La nature veut, la propagation des espèces ; elle emploie mille ruses pour atteindre ce but. Une foule d'actes de l'être vivant ne sont pas le résultat d'un calcul d'utilité personnelle. La nature a mis dans l'animal juste ce qu'il faut d'amour maternel pour conserver l'espèce ; elle a mis dans l'humanité juste ce qu'il faut de désintéressement pour maintenir la tradition d'une vie supérieure. L'éphémère vit trois ans à l'état de larve ; sa vie ailée dure un jour, pendant lequel il s'accouple, pond ses œufs et meurt. Aucun instinct n'est sans objet.
Deux choses me paraissent tout à fait certaines, quand je réfléchis sur l'ensemble de l'univers, tellement certaines même, que, si je ne réussis pas à les faire paraître évidentes à toutes les personnes initiées à l'esprit scientifique, cela viendra sûrement de ce que je les exposerai mal. La première, c'est que, en analysant ce qui se passe dans les parties de l'univers ouvertes à nos investigations, nous ne saisissons aucune trace de l'action d'êtres déterminés, supérieurs à l'homme et procédant, comme dit Malebranche, par des volontés particulières.
Les temps sont tristes. Vingt fois par jour nous nous demandons s'il vaut la peine de vivre pour assister à la ruine de tout ce que nous avons aimé. Heureux celui qui croit à une cité de Dieu éternelle, et peut, comme saint Augustin, pendant le siège d'Hippone, mourir consolé ! Voulez-vous que nous confrontions nos idées générales sur Dieu et sur l'univers ? J'estime que ce sont là des sujets sur lesquels il faut revenir tous les dix ans, pour se dresser à soi-même une sorte de bilan des quantités dont on a varié depuis la dernière liquidation.
Je me suis habitué à ne plus m'arrêter à ce doute, qui a jeté tant de philosophes dans une voie sans issue. Comme l'instrument de la raison, manié scientifiquement et appliqué à la façon d'un étalon inflexible de la réalité, n'a jamais conduit à une erreur, il faut en conclure qu'il est bon et qu'on peut s'y fier. Une balance se vérifie par elle-même quand, en variant les pesées, elle donne des résultats constants.
Leçon inaugurale de Manfred Kropp prononcée le 15 novembre 2007.
Manfred Kropp est professeur du Collège de France et titulaire de la Chaire Européenne (1989-2008).
Dans sa leçon inaugurale, prononcée le 15 novembre 2007, Manfred Kropp s'applique à (re)construire les premiers versets de la sourate 85, « le cercle du zodiaque ». Son approche résolument scientifique du texte religieux l'inscrit dans la tradition rationaliste au XIXe siècle par des figures comme celle d'Ernest Renan, professeur du Collège de France de 1862 à 1882.
Une coproduction Collège de France – CNED – Doriane Films
Découvrez la présentation de ses enseignements :
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