Marvel Universe, N° 8 : Winter Soldier : the bitter march

Ce tome comprend les épisodes 1 à 5 de la minisérie du même nom, qui forment une histoire complète. Une connaissance superficielle du Winter Soldier est requise pour saisir tous les enjeux du récit. le scénario est de Rick Remender, les dessins et l'encrage de Roland Boschi, et la mise en couleurs de Chris Chuckry. Ces épisodes sont initialement parus en 2014.

En 1966, Nick Fury (directeur du SHIELD) et Ran Shen (un agent du SHIELD de haut rang) sont en mission dans une montagne enneigée de l'Europe de l'Est. Leur mission : exfiltrer Mila et Peter Hitzig, les inventeurs de la Formule de l'Alchimiste. Pour cela ils doivent pénétrer dans une forteresse d'Hydra, où se déroule un colloque animé par la Chancelière Cassandra.

Nick Fury et Ran Shen empruntent 2 chemins différents pour accéder aux époux Hitzig, celui de Shen étant le plus élégant. Alors qu'ils échappent au tir de balles des agents d'Hydra, leurs protégés leur échappent des mains (en plein vol) du fait de l'intervention musclée du Soldat Hiver.

Ce tome se termine avec une interview d'une page de Rick Remender qui indique clairement qu'il a conçu ce récit comme un hommage aux films de James Bond, sous influence de Jim Steranko. Effectivement, il s'agit d'une aventure d'espionnage qui respecte les conventions du genre : endroits exotiques, poursuites à bord d'un train, cascades spectaculaires et à haut risque, organisation secrète souhaitant dominer le monde, résurgence de nazis, gadgets technologiques, etc.

Dans la mesure où cette histoire se déroule dans l'univers partagé Marvel, le personnage principal est un superhéros (Winter Soldier) et il y a une apparition de Nick Fury (premier du nom, celui de race caucasienne). Néanmoins, Rick Remender n'insiste pas sur la composante superhéros, Winter Soldier étant un simple super-soldat bénéficiant d'une technologie d'anticipation sur l'époque. Il subsiste quelques souvenirs associés à Captain America, à nouveau présenté sous la forme d'un super-soldat, et quelques criminels aux capacités relevant de superpouvoirs, mais plus présentés sous la forme d'individus avec des capacités surnaturelles, ou des monstres.

Rick Remender raconte une longue course-poursuite haletante, où Ran Shen et ses protégés doivent à la fois éviter d'être recapturés par les individus à la solde d'Hydra, et échapper à ce super-soldat qui n'abandonne jamais. Roland Boschi met en images ce thriller haletant, avec des formes aux contours un peu déchiquetées, avec un encrage un peu appuyé et en apparence imprécis. Dans l'interview de fin, Remender loue ses capacités de mise en scène. Effectivement Boschi fait un effort conséquent pour inclure des décors et arrière-plans dans chaque page, et quasiment dans chaque case, une densité de décor peu commune dans un comics Marvel.

Le lecteur a donc le plaisir de pouvoir s'immerger dans des lieux bien décrits, de suivre des actions bénéficiant d'un découpage bien rythmé, et de regarder des individus à l'apparence souvent normale (à l'exception des êtres doués de capacités surnaturelles). En cela, ses planches sont en phase avec la narration d'une aventure d'espionnage, à grand spectacle. En y regardant de plus près, le lecteur constate que l'encrage un peu appuyé dégage une impression de spontanéité, mais masque aussi une absence de détails en ce qui concerne les vêtements, ou les traits des visages.

Le lecteur remarque également que Boschi ne réussit pas à éviter certains raccourcis visuels. Il cite avec adresse quelques-unes des trouvailles visuelles popularisées par Steranko, à commencer par les costumes avec membrane permettant de planer, pour les agents du SHIELD. Il retranscrit avec habilité la fougue de James Bond (transposé à Fury et Shen) sur ses skis. Mais il choisit parfois des tenues vestimentaires ou des accessoires peu adaptés qui rompent le charme de l'immersion. Ainsi il a décidé d'accentuer légèrement le potentiel de séduction de Mila Hitzig en la dotant d'une jupe au niveau du genou. Cette tenue est cohérente avec l'époque, mais pas avec le lieu, à savoir une montagne enneigée où les gens s'habilleraient plutôt chaudement.

De son côté, Rick Remender utilise également un ou deux raccourcis pour l'intrigue qui laisse songeur. En particulier, le lecteur a un peu de mal à accepter que Ran Shen survive avec une telle désinvolture à 3 balles tirées à bout portant en pleine poitrine. Certes Remender apporte une explication dans les pages suivantes, mais de mémoire ce dispositif n'a jamais fonctionné de cette manière avec Nick Fury. En outre le lecteur finit par remarquer que Ran Shen est présent sur plus de pages que Bucky Barnes.

De ce point de vue (scénario et dessins tirés vers le bas par 2 ou 3 raccourcis), ce récit se lit rapidement, mais en grinçant des dents à une ou deux reprises. 3 étoiles. Il présente toutefois un autre intérêt qui lui fait gagner une étoile pour ceux qui lisent la série de Captain America de Rick Remender (à commencer par Prisonnier de la dimension Z). En effet ils découvrent avec plaisir l'origine de l'un des nouveaux supercriminels auxquels sera confronté Captain America par la suite. de ce point de vue, ce récit augmente encore la crédibilité de ses motivations (et étoffe l'origine d'Horace Littleton, un deuxième supercriminel). 4 étoiles.

Enfin dans l'interview de fin, Rick Remender évoque d'autres possibilités pour la suite des aventures du Winter Soldier qui ne sont jamais concrétisées. Entre temps, la série suivante de ce personnage a été confiée à Ales Kot, et a pris une autre direction suite à Original Sin.