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Catherine Malabou (Autre)
EAN : 9782743656737
128 pages
Payot et Rivages (04/05/2022)
4.09/5   87 notes
Résumé :
La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d'accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent.

Parce qu'elle a ses degrés d'intensité, parce qu'elle a une force symbolique et un pouvoir de transformation sur les êtres et les choses, elle est une puissance.

En écoutant ceux qui viennent me confier leur détresse, je l'ai entendue traverser chaque expérience vécue. En méditant son ra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Chère Anne,
Je voudrais démarrer cette lettre par une citation de Platon : « Il y a une admirable énergie dans l'obstination de la douceur. » Et dans votre magnifique essai, Puissance de la douceur, vous avez introduit votre propos par celle-ci de Marc-Aurèle : « La douceur est invincible ».
J'ai commencé à venir vers vous lorsque vous n'étiez déjà plus là, à quelques jours près. Mais ce n'est pas pour cela. Pour des raisons professionnelles je devais effectuer une recherche sur le thème du risque et ainsi j'ai fait votre connaissance par hasard dans votre très bel essai Éloge du risque.
Puis une amie d'ici, Piatka, je lui en suis reconnaissante, m'a pris la main pour franchir la rive du temps et vous rejoindre de l'autre côté où vous étiez peut-être déjà, découvrir ce roman ultime, Souviens-toi de ton avenir, que vous veniez de transmettre par courriel, à votre éditeur, quelques minutes avant de descendre sur cette plage de Méditerranée d'où vous ne remonteriez jamais plus...
Chère Anne, comment parler de douceur après cela ?
Et pourtant c'est possible et je suis sûr que vous le désirez. Je suis sûr que vous allez m'aider un peu. À votre tour, prenez-moi la main pour éviter que je ne tombe dans les pièges qui m'attendent ici à chaque pas que je franchis : ne pas parler de ma vie, de la douceur que je ressens ou celle qui me manque, tout cela n'intéresse personne et l'autre piège : éviter de vous paraphraser, résumer votre magnifique essai en des phrases picorées pêle-mêle et qui n'auraient plus de sens ôtées de leur contenu et de leur contexte...
Allons-y, je me lance, tant pis si je trébuche, je me relèverai avec douceur...
Déjà ne comptez pas sur moi pour écrire ici des béatitudes dignes d'un livre de développement personnel. Je pense que la douceur est subversive. Voilà, c'est dit. C'est peut-être ce que nous dit Platon, Marc-Aurèle, vous aussi. Quant à nous lecteurs, nous sommes impuissants à trouver les mots qu'il faut pour le dire, alors nous avons recours à des philosophes, des poètes, des auteures comme vous, pour comprendre cette chose insaisissable qu'est la douceur.
La douceur est une forme d'anarchie dans notre monde lisse qui expose l'individuel et la performance comme seuls modèles valables d'existence.
Chère Anne, j'ai aimé votre regard pour chercher et visiter cette douceur à travers les âges, à travers la géographie du monde, à travers les arts. Rien ne vous échappe. Vous nous aidez à venir vers elle, à la déceler là où elle se cache, là où on ne veut pas la voir. On n'ose jamais parler de douceur.
La douceur vient sans doute de l'enfance... Est-ce pour cela qu'elle demeure en nous comme une énigme ?
Tiens, un quiz à l'attention des quelques amis qui lisent cette chronique... Combien de fois avez-vous prononcé le mot douceur aujourd'hui ? Pas facile... Ne vous troublez pas, j'élargis le champ pour vous aider : dans la semaine ? Dans le mois ? Dans l'année ? Mais quoi, ce mot est-il si dangereux, plein de soufre pour qu'on n'ose pas le prononcer au risque de paraître mièvre ou mielleux... ?
Chère Anne, vous voyez, personne ne me répond... Vous aviez raison d'écrire ce livre, remettre ce mot, ce concept, ce sentiment, je ne sais pas comment on peut l'appeler, au cœur de nos vies. Nous en avions tellement besoin.
Pourtant, la douceur est partout, aux abords de nos vies, autour, en dedans, et après... Vous dites là où elle se pose, là où elle se terre. Vous nous aidez à avancer pas à pas, dans les méandres de nos vies tourmentées, soulever une pierre, ouvrir une porte, regarder la personne qu'on aime, soulever ses paupières, fermer les yeux à notre tour et sentir enfin cette douceur attendue au fond de nous prête à venir comme une vague, emplir le réceptacle de notre corps, pour peu que nos cœurs l'entendent venir aussi, ça c'est une autre chose merveilleuse, elle viendra aussi à cet endroit.
La douceur est une gourmandise, un geste sensuel offert à l'autre. Une invitation.
Chère Anne, j'ai aimé quand vous m'avez pris la main pour visiter quelques magnifiques classiques que j'ai appréciés par-dessus tout. L'Homme qui rit, de Victor Hugo. Y-a-t-il de la douceur dans le sourire de Gwinplaine, à jamais figé dans une cicatrice que des hommes lui ont infligés ? L'amour et la fidélité de Gwinplaine et de Déa sont aussi des marques de douceur infinie, parmi la brutalité qu'ils doivent affronter. C'est leur force.
Rimbaud, Baudelaire, Flaubert, Tolstoï, Dostoïevski, on ne soupçonnerait pas trouver de la douceur dans leurs phrases, mais vous, il est vous est arrivé de soulever des pages et des mots et de les faire surgir comme des rais de lumière dans le bruissement des arbres.
La douceur est puissante, alors qu'on la croit molle comme une chique ou simplement délicate comme une caresse, ce qui n'enlève rien ni à la caresse, ni à la délicatesse. Elle peut être violente aussi ou provoquer de la violence. Mais oui...
Comment avez-vous fait pour déloger cette douceur là où on ne la soupçonne pas ? Dans l'exil ? Dans la noirceur du jour, du chemin qu'on attend ? Dans l'aube qui traîne ses ramures... ?
La douceur est de passage.
Chère Anne, si la douceur est de passage, pouvons-nous la retenir encore un peu près de nous ? Saisir sans violence, ou peut-être faut-il le faire avec violence, le geste qui la retiendra encore un peu près de nous. Car la douceur prend soin de nous.
Mais la douceur est un chemin aussi. Un chemin qui part, qui revient.
La dernière page du livre parle de paix, du moins d'une forme de paix, une trêve parmi la guerre. Un témoignage beau qui montre que la douceur est possible dans les moments les plus improbables.
La douceur est beauté.
Chère Anne, je referme votre livre et les mots bruissent encore comme des abeilles autour de la ruche. Le miel viendra après comme une douceur...
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Pas facile de parler de la douceur à notre époque qui fait plutôt l'apologie de la force, du marchandage, du rentable. Où alors, comme le souligne très bien l'auteure, la douceur est instrumentalisée, commercialisée pour finalement être diluée dans la violence du quotidien. La douceur renvoie, à l'enfance, à la régression, au ventre maternel. C'est en philosophe et en psychanalyste que Anne Dufourmantelle nous parle de cette notion galvaudée. Donc ce n'est pas toujours facile à comprendre. Nécessité parfois de relire certains passages, certaines pensées. Et puis, il faut savoir se laisser aller à la poésie des mots, comme on se laisserait aller à une régression assumée. La douceur et envisagée sous différents aspects, à différentes époques. Elle n'a pas représenté la même chose dans l'antiquité grecque ou chinoise. La notion de douceur sera perçue différemment selon notre propre vécu, notre éducation. L'auteure puise aussi largement dans la littérature, notamment russe avec Tolstoï et Dostoïevski, pour en faire surgir des sens différents et élargis.
Comme on le voit, c'est un livre parfois difficile d'accès mais qui propose au lecteur une conscience élargie de soi et du monde, à travers cette notion de "douceur" dont l'humanité, a cruellement besoin de nos jours, que ce soit individuellement ou collectivement.
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Par l'auteur de l'Eloge du risque, un autre aspect de la personnalité à développer selon cette philosophe psychanalyste, la douceur.

Tout aussi intéressant que le premier livre lu. Auteur à découvrir, que je recommande.
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Je suis un inconditionnel. J'ai presque lu l'intégralité des écrits de la psychanalyste philosophe.Le titre m'avait intrigué. Et à la réflexion, je n'aurais pas dû l'être. Quoi de plus pénétrant que la douceur ? Anne Dufourmantelle la présente avec sensibilité, érudition et grand talent littéraire.
Ces textes ciselés modèlent l'amplitude de la douceur, exposent les facettes insoupçonnées d'une qualité boudée par les philosophes. Peut-être parce que la majorité des penseurs ont été des hommes. Pourtant la douceur est à la portée de tous, nichée là où on ne pense pas à regarder. Merci à l'âme défunte de nous avoir doucement ouvert les yeux.
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Ce livre redonne ses lettres de noblesses à la douceur.
Vertue oubliée, voir méprisée par notre société élitiste, obsédée par la performance.

Je conseille cette lecture aux doux bien sûr, aux hypersensibles, aux travailleurs sociaux, à toutes personnes qui s'occupe des autres et qui possède une conscience collective. Il prodigue beaucoup de force en ces temps troublés. L'église ayant perdue de son influence, les valeurs humaines ne sont plus prônées (et même si je suis presque Athée, je dois bien reconnaître que la religion a pu façonner notre esprit vers un mieux pour ce qui est de s'occuper un peu des autres)
De nos jours, le Dieu de la consommation ne faisant pas de publicité pour tout cela: il faut bien que des auteurs comme Anne Dufourmantelle nous incite à nous pencher vers le beau, ou la mise en pratique d'un regard d'acceptation et de bienveillance ... même si une telle disposition d'esprit est difficile à avoir dans le monde que nous vision: la compréhension de la petitesse d'autrui , y compris la sienne propre: aide à l'acceptation et au lâché prise. On ne peut pas tout changer dans ce monde, mais on peut au moins tenter de préserver son âme de la noirceur. Et souhaiter qu'un jour les être humains se tournent un peu plus vers leur être : Sa douceur a tant à nous apprendre.
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critiques presse (2)
LesInrocks
29 juillet 2022
Avec “Puissance de la douceur”, la regrettée autrice a redonné ses lettres de noblesse à ce concept dénigré en philosophie.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Bibliobs
22 juillet 2022
Mais quelle douceur. Ce n’est pas un livre, c’est une caresse. Et moins un essai qu’une manière, sensible, soyeuse, généreuse, d’être au monde. Et d’y demeurer après qu’on a disparu. Et de continuer à le consoler, même quand on l’a quitté.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (79) Voir plus Ajouter une citation
C’est par une nuit froide de décembre. Un maître et son serviteur s’engagent dans une route qui traverse la forêt. La neige commence à tomber, peu à peu elle recouvre tout. Ils parviennent tant bien que mal à mener le traîneau jusqu’à ce que le cheval le verse dans le fossé, et se pétrifie. Le froid les gagne peu à peu. Le maître comprend que c’est perdu. Et un retournement s’effectue en lui. Tolstoï, sans jamais donner une leçon morale ni dramatiser la scène, laisse au contraire ce blanc de la neige envahir et engourdir le récit lui-même jusqu’à cet instant où l’on pourrait dire que la douceur entre dans le cœur du maître. Et on le voit alors venir entourer de son corps et réchauffer de son manteau le serviteur exposé au froid et se laisser mourir à sa place. C’est au lieu même du pouvoir que la douceur opère. Elle vient se poser dans les interstices de la cruauté en la retournant comme un gant. Elle est précisément à l’endroit le moins attendu. En ce sens la douceur est christique si l’on accepte de voir dans le Christ la figure de celui qui retourne tous les attributs de pouvoir en servitude consentie, par exemple lorsqu’il lave les pieds des disciples, geste infiniment humain commencé là où il n’y a plus d’explication ni de justification possible. Dans le traîneau, il n’est plus question de mansuétude, de patience ou de justice. Pas d’autres témoins que les loups au loin, le froid, la neige et la nuit. Rien ne se saura du combat spirituel ou de la reddition.

« Maître et serviteur » de Tolstoï, p. 91
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La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d’accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu’elle a des degrés d’intensité, qu’elle est une force symbolique et qu’elle a un pouvoir de transformation sur les choses et les êtres, elle est une puissance.

*

Du prince Mychkine aux vagabonds de Hamsun, ceux qu’on a appelés les innocents ne se savent pas porteurs d’une douceur qui les voue à l’errance et à la solitude. Sa contiguïté avec la bonté et la beauté la rend dangereuse pour une société qui n’est jamais autant menacée que par le rapport d’un être à l’absolu.

*

De nos jours, la douceur nous est vendue sous sa forme frelatée de mièvrerie. En l’exaltant dans l’infantile, l’époque la dénie.

*

Si l’amour et la joie ont des affinités essentielles avec la douceur, est-ce parce que l’enfance en détient l’énigme ? Car la douceur a, avec l’enfance, une communauté de nature mais aussi de puissance.

*

La douceur vient avec la possibilité de la vie, avec l’enveloppe utérine qui filtre émotions, sons et pensées, avec l’eau amniotique […] Sans la douceur de ce toucher originel nous ne serions pas au monde. Sans doute dort-il dans chacune de nos cellules, nous invitant au retour impossible à ce monde perdu qui fut, bien avant les bras maternels, un bercement.
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La douceur a fait pacte avec la vérité ; elle est une éthique redoutable.
Elle ne peut se trahir, sauf à être falsifiée. La menace de mort même ne peut la contrer.

La douceur est politique. Elle ne plie pas, n'accorde aucun délai, aucune excuse. Elle est un verbe : on fait acte de douceur. Elle s'accorde au présent et inquiète toutes les possibilités de l'humain.

De l'animalité, elle garde l'instinct, de l'enfance l'énigme, de la prière l'apaisement, de la nature, l'imprévisibilité, de la lumière, la lumière.
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La douceur suffit-elle à guérir ? Elle ne se munit d’aucun pouvoir, d’aucun savoir. L’appréhension de la vulnérabilité d’autrui ne peut se passer pour un sujet de la reconnaissance de sa propre fragilité. Cette acceptation est une force, elle fait de la douceur un degré plus haut, dans la compassion, que le simple soin. Compatir, « souffrir avec », c’est éprouver avec l’autre ce qu’il éprouve, sans y céder.
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Origines
     
… la douceur évoque un paradis perdu. Un avant originel qui serait une aube...
     
La douceur vient aussi après la séparation, la déchirure de la respiration, après la faim, après l’angoisse, après le cri.
     
Bouleversante, pacificatrice, dangereuse, elle apparaît au bord. De l’autre côté, une fois franchi le seuil. Du vide, du plein, du ciel, de la terre, elle fait effraction entre les signes, entre la vie et la mort, entre l’origine et la fin. […] Elle est frontalière puisqu’elle offre elle-même un passage. Se diffusant, elle altère. Se prodiguant, elle métamorphose. Elle ouvre dans le temps une qualité de présence au monde sensible.
     
La douceur invente un présent élargi.
     
pp. 20-21
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Videos de Anne Dufourmantelle (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne Dufourmantelle
#JournéeDeLaPhilo2020 #Philosophie #LesRencontresPhilosophiquesdeMonaco #Philomonaco
Philosopher ensemble !
#Trailer de présentation des Rencontres Philosophiques de Monaco
Avec la participation de: Alain Fleischer, Anastasia Colosimo, Anne Dufourmantelle, Avital Ronell, Barbara Cassin, Bernard Harcourt, Bernard Stiegler, Boris Cyrulnik, Bruno Karsenti, Camille Riquier, Catherine Chalier, Catherine Millet, Charlotte Casiraghi, Christian Godin, Claire Chazal, Claire Marin, Claude Hagège, Cynthia Fleury , Davide Cerrato, Denis Kambouchner, Dominique Bourg, Donatien Grau, Edwige Chirouter, Elisabeth Quin, Emanuele Coccia, Éric Fiat, Étienne Bimbenet, Fabienne Brugère, François Dosse, Frédéric Gros, Frédéric Worms, Gary Gillet, Geneviève Delaisi de Parseval, Geneviève Fraisse, Georges Didi-Huberman, Georges Vigarello, Géraldine Muhlmann, Gérard Bensussan, Hakima Aït El Cadi, Jean-Luc Marion, Jean-Pierre Ganascia, Joseph Cohen , Judith Revel, Julia Kristeva, Laura Hugo, Laurence Devillairs, Laurent Joffrin, Luc Dardenne, Marc Crépon, Marie Garrau, Marie-Aude Baronian, Mark Alizart, Markus Gabriel, Marlène Zarader, Martine Brousse, Corine Pelluchon, Maurizio Ferraris, Mazarine Pingeot, Michael Foessel, Miguel de Beistegui, Monique Canto-Sperber, Nicolas Grimaldi, Olivier Mongin, Paul Audi, Perrine Simon-Nahum, Peter Szendy, Philippe Grosos, Pierre Guenancia, Pierre Macherey, Raphael Zagury-Orly, Renaud
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