Elle entra au café Wepler, place de Clichy, d'un pas assuré pour masquer son trac. Lui aussi peinait à dissimuler le tremblement de ses mains en posant son journal. Il cherchait la petite fille dans cette jeune femme, un geste qui lui rappelât l'enfance. Elle trébucha.
- Tu vois, papa, je ne sais toujours pas marcher avec des talons ! fit-elle dans un sourire.
Lylia s'assit face à lui sans l'embrasser et observa son visage mal rasé, ses cheveux coupés court, son air de vagabond gentleman qu'elle recherchait désespérément chez les hommes. Son regard avait changé, à la fois plus lumineux et moins présent.
- Tu m'en veux toujours ? demanda-t-il après un moment de silence.
- Je devrais ?
- Tu ne dois rien t'imposer, sauf d'être toi-même.
- C'est pour ça que tu as disparu ? Pour être toi-même ?
Il alluma une cigarette qui jeta entre eux un voile de fumée.
- Papa, j'ai besoin de toi. Je crois que tu es le seul à pouvoir comprendre.
- J'ai toujours été le seul.
Elle se détailla devant la glace. Dommage de vivre seule avec un si beau corps, plus élancé, fin et musclé à trente ans qu'il ne l'était à vingt. Sa peau mate, ses grands yeux verts et ses lèvres trop délicates lui donnaient un air grave que démentaient des boucles brunes en bataille. Les hommes la disaient tour à tour garçon manqué, sauvage, sensuelle, femme fatale. Âme androgyne, elle ne se reconnaissait pas dans leur regard.
Soudain, le temps resta en suspens. Il reprenait son souffle avant l’ardeur du jour. Lumières roses, gestes rituels en attente d’un mantra., postures du yoga figées, sadhus en méditation. Un instant de perfection où Bénarès gardait la pose de la grâce. Puis la foule reprit ses cris, la flûte sa musique, le soleil sa course lente. Seuls les sadhus restaient encore immobiles, enveloppés de silence.
Elle s'habilla en s'efforçant de ne pas penser à ce rêve qui revenait chaque nuit depuis deux mois, à ce rendez-vous, à sa vie de funambule. Ses gestes précipités et maladroits la retardaient. En cherchant ses clés dans la cuisine, elle brisa son seul verre en cristal. Elle ramassa rapidement à la main les morceaux étalés sur le carrelage, puis sortit sans se soucier du sang qui perlait au bout de ses doigts.
Encore ce rêve. Lylia ouvrit les fenêtres de sa chambre sur l'aube tardive et laissa le froid mordre sa peau, la réveiller tout à fait
Dans cette interview, Blanche de Richemont nous parle de son nouvel ouvrage "Allez, courage !".
Comment chaque jour garder courage ?
Pour répondre à cette question, Blanche de Richemont est partie à la rencontre d'une ermite, d'un chirurgien, d'un militaire, de personnalités engagées, d'hommes et de femmes anonymes…
Blanche de Richemont, écrivain et philosophe, écrit de nombreux ouvrages inspirés par le voyage, intérieur comme réel… Elle reçoit en 2015 le prix Alef grâce à "Le Souffle" et son "Petit dictionnaire de la joie" donne lieu à de nombreuses conférences et ateliers.
"Allez, courage !" est disponible dès à présent en librairie.
Pour en savoir plus : https://www.lisez.com/livre-grand-format/allez-courage/9782258198111
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