, mais, à sa grande stupéfaction, ne réussit qu'à déclencher un engrenage de brutalité qui la mènera jusqu'aux rivages de la folie.


Sous la plume de l'écrivain, les douloureuses confidences de cette femme donnent naissance à un nouveau personnage, Susanne, création mêlant au reflet de Sarah les propres projections de l'auteur. le récit avance donc triplement, partie de billard à trois bandes rebondissant sans cesse entre réel, symbolique et imaginaire, à mesure que l'écrivain propose à son premier personnage d'en affiner avec lui le second sans hésiter à faire référence à son vécu personnel. Réalité et distorsions se pourchassent alors à l'infini, le plus diabolique étant sans doute que, bien avant d'apprendre à se regarder au travers de son reflet littéraire, Sarah, brutalement évincée de sa vie par les perverses manipulations d'un mari habile à la faire passer pour ce qu'elle n'est pas, se retrouve réduite à observer les siens en catimini, ombres se découpant la nuit sur l'écran éclairé des fenêtres de leur appartement. Voyeuse espionnant une existence dont elle est sortie, elle a l'impression de ne plus exister. « Elle leur est complètement sortie de l'esprit. Comment peut-on disparaître aussi vite de la vie de ceux que l'on aime ? C'est comme si elle était morte de son cancer et qu'elle avait eu la faculté de revenir les voir vivre une fois décédée. Ils ont fait disparaître Sarah de leur vie aussi sûrement que l'eût fait la maladie si elle s'était révélée fatale. »


Alors, tandis que Sarah raconte, que Suzanne vit la même chose à sa façon, et que l'écrivain vient y mêler des éléments de sa propre histoire, le tourbillon de la narration s'accélère pour, de tous ces fils narratifs, ne plus faire qu'un, celui tout simplement de l'acte créateur dont on ne sait jamais vraiment où il va puiser sa source. Et comme l'auteur conserve tout du long un coup d'avance sur son lecteur, ce dernier, tenu en haleine, aura droit au renversement final inattendu, histoire de ne pas laisser le dernier mot aux réalités les plus méprisables du patriarcat.


Ce livre à la construction vertigineuse donne non seulement une voix à une femme qui refuse d'abandonner ses idéaux face à l'égoïste indifférence de son mari, mais fait aussi voyager le lecteur, avec beaucoup d'originalité, au coeur du processus créatif. Pris par les sentiments en même temps que séduit intellectuellement, l'on ne peut que s'incliner, entre coup de coeur et coup de chapeau.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La lecture de Sarah, Suzanne et l'écrivain restera longtemps en moi comme un écho lancinant qui se propagerait dans la blessure d'une âme meurtrie. Mais dans cet écho, il y a aussi des éclats de lumière. Il me faudra attendre peut-être quelques jours encore pour que ma mémoire fasse le tri, attendre que l'eau se calme pour apercevoir ce que ce livre continue de me dire.
Sarah, une femme quadragénaire, rencontre un jour un écrivain pour lequel elle porte une vive admiration. Elle lui confie son histoire et voudrait qu'il l'écrive. Elle lui demande de le faire, pour elle, pour les autres femmes, pour les hommes aussi qui liront ce livre... Mais elle voudrait que ce soit un roman. Dans ce roman que l'écrivain décide d'écrire, Sarah s'appellera Suzanne...
Éric Reinhardt nous entraîne dans un étrange triangle choral qui n'est ni tout à fait l'histoire de Sarah, ni tout à fait l'histoire de Suzanne, mais peut-être est-elle celle d'un écrivain qui va faire de cette confession un roman, tissant un pont entre ces deux femmes ?
Alors Sarah devient Suzanne, encore en état de rémission suite à un cancer. Cette maladie lui a ouvert les yeux, lui a fait prendre conscience du poids de la vie, de ce qu'est sa vie réellement, sa vie conjugale, sa vie en tant que mère, sa vie en tant que femme aussi, peut-être et avant tout...
Mère de famille et épouse en apparence comblée, elle ne ressent plus les mêmes sentiments qu'avant et voilà que cette prise de conscience l'amène à se confronter brusquement à l'indifférence, à l'égoïsme de son époux, comme si sa maladie, ou plutôt sa rémission, lui avait brusquement ouvert les yeux.
Lorsqu'elle réalise après vingt ans de mariage, que son époux est propriétaire de soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal, Sarah tente de rétablir l'égalité économique au sein de leur couple et lui demande aussi de se montrer plus présent. Pour faire réagir son époux qui reste muet à sa demande, elle décide de quitter leur foyer pour quelques mois. Ce sera pour elle une décision aux conséquences inattendues et bouleversantes.
C'est cet effondrement que nous raconte Éric Reinhardt.
Celui de Suzanne, ou peut-être celui-ci de Sarah. Parfois j'en suis arrivé à ne plus savoir les distinguer, mais ce n'est pas très important. La construction narrative d'Éric Reinhardt, subtile comme un pont entre deux versants, favorise cette ambiguïté, ce basculement, ce jeu de miroirs de deux destins qui se parlent en écho...
Dans ce roman complexe et vertigineux, j'ai aimé cette mise en abyme, ainsi que la confusion dans laquelle celle-ci nous plonge et nous perd...
L'écriture d'Éric Reinhardt est d'une justesse incroyable, d'une sensibilité qui touche au coeur pour dire la violence psychologique exercée par un homme sur son épouse. Cette violence du silence, ce rejet, ce bannissement, ce point de bascule presque au bord de la folie, sont très finement rendus.
C'est un livre humaniste, profondément féministe de deux femmes qui décident de ne pas céder à la lente domination ordinaire, de renverser la table, de prendre en main leur destin, quitte à tout perdre... C'est l'histoire de leur résilience.
C'est un livre sur l'effacement. Éric Reinhardt montre comment on peut exister ou simplement disparaître, être effacé par le regard des autres, ceux qu'on croyait aimer, ceux dont on croyait être aimé... Mais il ne faut pas nous leurrer, cette indifférence n'est pas une vue de l'esprit philosophique, mais bien le cri d'une femme dans cette lente détérioration du désir de l'autre, c'est bien ici l'héritage patriarcal qui est désigné, sur lequel se fondent encore aujourd'hui beaucoup de couples dans leur fonctionnement...
Ce qui m'a surpris dans ma lecture, c'est la proximité de ce roman avec l'un des précédents du même auteur, L'amour et les forêts où là encore une femme contactait un écrivain, évoquait sa vie cette fois avec un pervers narcissique. D'où viennent à Éric Reinhardt ses inspirations qui se ressemblent ?
Éric Reinhardt est un auteur qu sait parler des femmes, sait parler aux femmes, sait parler aussi aux hommes qui essaient de parler aux femmes, qui essaient de parler des femmes...
Aussi, être un homme et lire ce roman n'est peut-être pas anodin.
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Dans une émission de radio (laquelle, je ne sais plus), Éric Reinhardt explique qu'il y a quelques années, il a été contacté via Facebook par une femme qui voulait lui raconter ce qui lui était arrivé, une histoire « douloureuse et silencieuse » d'après ses mots. Piqué par la curiosité et très troublé par une scène saisissante décrite par l'inconnue, l'auteur accepte d'échanger avec elle.
S'il a trouvé un sujet d'écriture, il lui manque encore l'essentiel : la forme. Il a alors l'idée de mettre en scène un auteur, un Reinhardt bis, lisant à Sarah, la mystérieuse correspondante, l'histoire qu'il a écrite à partir de ce qu'elle lui a confié : l'auteur modifie les noms et Sarah, présente elle aussi dans l'oeuvre, a dorénavant une espèce de double littéraire : Susanne.
Troublante et intéressante mise en abyme...
Sarah écoute alors l'histoire que nous lisons, l'histoire de Susanne, de son double...
Bien entendu, le créateur est là, troisième personnage : il décide, modifie, tronque, ajoute, mélange, fait sa cuisine, tord le cou au « réel », à l'histoire de Sarah et quand cette dernière (j'allais écrire « la vraie » mais est-elle plus vraie que Susanne dans le fond?) juge que certaines modifications vont trop loin, sont déplacées ou perturbantes, elle intervient : pourquoi ce choix ? demande-t-elle.  L'auteur se justifie. Il a son mot à dire.
Doucement, le roman se construit devant nous et nous en entr'apercevons les coulisses.
Emportés par la fiction, nous, lecteurs, sommes régulièrement (et brutalement) ramenés au « réel » par les interventions de Sarah qui donne des précisions, nuance, s'étonne, demande une correction… Un délice que ces jeux autour du « réel » et de la fiction...
Bref, le lecteur, quant à lui, glisse constamment de Sarah à Susanne et de Susanne à Sarah, en oubliant parfois qu'elles sont deux, dans cette sororité dont elles deviennent le symbole....
Il est intéressant, bien sûr, de voir le travail de l'auteur à l'oeuvre : que modifie-t-il ? Pourquoi ? Comment ? Dans quel but ? Tout ça est évidemment très original mais j'avoue que moi, ce qui m'a complètement transportée dans ce roman, ce sont les scènes. Elles sont incroyables, puissantes, inattendues, déroutantes, minutieusement décrites à tel point que l'on bascule dans l'univers du roman, on perd pied, on devient le personnage, on entre pleinement, vraiment, dans la fiction. C'est extrêmement perturbant et follement excitant. On en ressort épuisé. Ravi mais épuisé. Cela m'est déjà arrivé en littérature mais rarement à ce niveau là. Je pourrais vous donner des exemples précis mais je préfère ne pas divulgâcher l'histoire, cela risquerait de rompre la force du texte. « Je me documente beaucoup, parce qu'il m'est insupportable d'être approximatif, imprécis, invraisemblable. le pacte que l'on passe avec le lecteur est très fragile. J'aspire à la magie, à pouvoir créer des sortes de petits miracles de lecture. Comme un illusionniste, comme si je créais des machines à sortilèges. » Je suis, pour ma part, complètement tombée dans l'illusion, j'ai été happée, hypnotisée au point de sentir un malaise physique à la lecture de certaines scènes particulièrement éprouvantes.
Je n'avais jamais lu de texte d'Eric Reinhardt et j'avais même à son égard une petite réserve liée à deux trois retours négatifs. Là, je suis conquise. Absolument. J'aime peut-être un peu moins la fin mais les grandes scènes génialissimes me font oublier le reste !
Un sacré bon moment de lecture ! Un portrait de femme(s) inoubliable… (bon, je n'ai rien raconté de l'histoire et c'est très bien comme ça) (ne lisez évidemment pas la 4e de couv') (quelle chance vous avez de ne pas avoir encore lu ce roman!!!)
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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[Rentrée littéraire 2023 n°9]

Un véritable OVNI ce livre incroyable.
Quelle dextérité, quel talent !
Par contre, ce livre se mérite ; il faut aller au bout du roman, au bout de cette expérience littéraire. Car, pour moi, il s'agit d'une expérience, c'est comme cela que j'ai vécu cette lecture.
Je l'ai commencé avec des a priori nettement négatifs.
Je n'ai lu que ce livre de Reinhardt.
Il m'a littéralement happé, subjugué, je l'ai dévoré comme Susanne qui mange un tableau.
Alors oui, c'est parfois abscons.
Le sujet : une femme Sarah, demande par mail à un écrivain renommé (on peut le deviner puisqu'il est invité à La grande Librairie), de lui écrire un livre sur sa vie quelque peu agitée, avec une femme qui s'appellerait Suzanne Sonneur.
A partir de là, cela devient flou ; on ne sait plus si c'est Sarah ou Suzanne qui parle,ou bien si c'est l'écrivain qui écrit, sans oublier Sarah...
Sarah qui vit de douloureux moments avec son mari et sa fille.
Elle part se réfugier dans une maison épouvantable pour que son mari réfléchisse à ses actes, mais il s'en moque et finalement, tout le monde est content de la situation.
Épisode du tableau ; Susanne, à moins que ce ne soit Sarah (Je me moque mais ce n'est pas méchant cette dextérité de l'auteur de passer de l'une à l'autre...), a un véritable coup de foudre pour un tableau vu dans la vitrine d'un antiquaire, elle l'observe, elle se repaît de lui, et finit par l'acheter après moult atermoiements.
Et puis, d'un seul coup, vers la page 250, tout bascule ; Susanne ou Sarah "pète un cable" comme on dit, elle fait une bouffée délirante, elle fait un épisode psychotique, et là intervient le grand auteur qu'est E.R, la description de cet épisode psychotique est un franc succès. Elle finit par manger son tableau, elle le dévore languette par languette qu'elle arrache et l'ingère donc en elle. Cela m'a fait penser à cette angoisse de dévoration et de morcellement que l'on retrouve chez les psychotiques. Mais elle sera internée en HP et s'en sortira avec de bons neuroleptiques des familles. Et oui, quand le réel est devenu insupportable, on se crée un autre réel : le délire.
Un moment très intense pour moi.

Alors non, ce n'est pas un livre féministe, ce serait réducteur que de le dire, oui le mari est insupportable, oui Sarah-Susanne en devient folle, mais je ne crois pas que ce fut le but initial de l'auteur.
On se perd régulièrement dans ce roman ; un coup on subodore que Susanne est lesbienne, un coup on pense que c'est Sarah, un homme anglais Johnathan, devient ensuite Johanna....
L'auteur nous ballade, pour notre plus grand plaisir.
C'est un livre très intéressant du point de vue de l'écriture mais également du point de vue de la narration. J'ai adoré la description du tableau, j'ai presque aimé l'imaginer...
Je me suis perdue dans ce livre magnifique, puis retrouvée, puis encore perdue, je l'avoue. Mais j'ai adoré être surprise.
Il y a également beaucoup de scènes comiques, elles m'ont fait rire. Certains personnages et certaines situations sont franchement ridicules.
Enfin, ce livre m'a fait penser à Duras, dans certaines de ses oeuvres, limites psychotiques, ou schizophrèniques, je l'ai retrouvé ma Marguerite, comme au temps où je la dévorais. Un petit air toutefois de le Ravissement de lol.v. Stein.
Bref, j'ai été subjuguée de bout en bout, à aucun moment je n'ai voulu arrêter ma lecture.
Ce fut une obsession littéraire pour ma part.
Pour apprécier cette lecture, il faut accepter de ne rien savoir et, parfois, de ne pas comprendre.
Pour les audacieux, les curieux, les explorateurs, ce livre est une merveille.
Quel voyage....
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J'écris cette critique car j'ai éprouvé un véritable coup de coeur pour ce roman. J'ai été happée par cette histoire qui fait intervenir plusieurs voix. Éric Reinhardt utilise en partie le procédé littéraire de son précédent ouvrage « L'amour et les forêts », en s'appuyant sur le témoignage d'une lectrice, Sarah qui l'a contacté par mail. Cependant, autant, dans son précédent livre, le début était alourdi par ce dispositif, autant dans celui-ci, l'histoire se déroule de manière fluide. Sarah dialogue avec l'écrivain qui a créé son double fictionnel, Suzanne. Ce jeu à plusieurs voix donne du rythme, permet un jeu de miroir, de mise à distance et de réflexion approfondie, l'écrivain approche ainsi les personnages sous de nombreuses nuances.
Reinhardt reprend son sujet de prédilection, les relations dans le couple conjugal et dans la sphère familiale. « On ne sait jamais vraiment avec qui l'on vit ». Lorsque Sarah découvre que son mari détient 75% du patrimoine familial alors qu'elle contribue de moitié aux charges du foyer, elle le somme de remédier à la cette situation. Éric Reinhardt dissèque les rapports de pouvoir, d'argent, de domination, de statut au sein du couple avec justesse et sensibilité.
Reinhardt nous livre de beaux portraits de femmes libres qui luttent dans cette société patriarcale où prendre sa juste place demande un engagement qui peut aller très loin. Ce livre nous remue quelle que soit notre situation amoureuse et je terminerai par ces mots de l'auteur : « Rester ensemble pour rester ensemble, ce n'est pas sain, il faut toujours savoir en profondeur pourquoi on est avec l'autre. »
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Un cru exceptionnel à mon avis ; cette lecture me remplit d'une grande admiration.
La forme choisie n'est pas courante, mieux, elle me semble unique et extrêmement difficile à mettre en oeuvre nous demandant un peu d'adaptation en début de parcours. Car qui est l'énonciateur ? Il s'avère que trois personnes ont cet honneur : Sarah la femme réelle qui a fait part de sa vie grandement malmenée par le cancer et aussi par son mari, puis Suzanne, une sorte de réplique d'elle -même crée par l'auteur, mais pas non plus trop dupliquée, et enfin l'écrivain, sorte de magicien qui va inventer une belle histoire proche du réel en dialoguant avec la femme qui est son inspiratrice.
Donc ce trio uni comme les doigts de la main compose à mesure des discussions un roman qui tient en haleine le lecteur qui se retrouve à une place particulière grâce à ce dispositif ingénieux, celui de participant à l'écriture et aux mystères de la création, rien de moins.
On a donc tout le matériau sous les yeux, l'histoire racontée par Sarah suivi des bouts de récits donnés par l'écrivain qui deviennent mis en pages une translation dans le temps et l'espace de l'originale.
Et cela n'est pas un cours pour apprentis écrivains mais un passionnant livre qui se dévore en se nourrissant aussi de la personnalité d'Eric Reinhardt qui met sa plume savante au service des arts, des villes aimées et surtout des causes de la femme en général qu'il semble bien apte à servir. Bravo.
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" Comment peut-on disparaître aussi vite de la vie de ceux que l'on aime ? "

Sarah, quarante-quatre ans, a contacté un écrivain qu'elle admire pour lui raconter son histoire afin qu'il en fasse un roman. Dans ce futur roman, Sarah s'appellera Susanne, ce double littéraire de Sarah habitera une autre ville qu'elle, exercera un autre métier qu'elle mais vivra le même drame.

Après avoir été frappée par un cancer, Sarah a choisi d'abandonner son métier d'architecte pour se consacrer à sa passion d'artiste : construire des cabanes-refuge. "Elle chérissait ce quotidien comme quelqu'un qui a failli mourir. Vivre après les frayeurs d'un cancer est un cadeau inespéré. C'est puissant et tenace. Chaque jour était béni. Sarah en éprouvait une immense gratitude."

Mais après vingt ans de mariage, Sarah ne se sent plus aimée par son mari comme elle le désirerait. Tout va pourtant apparemment bien entre eux, ils ne se disputent jamais, "il me négligeait dans une ambiance idyllique", mais chaque soir, son mari se retire dans son bureau, la laissant seule avec leurs enfants de dix-sept et vingt ans. Dans le même temps, elle s'aperçoit qu'il possède soixante-quinze pour cent de leur domicile conjugal, cette répartition a été définie lors de l'achat de leur résidence principale alors que, depuis des années, elle assure la totalité des dépenses quotidiennes du couple pendant que son mari fait fructifier l'argent qu'il gagne. Elle demande à son mari de rééquilibrer cette répartition et de se montrer plus présent. En vain... Pour provoquer un électrochoc, elle lui annonce qu'elle va aller vivre ailleurs quelques mois, le temps de le laisser réfléchir à leur situation.

Cette décision va provoquer un enchaînement d'évènements aussi bouleversants qu'imprévisibles.

Ce nouveau roman d'Eric Reinhardt fait écho à son roman "L'amour et les forêts" dans lequel il avait romancé la vie d'une lectrice qui s'était confiée à lui. Ici le roman entremêle habilement, sans jamais nous perdre, les dialogues entre Sarah et l'écrivain et l'histoire de Susanne inventée par l'écrivain à partir des éléments que Sarah lui a transmis.
Eric Reinhardt raconte les violences sournoises que son héroïne a subi de la part de son mari avant qu'elle ne parte s'installer ailleurs, la violence du silence dans laquelle il l'a ensuite enfermée, véritable torture psychologique. Il décortique l'implosion de la famille, le déclassement social et la descente aux enfers de cette femme "au coeur trop exigeant, usé par l'espérance". Ce rejet est vécu par Sarah comme une véritable répudiation " Je rejoins la confrérie des femmes abandonnées lâchement et légalement, après des années de bons et loyaux services et d'enfantement. Mon devoir est terminé, les enfants sont élevés avec brio alors dehors maman, dehors l'épouse, pas un merci. Limogée sans le moindre égard."
Ce roman nous permet également de nous approcher du travail de l'écrivain et explicite la posture qui est la sienne vis à vis de celle qui lui confie son histoire. Comment il écoute Sarah, comment il s'approprie son histoire pour en faire un roman, pourquoi il choisit délibérément de modifier certaines scènes ou péripéties, pourquoi il attribue à Susanne certaines réactions à l'opposé de celles de Sarah, comment il enrichit son roman de ses propres fantasmes ou souvenirs... on se retrouve au coeur du travail du romancier, de sa façon d'écrire une fiction à partir du réel avec la possibilité qu'a l'écrivain de rendre justice et réparation à l'opprimée dans sa fiction. C'est passionnant ! " Voilà que je parle de moi, Sarah, à la troisième personne, c'est bien la preuve que ce que l'on vit parfois nous propulse dans des espaces mentaux qui font de nous, de nous tous, des personnages de fiction".
La relation entre Sarah, lectrice, et un écrivain est également bien observée. Un contact via les réseaux sociaux, des échanges de mails puis une rencontre et des liens mystérieux se tissent peu à peu entre eux.
Aucune longueur, aucune baisse de rythme, de la tension dans ce roman écrit d'une plume d'une grande élégance et brillamment littéraire. Une lecture addictive.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Dans ce roman, tout est dédoublé : l'auteur lui-même a son double qui écrit un roman qu'il intitule « La mangeuse de tableau ». Ce romancier écrit à sa demande l'histoire de Sarah, une jeune femme qui vit en Bretagne et choisit de doubler cette histoire par celle de Suzanne, une autre jeune femme de son invention qui vit à Dijon. Or ces deux femmes ont quasiment la même vie. L'une est architecte, l'autre est généalogiste et toutes deux vivent dans une famille bourgeoise avec deux adolescents et un mari avocat fiscaliste.


Toutes deux en rémission d'un cancer du sein quittent leur emploi et décident de se réaliser, l'une par la création d'oeuvres d'art architecturales dans son jardin, l'autre par l'écriture. Or la passion que toutes deux manifestent à créer s'accompagne d'un repli de leur conjoint qui déjà s'était montré très distant face à leur maladie. Puis ce mari ne se contente pas d'être distant, il se révèle aussi calculateur, froid, cruel et Sarah comme Suzanne finissent par aller vivre ailleurs, juste le temps qu'il réfléchisse.
Tout au long de cette descente aux enfers, on souffre avec les héroïnes, on compatit et on s'accroche pour aller jusqu'au bout de la dégringolade de plus en plus violente.
On retrouve ici bien des thèmes et des techniques d'écriture communs avec l'amour et les forêts, mais poussés à leur paroxysme. le roman, très bien écrit, joue sans cesse avec les notions de personnes et de personnages, de similitudes et de différences, de mises en abyme et de parallèle, de beauté et d'art.
Lien : http://www.lirelire.net/2023..
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Heureusement que je ne suis pas découragé par le talent d'Éric Reinhardt pour poursuivre ma carrière d'écrivain. Finaliste du prix Goncourt 2023, sans avoir lu les autres, il aurait peut-être mérité de le remporter.


Évacuons immédiatement ce qui peut déplaire, à juste titre, dans ce livre : quelques pages surabondantes et des tournures parfois prétentieuses. Oui, Éric Reinhardt a écrit un grand livre, il s'est éclaté pendant l'écriture. Il sait qu'il écrit bien à force de l'entendre. Je comprends que son écriture puisse déplaire, lasser, agacer, mais dans mon cas, une telle justesse, une telle fluidité, une telle maîtrise me déplaira, lassera et agacera toujours moins que des livres « adorés » par le grand public, nid à mièvreries écrit avec 5 verbes pauvres.

L'histoire : une femme, Sarah, contacte un écrivain pour qu'il s'inspire de sa vie pour un roman. Alors l'écrivain crée le personnage de Susanne. Susanne a 44 ans, marié, deux enfants. Son mari n'est guère présent le soir, il s'isole dans sa cave. Pas de quoi divorcer, mais Susanne-Sarah s'en retrouvent frustrées. le détonateur est quand elles se rendent compte qu'elles possèdent 25 % de la maison et les 75 % sont au mari. Je suis docteur en droit, c'est une erreur classique dans un couple, souvent au détriment de la femme : « Paye la bouffe et les trucs pour les gosses, je paye le reste ». La bouffe est bouffée, l'électricité est consommée, et au moment du divorce les biens physiques demeurent dans le patrimoine de l'un.

Bref, Susanne-Sarah (On s'y perd, on ne sait plus qui est qui, mais ce n'est pas important, c'est même voulu) se fâchent et décident de partir 3 mois vivre dans un autre logement pour ressouder leur amour. Les conséquences vont être désastreuses.

Il est possible que ce livre soit mon livre de l'année, après L'Épervier de Maheux en 2023 et l'Anomalie en 2022.

Non seulement je ne me suis pas ennuyé, mais j'ai souffert avec ces deux femmes. Je me mettais en colère, je me sentais triste, chaque page que je lisais m'enfonçait dans des émotions désagréables pendant un week-end pascal pluvieux. Et qu'est-ce qu'un grand livre sinon un récit bien écrit et qui procure une émotion ?

Sarah, Susane et l'écrivain est un livre original et remarquable. Je le recommande à celles et ceux qui ont envie de se sentir vivants pendant une lecture.
Lien : https://benjaminaudoye.com/2..
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