Allez, je vous raconte ma vie ! I il y a quoi, deux ans, j'écoute la critique unanime du Masque et la plume chroniquer très positivement - pour ne pas dire plus - trois auteures pour lesquelles j'avais décidé de ne pas avoir de goût, considérant qu'elles relevaient d'un tout-venant respectable, certes, mais pas de mon niveau, forcément plus élevé, forcément mais pas trop quand même car un minimum de lucidité s'impose aux vanités les mieux ancrées...
Les trois auteures, que les nombreux admirateurs et admiratrices m'en excusent ou pas, sont rien moins que :
Amélie Nothomb,
Christine Angot et
Yasmina Reza. J'avais un peu lu des deux premières, non sans parfois un petit plaisir coupable de snobinard pour Nothomb, mais écrasé par la quantité de publications du même genre, et pour Angot, une lecture de L'inceste qui m'avait autant accablé qu'impressionné, me donnant par conséquent peu avant d'y retourner.
Restait la troisième,
Yasmina Reza, et son roman
Serge présenté comme le meilleur à ce jour par le Masque, avec des thèmes et une ambiance "humour juif" qui me promettaient d'apprécier.
Je décidais donc de commencer par
Serge. Mais on m'offrit
Premier sang de Nothomb, et l'ordre de mes lectures s'en trouva chamboulé. de la suite dans les idées, je parvins ensuite après plusieurs mois à surmonter ma réticence à entreprendre le voyage dans l'est de
Christine Angot. Ayant, à ma grande surprise, aimé sans réserve
Premier sang (Cf critique), j'y suis parvenu et ne l'ai pas regretté (idem).
Me voilà donc accélérant le mouvement, achetant et glissant
Serge en bonne place dans ma pile à lire, et je l'ai attaqué plein d'entrain après ma lecture de Mulukuku, quittant l'exotique Amérique latine pour Paris et Auschwitz, en compagnie d'une fratrie juive dysfonctionnelle, les Potter, leurs enfants, compagnes au pluriel et compagnon au singulier.
Yasmina Reza a le sens des dialogues, le sens du
théâtre (elle y a fait ses preuves), des scènes vite plantées où les situations s'enchaînent avec brio. le début est virevoltant, très amusant, et j'étais convaincu de ne faire qu'une bouchée du roman, or j'ai passé plus de temps à lire par ailleurs Rousseau & co par Foessel (Cf citations) et à reparcourir d'anciennes lectures pour me rappeler de grands plaisirs et leur faire écho ici par une critique ou une salve de citations dont j'abuse, si si.
Que s'est-il passé dans le roman de
Yasmina Reza pour que la dynamique initiale s'embourbe ? Précisément il ne s'est rien passé, il ne se passe rien. Très vite tout est dit, les personnages sont sommairement campés et n'évoluent pas. le plus caractérisé, c'est le personnage éponyme, mais non grâce à sa profondeur, simplement parce que son mauvais caractère le fait facilement ressortir du lot et servir le principal ressort du roman : le décalage qui produit un effet "cocasse".
Le coeur du roman, c'est le voyage à Auschwitz, vers lequel on tend puis s'éloigne, sans que ça fasse particulièrement sens, puisqu'il est absurde pour la moitié des participants et traversé pour les autres par un semblant d'émotion sur commande. "Un savoir qui n'est pas intimement relié à soi est vain. (...) Ce fétichisme de la mémoire est un simulacre."
L'auteure a très vite donné le ton. D'abord on s'amuse (sic) du côté grinçant de l'évocation de l'horreur rattrapée par le tourisme et l'hypocrisie de masse.
Yasmina Reza joue habilement des juxtapositions.
SERGE (de sa fille) : "C'est une obsessionnelle. Hier l'académie des sourcils, aujourd'hui l'extermination des juifs."
Mais ensuite, que fait
Yasmina Reza du hiatus ? Nous en restons à l'exposé de la question : "Toutes ces furieuses injonctions de mémoire ne sont-ils pas autant de subterfuges pour lisser l'événement et le ranger en bonne conscience dans l'histoire ?"
J'en viens à me demander si ce n'est pas également un subterfuge pour donner de l'épaisseur à un roman sur une famille juive, où on se dispute mais où finalement, on s'aime, et sur des personnages isolés, perdus dans leur vie. "Les oiseaux ne sont ni agités ni fous. Ils cherchent le meilleur endroit et ne le trouvent pas."
Malgré le sens indéniable de la formule de l'auteure, je me suis ennuyé à ces lieux communs, et j'ai donc raté la passe de trois. Cependant, d'avoir aimé deux sur trois des romans d'auteures que je snobais, je peux raisonnablement tirer la conclusion que j'avais tort - avec néanmoins un tiers qui entretient le doute...
Ouh là, j'ai fait trop long. C'est ce qui arrive quand on raconte sa vie !