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EAN : 9782874951565
192 pages
André Versaille éditeur (14/09/2011)
3.21/5   7 notes
Résumé :
L'histoire de la France coloniale, dont les territoires éparpillés sur quatre continents faisaient rêver les écoliers de la IIIe République, est loin d'être close. Mémoires et groupes de pression s'activent pour en tirer les leçons qui leur conviennent. Les politiques s'en mêlent a coups de "lois mémorielles" . Mais que faut-il entendre exactement par "colonies" et "colonisation" ? Faire le bilan de ce "passe qui ne passe pas" ne peut consister a refaire le procès d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les 15 chapitres de cet ouvrage sont en fait des articles publiés par l'auteur entre 1984 et 2006, livre édité en 2011 et remanié pour cette édition de 2019. Ce parti pris a un avantage : de courts chapitres qui peuvent être lus séparément ou avec un certain laps de temps entre eux. Personnellement, cela me gêne un peu car cette façon de faire entraîne un certain nombre de répétitions et le fil conducteur choisi par Jean-Pierre Rioux pour assembler ses articles afin qu'ils forment une logique cohérente me paraît trop artificiel.
Ceci dit, ce livre a largement répondu à mes attentes sur un plan scientifique. La colonisation est un fait auquel je m'intéresse depuis peu et les références et la bibliographie citées par l'auteur à chaque chapitre constituent une mine d'or pour les curieux de la période.
Grossièrement, on pourrait découper le livre en 4 parties :
- Les chapitres 1 à 4 : Les conquêtes
- Les chapitres 5 et 6 : La colonisation dans la culture française
- Les chapitres 7 à 9 : les décolonisations
- Les chapitres 10 à 14 : l'Algérie
Parmi les idées directrices développées au fil des chapitres, l'auteur évoque le manque de vision d'ensemble de la colonisation française et les conquêtes dont les conquérants mettaient la métropole devant le fait accompli, que ce soit en Algérie - « le péché originel de la colonisation de l'Algérie par la France : n'avoir pas su, au fond, ce qu'elle venait faire en débarquant à Sidi Ferruch en 1830, sauf à s'autoproclamer « civilisatrice ». » - ou en Indochine.
Les Français de métropole sont globalement assez indifférents à tout cela : il s'agit plus d'une histoire de militaires qu'une histoire populaire. Ce manque d'intérêt des Français de métropole pour l'histoire coloniale traverse les XIX° et XX° siècles. L'auteur évoque les manuels scolaires où le fait colonial était exalté mais il y oppose ce qui était réellement enseigné dans les écoles : ce n'est pas parce qu'un manuel exalte la colonisation qu'un instituteur, souvent de gauche à cette époque, allait le faire devant ses élèves. Même les expositions coloniales du XX° siècle, une fois passée la curiosité pour l'exotisme de l'Empire français, ne suscitent pas l'enthousiasme des foules.
Les politiques, eux, veulent voir dans l'aventure coloniale un moyen de redorer le blason du régime : avec la prise d'Alger en 1930 pour la Restauration, ou la conquête de l'Afrique après la défaite de Sedan en 1870… jusqu'à celle de Fachoda en 1898, ‘Sedan colonial' d'après Lyautey. J'ai surtout eu l'impression que la France voulait faire comme le Royaume-Uni, sans avoir son rapport à l'outre-mer.
Un de mes regrets concernant cet ouvrage est la façon trop rapide dont est évoquée la société coloniale. Seule celle concernant l'Algérie est développée. Néanmoins, comme je l'ai déjà dit, l'auteur permet de pallier ce manque grâce à de nombreuses références bibliographiques.
Du fait de la réduction de l'aventure coloniale à une vision purement francocentrée -ou à la rigueur européanocentrée-, l'auteur dénonce un anticolonialisme tout aussi tiède en métropole. Assez vite, même les politiques les moins convaincus par l'idéal de colonisation comme Clemenceau laisseront faire, une fois au pouvoir : « la France vaincue de 1870 pourrait, pensait-on, reconstituer ses forces physiques et morales au-delà des mers, y trouver un jour le secours des vaillants soldats colorés qui l'aideront à vaincre l'Allemagne, y affermir sa voix dans le concert des nations. ». Et ce, d'autant plus que la colonisation n'est pas rentable : c'est un gouffre financier pour le pays. Mais l'intérêt hexagonal l'emporte : l'idée de sauver la France grâce à ses colonies, idée reprise et scandée dans l'appel du 18 juin par un grand décolonisateur, De Gaulle.
L'Indochine et l'Algérie font éclater l'Etat lui-même ; le désastre de Diên Biên Phù a entraîné une rancoeur chez les soldats français car la population française ne s'intéressait pas à ce qui se passait à 12 000 km de la France : « la France coloniale a perdu à Diên Biên Phù l'espoir de conserver une armée disposée à subir plus avant l'indécision chronique des civils. ». Ce désamour entre civils et armée française atteint son apogée avec la guerre d'Algérie. La dénonciation de la torture, policière avant la guerre, militaire pendant n'émeut pas autant les Français que le recours aux appelés.
Enfin, Jean-Pierre Rioux appelle à un meilleur enseignement de cette histoire qui résonne terriblement aujourd'hui. Je souscris totalement à cela : mais comment faire vu le peu d'heures d'enseignement dévolues à cette matière ? Contrairement à ce qui a été affirmé suite à l'horrible assassinat de Samuel Paty, les collégiens français n'ont pas 3 heures d'enseignement d'histoire par semaine mais 3 heures d'enseignement d'histoire, de géographie et d'enseignement moral et civique. Comment faire entrer cette histoire dans tout ce qu'il y a à enseigner ? Les professeurs actuels sont dans la même situation que les instituteurs de la III° République qui enseignaient assez peu la colonisation par manque de temps.
Livre lu dans le cadre de l'opération Masse critique du 3 février 2021. Merci à Babelio et aux éditions Archidoc de m'avoir procuré cet ouvrage qui est une très bonne introduction aux thématiques de ce pan de l'histoire de France.
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Même si sa renommée médiatique n'égale pas celle d'un René Rémond ou d'un Michel Winock, Jean-Pierre Rioux fait partie des historiens contemporains les plus influents. Il a exercé des fonctions d'autorité à Sciences Po Paris, à l'Institut d'histoire du temps présent, à l'Inspection générale de l'Education nationale. Ses manuels sur la IVème République ou l'histoire culturelle de la France sont un passage obligé du cursus d'une khâgne. Il consacra de nombreux livres et articles au fait colonial, au premier rang desquels un impressionnant Dictionnaire de la France coloniale (Flammarion, 2007) qui fait autorité.
La quinzaine d'articles regroupés dans son dernier ouvrage brosse un panorama rapide mais complet de la France coloniale, depuis Ferry jusqu'à De Gaulle. Au risque de quelques redites, Jean-Pierre Rioux consacre de longs développements à la guerre d'Algérie. Manifestement, l'usage de la torture questionne non seulement l'historien mais aussi l'homme « qui eut vingt ans dans les Aurès » (p. 7) : ce n'est pas un hasard s'il préfaça la réédition du témoignage choc de Henri Alleg (La question, Minuit, 1958).
Comme l'annonce le titre de ce recueil, Jean-Pierre Rioux n'entend faire ni le procès ni l'éloge du colonialisme. On peut être frustré par ce refus de s'engager dans la polémique ouverte par le vote hasardeux de la loi du 23 février 1905 sur l'opportunité de valoriser les « aspects positifs de la colonisation ». On peut au contraire saluer la pondération de Jean-pierre Rioux qui, jusque dans ses engagements militants les plus récents (il a rejoint les rangs du MODEM), a toujours entendu défendre une approche équilibrée.

Ce qui frappe surtout, ce qui revient d'article en article, au risque parfois de délégitimer l'entreprise intellectuelle de construction d'une « France coloniale », c'est l'affirmation paradoxale de son périphérisme. le constat a déjà été fait de l'absence de politique coloniale organisée et planifiée : elle resta « un mélange de coups de têtes et de coups fourrés, de pressions discrètes et d'immobilisme » (p. 15). Relativisant l'étude pourtant lumineuse de Raoul Girardet (L'idée coloniale en France, La table ronde, 1972), Jean-Pierre Rioux insiste sur « l'indifférence bienveillante » (l'expression est de Gaston Doumergue) dans laquelle l'aventure coloniale a été menée. La colonisation n'a jamais enthousiasmé les foules sauf peut-être à l'occasion de l'Exposition coloniale de 1931. La guerre d'Indochine ? la France la subit plus qu'elle ne l'a vécu selon le mot du général Catroux. La guerre d'Algérie ? les Français s'y sont montrés hostiles dès que sa violence a menacé de s'exporter en métropole. Quant à l'anticolonialisme, il resta l'apanage de quelques communistes. Cela explique que, sauf en 1958, l'histoire de l'outre-mer ne joua aucun rôle dans l'histoire de France.
Jean-Pierre Rioux a raison d'affirmer que la colonisation à la française ne fut jamais vécue pour elle-même, en fonction du rapport à l'Autre. Les raisons de cet échec sont doubles. D'une part la vocation universaliste du colonisateur français (clamée haut et fort par Jules Ferry dans son célèbre discours du 28 juillet 1885) a « dénié la singularité du colonisé et nié la violence de sa mise sous tutelle » (p. 159). D'autre part – et c'est là un point capital largement sous-estimé – le francocentrisme de la colonisation l'a réduite au surplus de puissance qu'elle pouvait amener à la métropole : les « tâches roses du planisphère » ne furent jamais à tout prendre que le « prolongement ultramarin d'une vocation du pré carré défendu pour nourrir à jamais la puissance et la gloire historique » (p. 160).
Cette marginalisation du fait colonial ne peut être refoulée plus longtemps. Si la grande masse des Français de métropole – qui approuvèrent par référendum à plus de 90 % les accords d'Evian – tournèrent « sans perplexité particulière et assez cyniquement » (p. 170) la page algérienne, l'absence de mémoire nationale de la guerre d'Algérie n'est plus tenable dès lors que « dix millions de personnes en France métropolitaine aujourd'hui entretiennent un rapport d'intensité inégale mais en prise directe avec cette guerre et ce pays » (p. 169).
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Jean-Pierre Rioux nous fait découvrir le processus de colonisation et de décolonisation des territoires français aux quatre coins du monde. Des personnages politiques tel que Jules Ferry, connu pour ses lois en faveur de l'éducation, a été un fervent défenseur de la colonisation dont l'un des principes fondamentaux était sa mission civilisatrice ; il oeuvre au sein du gouvernement autour d'autres personnalités politiques qui forment en quelque sorte "un parti colonial". Et puis, à Paris comme à Marseille se tiendront des Expositions Universelles qui montreront, à travers les femmes et hommes peuplant ces contrées, leurs cultures, leurs manières de vivre, l'architecture..., les aspects "présentables" aux Français de métropole. Ces anciennes colonies acquises parfois par la force et les combats intéressent assez peu les métropolitains d'une part parce que les territoires sont lointains et les enjeux de l'occupation de ces terres demeurent flous, d'autre part le souci de revivre dans un pays de paix après des années de guerre successives. Malgré cette tendance, les politiques continuent une colonisation qui devient difficilement tenable par les vélléités d'indépendance de ces peuples et les pertes humaines à cause des conflits qui s'y développent ; les sommets sont atteints avec l'Indochine et surtout l'Algérie qui serviront de détonateurs à une nouvelle ère : la décolonisation qui ne se fera pas sans douleur des deux côtés, comme chaque fois. De Gaulle et certains de ses ministres seront les artisans de ce processus tout en étant controversés. En 1962, la France signera avec les Accords d'Evian, approuvé par 90ù des Français la fin d'une période tumultueuse.
Jean-Pierre Rioux nous conduit à travers ce dédale qu'aura été cette période "qui ne passe pas".
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Je n'ai pas vraiment l'habitude de lire ce genre de livre. Cependant j'ai beaucoup appris sur la colonisation grâce à cet ouvrage.
Les chapitres relativement courts permettent une lecture entrecoupée sans pour autant être totalement perdu.
Inavoué ne pas avoir été fascinée par cette lecture.
En revanche je trouve ce livre tout à fait accessible, il m'a vraiment donné envie de me pencher plus sérieusement sur le thème ce thème trop peu abordé je trouve dans notre société.

J'ai reçu ce livre dans le cadre de la masse critique Babelio que je remercie ainsi que l'auteur et les éditions archidoc de m'avoir donné l'opportunité de découvre cet ouvrage.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
le conflit mondial de 1939-1945 a été tenu pour émancipateur à terme, l’émigration massive (quatre cent mille Algériens travaillent alors dans des usines et des chantiers de métropole), la révolution économique et urbaine importées, via Alger, Constantine et Oran, ont fait voler un peu plus en éclats la société algérienne traditionnelle, broyée par ces tendances lourdes de la modernité et de l’échange, alors que sur place rien ne changeait politiquement et culturellement. L’impuissance coloniale a ainsi conduit une Algérie schizophrénique au bord de l’implosion.
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la France vaincue de 1870 pourrait, pensait-on, reconstituer ses forces physiques et morales au-delà des mers, y trouver un jour le secours des vaillants soldats colorés qui l’aideront à vaincre l’Allemagne, y affermir sa voix dans le concert des nations.
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Certains pensent encore aujourd’hui qu’un tel choc de « civilisation » porteur de violences survient à l’occasion de toute rencontre brutale entre l’Orient « ancien » et l’Occident « moderne ». Est-ce si sûr ? N’oublions pas que le Maghreb ne fut jamais un Machrek et qu’il ne l’est toujours pas aujourd’hui. Ni que l’Afrique romaine mélangeait déjà les hommes et les dieux. Ni, surtout, qu’entre ces deux terres, de Marseille en Alger, s’étale « mère » Méditerranée.
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L'eurocentrisme à la française, de fait, a bouché l'horizon et a fait dénier toute singularité au colonisé, nier la violence de sa mise en tutelle sous prétexte d'universalisme bien entendu, c'est-à-dire profitable d'abord aux puissances européennes. Le francocentrisme à géométrie hexagonale, constant lui aussi, a réduit les enjeux coloniaux à ceux de la seule métropole. L'égoïsme national a primé.
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Ce qui surtout fut ignoré en métropole, c’est la part de violence coloniale que cette guerre réactivait ; la part aussi de violence proprement algérienne et postcoloniale que l’Algérie indépendante révélera aussi après 1962 et qu’on vit reprendre en 1993 ou être convoquée au printemps de 2011. Comme si toute l’histoire contemporaine de l’Algérie baignait dans une violence aux eaux mêlées.
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Video de Jean-Pierre Rioux (3) Voir plusAjouter une vidéo
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Mémoires de Léonard de Martin Nadaud - présentées par Jean-Pierre Rioux
Editions Vendémiaire.
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