La lecture de cet ouvrage est au début très facile puis on est submergé de notes de bas de page se référençant souvent aux évangiles. On est presque obligé, si l'on veut bien rendre compte du travail de Renan, de le paraphraser et de le citer beaucoup.
Gardons à l'esprit ces phrases essentielles qui expliquent beaucoup ce que Renan a - à mon sens – essayé de transmettre à ses lecteurs :
"N'imposons pas nos délicatesses à ceux dont le devoir a été de conduire la pauvre humanité. Entre la vérité générale d'un principe et la vérité d'un petit fait, l'homme de foi n'hésite jamais. "
La
vie de Jésus de Renan est autant une biographie de la personne de Jésus qu'un essai critique sur les évangiles et les évangélistes. Il s'agit moins pour lui de dénigrer des croyances – bien qu'il rompît avec l'église après s'y être engagé – que de reformuler les évangiles et en particulier ce qu'il appelle "le quatrième évangile", celui de Jean plus oeuvre d'écrivain qui brode et invente, à la manière d'un Oriental de son temps.
" On ne voit jamais le fond de la pensée d'un Oriental ; car, souvent, ce fond n'existe pas pour lui-même. La passion, d'une part, la crédulité, de l'autre, font l'imposture. Aussi aucun grand mouvement ne se produit-il en ce pays sans quelque supercherie."
Que ce soit Jésus lui-même ou ses proches, l'auteur le rend plus humain que divin. S'il est divin, c'est dans sa philosophie qui parle à tous. Loin de critiquer Jésus, il prend simplement de la distance entre ce qu'on dit de lui et comment on peut le comprendre dans une perspective historique et notamment dans les miracles qui eurent lieu dans un certain pays dans une certaine époque ;
" Beaucoup de circonstances, d'ailleurs, semblent indiquer que Jésus ne fut thaumaturge que tard et à contrecoeur. Souvent il n'exécute ses miracles qu'après s'être fait prier, avec une sorte de mauvaise humeur et en reprochant à ceux qui les lui demandent la grossièreté de leur esprit."
Sans avoir lu les philosophes grecs ni connaître le bouddhisme, Jésus en possédait les idées sans même le savoir.
S'il fut cru et suivi, c'est d'abord qu'il était hautement charismatique mais aussi parce que le peuple qui le suivait avait grand besoin de croire. Qui plus est, il remettait en cause une certaine idée du judaïsme encroûtée dans la tradition parce que certains personnages de pouvoir voulaient garder leur prérogatives.
" Une sorte de besoin amenait cette théologie, pour corriger l'extrême rigueur du vieux monothéisme, à placer auprès de Dieu un assesseur, auquel le Père éternel est censé déléguer le gouvernement de l'univers."
Il est d'ailleurs significatif que Renan utilise le mot 'secte' à plusieurs reprises et insiste sur le côté crédule du peuple qu'avait favorisé l'oppression romaine :
" On conçoit d'un autre côté, que ces âmes tendres,
trouvant dans leur conversion à la secte un moyen de réhabilitation facile, s'attachaient à lui avec passion."
Même si les évangélistes se trompent souvent, Jésus reste un personnage indépassable, à classer parmi les grands philosophes et penseurs tels Socrate,
Platon,
Aristote mais aussi les fondateurs de religions.
" Jésus reste pour l'humanité un principe inépuisable de renaissances morales. La philosophie ne suffit pas au grand nombre. Il lui faut la sainteté."