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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je m'étais juré de ne pas écrire la moindre critique sur Rimbaud, mais le billet de Nastasia me fait revenir sur ma décision. J'ai ajouté des commentaires, peut-être trop et je m'en excuse, mais sans révéler la vérité vraie : comment serait-ce possible ? Il faudrait aller trop loin en Rimbaldie pour me faire comprendre, et faire comprendre les secrets que partagent les rimbaldiens.
Accéder à Rimbaud est une initiation, un voyage de toute une vie. On le commence tôt. L'adolescente littéraire est attirée par le parfum de liberté et de rébellion qui se dégage du magnifique visage immortalisé par Carjat. Puis on grandit, on relit, on étudie, on entre dans un immense univers aux couleurs bleu, vert et or, et feu et noir de l'enfer. On entend une voix, de plus en plus reconnaissable entre toutes, une voix nue et unique. Un être se matérialise, d'une présence quasi hallucinatoire. Un grand maître, un génie dont la parole se répand jusqu'aux confins de l'esprit. Rimbaud n'est pas un auteur comme les autres, c'est un compagnon de route, un ami, un confident, un amant. Il vous soutient dans les moments de souffrance, sa voix est là, à votre oreille, murmure ou cri, pour aller à l'essentiel. Il a fait toutes les expériences, il a connu toute la douleur du monde, il a cherché une langue universelle pour que l'humanité partage son cri et son murmure. Il a compris, à seize ans, l'enfermement des esprits dans la norme, la religion, la morale. Il a compris que les mots étaient les geôliers et que, pour être libre, il fallait détruire les anciens pour en réinventer de nouveaux. Il a voulu aller au-delà des perceptions normées, libérer les sens et les corps, pour concevoir un monde plus vaste, un univers immense à la mesure des possibilités de l'intelligence humaine. Il a cru avoir échoué : c'est une Saison en Enfer. En réalité, il a réussi. Ce sont les Illuminations, cette éblouissante série de visions dont le but est de faire emprunter à l'esprit des chemins de traverse, vers un horizon infini. Il faut plonger dans l'inconcevable mélange des couleurs et des sensations, des idées folles et révoltées, comme dans un bain purificateur, pour décrasser son cerveau de la grammaire habituelle du langage et du sens ordinaire des mots. C'est l'accomplissement du projet de voyance et de l'alchimie du verbe élaboré antérieurement. Dans les Illuminations, la voix de Rimbaud est la plus pure, d'une beauté surnaturelle, et elle résonne et elle danse dans mon esprit comme un autre moi-même, plus intelligente, plus lucide et plus libre.
Comment un tel miracle est-il possible ? Rimbaud est extrêmement jeune, il est extrême en tous points. Il y a cru. Il a cru qu'il changerait la vie et que le monde s'éveillerait au son de sa voix, et il a tout donné, sa santé physique, mentale. Lui, l'exceptionnel élève du lycée de Charleville, il a sacrifié son avenir, toutes ses chances d'une vie normale, d'une brillante réussite, pour son ambition poétique, métaphysique. Et il a déchanté. le monde ne s'est pas incliné devant son pouvoir et sa sagesse. le monde est indécrottable. Rimbaud a tout laissé tomber et il est parti, définitivement.
Enfin presque. Car voilà le grand secret du génie de Rimbaud. Pour nous, les rimbaldiens, Rimbaud est vivant. Comme je l'ai dit, il a tout sacrifié, et cette voix totalement authentique, sincère, libre, sans aucune possibilité de compromis ou de retraite, sans filet, sans issue, est une voix unique en littérature, douée du pouvoir d'être plus vivante qu'aucune autre-pour ceux qui parviennent à l'entendre. Ils sont assez nombreux, les rimbaldiens. Certains sont de célèbres auteurs constamment hantés (Verlaine, Claudel, les surréalistes), d'autres n'ont rien écrit mais connaissent parfaitement sa voix. Je peux placer ici cette magnifique phrase d'Yves Bonnefoy, dans son essai sur Rimbaud, et qui résume parfaitement le sentiment du rimbaldien : " c'est même lui, ce génie violent, insensé, qui pour beaucoup de ceux qui l'approchent est debout devant eux et parle."
Tel est le secret de la poésie rimbaldienne : c'est qu'elle est Rimbaud lui-même. Et nous l'aimons, lui, comme s'il était présent avec nous. Je n'éprouve cela pour aucun autre auteur.
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Les illuminations

Les Illuminations sont devenues au fil du temps mon oeuvre préférée de Rimbaud et sans nul doute, de toute la poésie.

Et pourtant, quand j'étais adolescent ce sont, comme pour beaucoup, je crois, les premiers poèmes pleins de cette extraordinaire fraicheur juvénile : Sensation, Première soirée, Roman, Ma bohème, Au Cabaret Vert, ...et les saisissants Ophélie, le Dormeur du Val, qui m'ont d'abord attiré. Puis ce fut la révélation de ce texte halluciné et plein de feu qu'est Une Saison en Enfer.

Le recueil Les illuminations me paraissait alors plus difficile, plus obscur, sauf quelques poèmes comme le merveilleux texte Aube.
Mais, avec le temps, j'ai apprivoisé ce monde magique et ses énigmes. Maintenant, il m'accompagne quasi quotidiennement. Et donc, chère lectrice ou lecteur de ma petite critique, si tu n'as pas lu ce recueil, ou si tu as été rebuté par une première lecture, mon but est de te dire: il faut que tu t'accroches, une merveille t'attend, mais elle se mérite.

Dans ce cheminement vers la beauté, la lecture des ouvrages de références, ceux de Bruno Claisse, Pierre Brunel, Antoine Fongaro, Michel Murat, celle du site internet remarquable d'Alain Bardel, m'ont beaucoup aidé et accompagné.
Mais c'est surtout la mémorisation de la quasi totalité de ces poèmes, appris par coeur un par un, et leur déclamation à haute voix, qui m'a fait saisir le miracle de leur construction, pour certains, leur puissance évocatrice, et pour d'autres leur profondeur philosophique.

Apprendre un poème des Illuminations et le déclamer, c'est gravir progressivement une montagne. Au début du chemin, vous n'êtes qu'enfermé entre quelques arbres, et puis bientôt voilà que des petites rivières, des prairies semées d'animaux, des villages s'offrent à votre vue, Et puis, chemin faisant, de plus en plus de beaux points de vue apparaissent. Et enfin, arrivé au sommet, c'est un immense paysage avec son infinité de beautés que vous contemplez, et vous ne vous lassez pas de toutes ces vues.
Et chaque fois que vous récitez ce poème, ces vues changeront selon votre humeur et le temps qui aura passé. Et vous pourrez dire comme ce cher Arthur : « Je sais aujourd'hui saluer la beauté. »

Quelle étrange histoire que celle de ce recueil. En 1875, Rimbaud remet à Verlaine un ensemble de feuilles numérotées de 1 à 24, et quelques unes non paginées. Puis, bien plus tard, en 1895, on retrouvera 5 autres poèmes. En 1886, c'est à l'initiative de Verlaine que sont publiés, avec les dernières oeuvres en vers du poète, 41 des 48 poèmes, avec un titre donné par Verlaine, et un sous-titre « Painted Plates »(Gravures Colorées). On ne sait pas si c'était l'idée du titre était de Rimbaud, celui-ci s'étant volontairement retiré de l'activité poétique depuis 1875. D'ailleurs, les poèmes furent publiés sans lui avoir demandé son avis!

Une des grandes originalités de l'écriture poétique des Illuminations, si elle est comparée aux Poèmes en Prose du Maître Baudelaire, c'est la grande diversité des formes employées, et la construction résolument « moderne », fondatrice de ce que sera la poésie du 20ème siècle. Alors que chez Baudelaire, c'est le récit poétique qui prédomine largement, Rimbaud va déployer de multiples formes : le récit en prose de Vagabonds, Ouvriers, tous ceux des Villes, par exemple, la description poétique de Ponts, Fleurs, Mystique, Ornières, mais surtout les poèmes alinéaires, avec des reprises et des parallélismes, comme Métropolitain, Barbare, Conte, Génie, Soir historique, Nocturne, Aube etc.., ceux utilisant systématiquement l'anaphore comme Dévotion, Enfance III et IV, Solde,…aussi des ruptures du discours, utilisant l'asyndète, dont Angoisse est le plus bel exemple.
Et enfin, le vers libre dont Rimbaud est le créateur, dans les deux poèmes Marine et Mouvement.

Il y a aussi chez Rimbaud, des essais formels très remarquables tel celui de créer des poèmes très courts, dans le merveilleux Phrases, comme celui-ci, « J'ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse » avec une scansion extraordinaire et surtout les deux derniers mots lancés comme un cri. Un poème magnifiquement mis en musique par Britten, et les deux derniers mots chantés dans un suraigu vertigineux.
Une autre caractéristique de ces poèmes, c'est leur variations de rythme, tantôt doux et calme comme dans Antique, Fleurs, Les Ponts, Mystique, tantôt et c'est très souvent le cas, leur rythme ardent, énergique, quasi explosif, impérieux, impulsif, leur caractère scandé, si caractéristique du tempérament de Rimbaud, et souligné par Aragon, Char, Eluard, Valéry et tant d'autres.
Et puis il y a leur musicalité que l'on apprécie en déclamant à haute voix, dont un exemple emblématique est le poème Antique et ses incroyables sonorités, allitérations, mais on retrouve cela dans bien d'autres… .

Mais surtout, il faut le dire haut et fort, Rimbaud forge ici de la façon la plus complète et la plus aboutie ce nouveau langage poétique qu'il théorisait déjà alors qu'il avait à peine 17 ans dans sa célèbre lettre à Paul Demeny.
C'est-à-dire une poétique dans lequel le langage ne soit pas un langage de communication, mais soit centré sur le message esthétique, joue sur son propre code, en quelque sorte soit à l'état pur la 6ème fonction du langage de Jakobson, la fonction poétique.
Cette approche qui diffère complètement de l'approche des poètes romantiques ou parnassiens, est celle que l'on trouve chez Lautréamont, Mallarmé, et presque tous les poètes du 20 ème siècle.
Cela implique que le sens ne s'offre pas de façon immédiate, mais que les mots soient employés pour les sons qu'ils provoquent, les images qu'ils évoquent, leurs correspondances, leurs multiple sens etc..
Et donc, bien entendu, ce n'est pas accessible au lecteur ou à la lectrice distrait(e), ou à ceux qui recherchent les mots doux, les belles images,.
Mais cependant, chez Rimbaud, à la différence de Mallarmé, et c'est en quelque sorte pour lui une contradiction insoluble, une impasse, cet hermétisme du langage va de pair avec une volonté de changer la vie, une lutte contre le conformisme, qui transparait, pour peu que l'on prenne le temps de bien les lire, dans de nombreux poèmes : Après le Déluge, Départ, Génie, Barbare, Soir historique, pour n'en citer que quelque uns.

Classer ces poèmes et dégager une structure à ce recueil n'est pas simple.

Les plus simples à définir sont :
- d'une part les merveilleuses descriptions quasi picturales, impressionnistes, qui méritent le qualificatif de « painted plates » donné par Verlaine : le merveilleux poème Les Ponts, un paysage où Rimbaud va glisser des connotations colorées et musicales, les poèmes Fleurs, Mystique, Marine, Ornières
- d'autre part les récits à connotation autobiographique plus ou moins explicite, dont les poèmes d'Enfance, Vagabonds, Ouvriers, Vies, le magnifique Départ, qui donne en quelques phrases cet impérieux appel vers l'aventure, Angoisse, encore un superbe poème, cette fois de la lutte contre « cette chienne de vie », et aussi certains avec une signification érotique cryptée tels Bottom, Dévotion.

Pour le reste, je tente ici un classement personnel, bien critiquable sans doute.

D'abord les poèmes dans lesquels Rimbaud évoque à nouveau son projet poétique et sa recherche de l'absolu, certains désabusés, avouant l'échec de l'entreprise, tels Conte, poème d'une incroyable beauté formelle, et rempli d'un jeu d'oxymores, et sur le temps des verbes absolument époustouflant, ou le magnifique Solde, qui est considéré actuellement comme le dernier du recueil. Mais il y en a toujours d'autres proposant à nouveau le but « prométhéen », tels Soir Historique ou Jeunesse. Chez Rimbaud, cet impulsif toujours en mouvement, on trouve, depuis le Bateau Ivre, la volonté impérieuse d'aller vers le large, et le retour désabusé au port.

Il y a ceux d''orientation philosophique, ou politique, celui qui est le prologue du recueil : , Après le déluge, qui évoque l'échec de la Commune mais l'espoir d‘un printemps, révolutionnaire, et un des derniers, Génie qui célèbre le génie de l'humanité débarrassée des vieilles croyances. Mais ce sont aussi tous les textes très critiques de la modernité, la fièvre des explorations dans Mouvement, et tous ces poèmes qui mettent en avant la misère des villes. (Ville, Villes, Métropolitain).

Enfin, et ce sont peut-être les plus beaux, les poèmes oniriques voire apocalyptiques : le célébrissime Aube, Antique, avec sa fin à la signification érotique, Being Beautous, dont le sens érotique n'échappe pas non plus à un lecteur un peu attentif, aussi Nocturne Vulgaire, Matinée d'ivresse, et enfin, Barbare, pour moi le plus beau par sa construction et sa puissance évocatrice.

En conclusion, ce (trop) long commentaire n'atteindra sans doute pas son but, mais tant pis, j'aurais essayé.
Chère lectrice, cher lecteur, retenez au moins cette invite du grand poète Yves Bonnefoy : « il faut absolument lire Arthur Rimbaud », et j'espère que vous y trouverez, comme moi, grâce à lui, un émerveillement de chaque jour.
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Que ce soit pour ce recueil comme pour l'ensemble de son oeuvre, que dire sur Rimbaud ? Que dire de cette vie qui semble flamber sans retour... Toutes les études, les livres, les thèses et autres pourront-ils un jour l'approcher au plus près de l'homme, du poète, de l'écrivain, du fantasme qu'il représenta et représente sûrement encore pour certains...
René Char a écrit un très beau texte sur lui. le voici :
"Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !
Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi."
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L'homme -aux -semelles -de -vent a aussi joué avec le feu: ces "Illuminations" ces painted plates-enluminures- sont aussi des incendies de l'esprit, où le réel déformé par un "intense et raisonné dérèglement de tous les sens" s'ouvre brusquement sur une vision brève, fulgurante, unique qui bientôt s'évanouit.

La prose poétique ne la décrit pas: les illuminations ne sont pas des poèmes parnassiens. Ce sont des expériences, totales, fougueuses, des aventures où à chaque fois on risque sa peau: folie, brûlure, secousse, dégoût, vertige..

On ne se lasse pas de les lire, de les vivre par procuration. Comme le poète-enfant avec l'aube sentait "un peu son immense corps" et l'étreignait avant de sombrer dans un sommeil brutal de bête assouvie.

Les Illuminations de Rimbaud m'ont toujours donné envie de les prolonger: en peignant, en chantant, en marchant...Elles communiquent une énergie magique, on s'imprègne de leur mystère sans jamais le comprendre tout à fait, mais on en sort toujours plus fougueux, plus fertile, plus affamé

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Génie
Il est possible que les Illuminations aient été écrites – ou du moins recopiées - après Une saison en enfer, et la tradition fait de Génie le dernier poème des Illuminations. A ma dernière lecture, j'abordais Génie avec le respect dû à un testament, embarrassé pourtant par son obscurité. Les exégètes discutent encore de la chronologie, mais pas de l'importance de l'oeuvre. Je la reprends avec la conviction que l'obscurité en poésie ouvre au lecteur une liberté, une possibilité de partage, une invitation à s'approprier la pensée derrière la forme et les images.

Le premier mot du poème est « Il » (Il est l'affection et le présent puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été). Ce pronom revient neuf fois. Qui ?

« Il », dans une première lecture - sans doute la lecture candide et partisane d'Isabelle - évoque un messie, mais cette incarnation est vite désavouée : L'Adoration s'en va […]. Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces âges […] il ne redescendra pas d'un ciel, il n'accomplira pas la rédemption […]. « Il » ignore le passé : Il est l'affection et le présent […] Il est l'affection et l'avenir.

Je crois maintenant que les tous derniers mots de Génie (ses vues, ses souffles, son corps, son jour) dévoilent cet « il » en résumant les six strophes précédentes :
Ô ses souffles, ses têtes, ses courses ; la terrible célérité de la perfection des formes et de l'action.
Ô fécondité de l'esprit et immensité de l'univers.
Son corps ! le dégagement rêvé, le brisement de la grâce croisée de violence nouvelle !
Sa vue, sa vue ! tous les agenouillages anciens et les peines relevées à sa suite.
Son jour ! l'abolition de toutes souffrances sonores et mouvantes dans la musique plus intense.
Son pas ! les migrations plus énormes que les anciennes invasions. Ô lui et nous ! l'orgueil plus bienveillant que les charités perdues. Ô monde ! et le chant clair des malheurs nouveaux !

On y trouve une série d'interjections de densité croissante :
Ô ses souffles, ses têtes, ses courses ; la terrible célérité de la perfection des formes et de l'action.
Ô fécondité de l'esprit et immensité de l'univers.
Ô lui et nous !
Ô monde !

L'indication – au moins ma postulation - devient claire. « Il » est un principe d'action, corporel et mental, présent au monde. Comme dans la Saison (Enfin, ô bonheur, ô raison, j'écartai du ciel l'azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d'or de la lumière nature), « Il » est l'un, son orgueil de vivre, son désir de connaître, sa volonté créatrice, sa participation au dieu-nature.
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Si "Une Saison en enfer" se veut un recueil du retour au réel, en écartant tout ce qui peut nous tromper et nous mentir comme la poésie tant vantée par l'académisme bourgeois par exemple, les "Illuminations" donnent place au contraire à l'imaginaire.
Comme Jean-Luc Steinmetz l'explique dans, une fois encore, son éclairante préface, l'imaginaire se construit sur des effets visuels, à la manière des lanternes magiques, jouets à la mode au XIXe siècle qui projetaient sur une toile le motif de plaques coloriées. C'est donc ici l'écriture qui assure le rôle de projecteur de la lumière, créant des visions, des jeux d'ombres et de clartés, de symétries et de désaxements. Tout cela au service d'instants de purs éblouissements, comme lorsqu'un jet de lumière vient soudainement ouvrir notre champ visuel dans la nuit du réel, pour aussitôt nous rendre à l'obscurité, mais avec dans notre esprit l'image révélée qui pourra alors accomplir un long travail mental capable de transformer notre rapport au monde.
On comprend alors pourquoi la poésie de Rimbaud a cette force de la nécessité.
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Difficile d'évoquer ce livre, "peut-être au-delà de la littérature", comme disait un homme connu pour ses silences davantage que pour ses livres, sans faire une genuflexion, tant Rimbaud a servi d'effigie publicitaire à la jeunesse, à l'école, à Mitterand, Balladur et, qui sait ?, un jour à Melenchon. C'est pourtant d'abord un chef-d'oeuvre. Autrement dit, un livre qu'il est dérisoire de prétendre parler. Il faut surtout le vivre.
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