Quand on a une relation avec notre propre mère, comme l'autrice a eu avec sa maman, on ne peut que se sentir touché, transpercé par chaque mot que contient ce récit autobiographique. Je ne savais plus parfois quand l'autrice parlait d'elle ou quand elle parlait de moi. Tellement ses sentiments ont retenti en moi.
Moi aussi, je suis la fille d'une mère qui s'approche vite, trop vite, atrocement vite ,de ce moment qui me fait si peur. La vieillesse qui l'accompagne depuis un petit moment déjà a choisi un sacré allié : la démence. Et je ne peux que comprendre l'urgence que
Marie Sabine Roger a ressentie.
On est loin d'avoir tout dit. Quand ils sont là,on se dit si peu des choses, on les dit si mal, pour ne pas les froisser, les troubler encore plus, on ne sait pas comment faire pour ne pas chasser la dernière ombre de dignité qui leur reste. Chaque échange semble durer une éternité quand l'autre ne sait plus quoi dire. Et pourtant ça fait que 5 minutes qu'on échange, on se raccroche à des "n'importe quoi",une recette de cuisine, une info diverse, la météo, le chat, pourvu qu'on se parle encore. Quand il n'y a plus la parole , la tête,le bon sens et l'envie, il nous reste quoi? On se gave des "je t'aime" qu'on n'ait jamais osé dire, on se noie dans des monologues sans fin.
Je vous ai parlé de ma propre mère, mais elle peut être aussi la vôtre.Car malgré tout , il arrivera un jour où on devra accompagner nos parents dans la vieillesse,leur rentre visite dans un ephad , une maison de repos, chez eux ou ailleurs, on cherchera à s'accrocher à un semblant d'intimité avec eux, les retenir avec nous, dans le réel et le présent . Et pourtant, dans leurs têtes, il n'y aura que du brouillard parfois. Ils auront envie de partir, ''pour de vrai'', certains nous le diront même et on aura peur, on changera vite de discussion " ne dis pas des bêtises", partir pour ne pas se sentir humilié ou sans défense. Certains ne voudront plus de cette vie. Et nous on les voudra toujours dans la notre.
Le livre parle de tout ça à la fois. C'est touchant, sensible. La plume de
M. S. Roger est délicate, pleine de douceur, elle donne de la légèreté au récit, malgré ce sujet presque déprimant. Chaque mot transpire l'amour. On se sent presque mal à l'aise de faire partie de cette histoire si intime. Et puis non, elle a choisi de la partager avec nous, de la délivrer d'une jolie façon, rendre hommage de la plus belle façon.Une longue lettre à celle qui fut sa mère. Derrière tout ça, je sais que cette dame était forte, et belle, et spéciale, et drôle. Ça ne peut pas être autrement, car c'était une mère. Une mère qui aimait sa fille.
Je ne peux que vous recommander cette lecture qui,je suis certaine,bouleversera plus d'un.