Ce livre je l'attendais avec impatience, j'espérais un beau rendez-vous, et
Marie-Sabine Roger ne m'a pas déçue.
J'ai retrouvé son écriture fine, délicate, sensible. Mais ici point de voyage en terre imaginaire, exotique et poétique comme dans
Loin-Confins (bien que la deuxième partie ce livre nous ramène brutalement dans la réalité d'une fin de vie, comme annonciatrice de ce livre). Rien de tout cela, c'est bienvenue aux portes de la mort, dans un enfer qui se nomme ehpad, un comme parmi tant d'autres en France.
Ehpad, USLD, hôpital, dans ces mondes en marge des vivants, il n'y a que l'attente, l'attente des visiteurs qui ne viendront pas, du médecin qui ne passera pas, des soignants aux abonnés absents quand on a besoin d'eux et surtout l'attente ultime de la grande faucheuse.
Je m'étais emparée de quelques post-it posés à côté de moi, pour garder en mémoire une phrase, un passage. Tout mon paquet de post-it y est passé, presque un à chaque page.
A chaque phrase, le mot juste, je hoche la tête, je me souviens, oui cette pensée je l'ai eue, cette phrase j'aurais pu la dire, l'écrire. Je suis dans les pensées de
Marie-Sabine Roger et pourtant j'ai l'impression que c'est moi qui parle. Elle a eu le courage de dire, d'écrire sans colère, ses sentiments et sa souffrance.
Quel soulagement de les voir couchés sur le papier par une autre que moi, et l'impression qu'ils sont finalement communs à tous ceux qui ont traversé cette épreuve terrible de voir l'être tant aimé, notre père/mère s'enfoncer dans la démence. Démence, je me souviens exactement de ma stupeur en entendant le médecin prononcer ce mot à ton sujet, Maman. Je la regarde avec des yeux ronds, de quoi parle-t-elle ? Mais non, ma mère n'est pas folle. Il y a bien quelques signes, mais ils restent encore discrets et surtout je suis dans un déni terrible, je ne veux pas les voir et m'invente des explications rationnelles.
Moi aussi, je t'ai abandonnée dans un hôpital lugubre, je savais que tu n'en sortirais que les pieds devant. Sans surprise, c'est ce qui s'est passé en janvier 2020. Moi aussi je t'ai remerciée d'avoir eu la bonne idée de partir avant l'arrivée de la pandémie. Ni toi ni moi ne l'aurions supporté. Comme j'ai pensé à toutes ces familles, leurs angoisses de ne plus pouvoir parler aux personnes chères à leur coeur, … Car quand la démence est là, l'appel téléphonique n'est plus possible. le téléphone est trop loin, le combiné trop lourd, comment s'en sert-on ? Tu aurais regardé la porte les yeux dans le vague, espérant que je viendrais te voir, et je ne serai jamais venue. Je n'aurai pas pu te dire un dernier adieu, toi devenue si petite, qui t'étais tant rétrécie, perdue dans ta boite en bois. Là oui, tu semblais enfin apaisée, et j'ai pu garder cette dernière image d'un visage serein après tant de souffrances endurées sans mot dire.
Une grande pudeur dans ce témoignage, pas de plainte ni de misérabilisme malgré les épreuves. Une foi en la vie, une volonté de se raccrocher aux petits bonheurs quotidiens pour continuer à avancer, nous aussi vaillants petits soldats, vers notre destinée bien incertaine. Un grand merci à
Marie-Sabine Roger. Un seul regret, j'ai trouvé ce livre bien trop court…