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EAN : 9782812620744
208 pages
Editions du Rouergue (19/08/2020)
4/5   115 notes
Résumé :
Il y a longtemps de cela, bien avant d’être la femme libre qu’elle est devenue, Tanah se souvient avoir été l’enfant d’un roi, la fille du souverain déchu et exilé d’un éblouissant archipel, Loin-Confins, dans les immensités bleues de l’océan Frénétique. Et comme tous ceux qui ont une île en eux, elle est capable de refaire le voyage vers l’année de ses neuf ans, lorsque tout bascula, et d’y retrouver son père. Il lui a transmis les semences du rêve mais c’est auprè... >Voir plus
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"Quel lourd secret cache-t-il
Sous tant de douceur
Moi, je sais qu'il est ce Roi en exil
Qui règne en mon coeur." Elton John, L'amour brille sous les étoiles.


Tanah est une petite fille de 9 ans, une princesse cachée derrière son père Agapito 1er, le Roi en exil.
"Avec son père, elle rit, elle rêve, elle s'émerveille. Loin-Confins: un diamant vert dans un écrin bleu cyan, ses plages infinies au sable immaculé, ses forêts d'essences précieuses..."


"Tanah aime son père, ses poèmes de fin du jour, les courses dans la jungle, la pêche aux écrevisses et aux crabes-pinçons, le marché de la Royauté et Sainte Gambade"...


Mais derrière le rêve, il y la réalité... Elle n'aime pas sa mère trop terre-à-terre, les mains dans la lessive, qui soupire et s'énerve quand Agapito 1er exagère...


Il faut un Dragon ou un traître dans tous les contes ! Mais, l'Assassin est le propre père de Tanah...
"Son père est là, coiffé de la couronne du gâteau des rois, armé de leur pelle à charbon. Il harangue hardiment la foule, l'exhortant à le suivre, à renverser l'usurpateur.
"Il est en chemise et chaussettes. Cul nu...!"


Tanah comprend enfin, que (Le Dragon) sa mère aime tendrement son mari, malgré sa folie et a essayé de l'aider dans ses crises...


"Si elles s'enfuient dans les rêves, ce soir
Dans leur folle ronde
Si le Roi leur dit "Au revoir!"
Elles seront seules, au monde"...
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Lorsque j'étais toute petite, mes parents m'affirmaient d'un ton péremptoire que la grande tour blanche et rouge sur laquelle clignote des lumières orange la nuit était la maison du Père Noel. Je la vénérais. Toute l'année j'imaginais en son sein la fabrication fastidieuse de cadeaux, le clignotement incessant comme preuve irréfutable d'une forte productivité. La voir au loin me faisait frémir. C'était ma Laponie à moi, mon pôle Nord, admiré depuis ma cité HLM. Mon oncle un jour les contredit, offusqué, me répliquant avec gravité et en chuchotant que c'était l'endroit où étaient fabriquées les oranges. Je l'ai cru aussitôt. Les deux coexistaient dans mon esprit. Les deux étaient la vérité vraie. Ça faisait, j'en conviens, une sacrée tambouille dans ma tête. Un Père Noël dans sa tour fabricant des cadeaux aux enfants sages et des oranges. Donc. Bon, j'étais très naïve, certes. Ah oui, la tour aux lumières oranges clignotantes était une simple tour des télécommunications. Je ne peux en voir une aujourd'hui sans sourire béatement. Je n'ai jamais oublié leur petit grain de folie, cette sorte de traitrise de la part de mes adultes préférés qui se moquaient de ma naïveté.

La vérité, c'est quand on croit nous dit Marie-Sabine Roger.

Ce livre m'a rappelé cette anecdote. Comment l'imagination des adultes, en l'occurrence ici celle du père, peut transformer la vie d'un enfant, la marquer à jamais et embellir un quotidien terne. L'enfant ne cherche pas à savoir si ce que raconte ses parents est réel ou pas. Les enfants sont pétris de foi. Il est vrai que dans cette histoire, l'imagination du père, et surtout sa folle poésie, aveugle la petite fille, la drape d'un amour fou, au point de l'éloigner de cette mère si terre-à-terre, si pragmatique. « Il met de l'utopie, de l'exotisme, du drame, saupoudre de piment un quotidien banal, quand sa mère voudrait les tenir tous deux à laisse courte, dans sa poigne solide ». L'un enchante, lorsque l'autre désenchante. L'un permet tout lorsque l'autre réglemente. le fruit d'un amour exclusif et d'une indifférence. Pense-t-elle.

Dans la famille Mollet, les enfants ont des prénoms d'îles et d'archipels. Tanah la petite dernière. Et les frères, devenus grands : Tromelin, Andaman, Nicobar, Mohéli, Kerguelen. Des noms de rochers les plus perdues de l'océan indien tout droit sortis de l'imagination du père. le père Mollet. Comme les oeufs. de beaux prénoms qui compensent quelque peu leur absence de beauté. Ils sont « laids comme le sont ces fins de race dont on voit les portraits dans les livres d'Histoire, lorsque la génétique trahit ouvertement les alliances consanguines et distribue à l'aveuglette prognathismes, hémophilies, troubles mentaux et autres royales miséricordes.

Seule fille de la tribu et petite dernière, ce père a trouvé en sa fille la seule et unique dépositaire de son terrible secret : il s'appelle en réalité Agapito 1er, souverain de Loin-Confins et contrées annexes, Patalin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d'Estagule et Mitard. Il a été renversé par l'oncle fourbe et traite qui a voulu le spolier, a été emprisonné, a réussi à s'évader, endurant mille sévices et aventures. le père lui raconte ce royaume paradisiaque, lui raconte l'évasion, puis la traque de l'Oncle, encore d'actualité, d'où le secret nécessaire. Il raconte parfois avec les larmes aux yeux la déchéance et le paradis perdu.

Quelle incroyable imagination déploie ce père pour sa fille, quel magnifique royaume il dépeint avec moult détails et noms exotiques, avec de fines descriptions de sa géographie, de sa faune et de sa flore, de son histoire. Nous sommes nous-mêmes sous le charme de cette contrée lointaine, île aux noms évocateurs et au climat tropical que l'on quitte non sans nostalgie :

« Là, tel un diamant vert sombre dans un écrin bleu cyan, se trouve Loin-Confins et ses hautes falaises, ses plages infinies au sable immaculé plus fin que farine impalpable, ses forêts d'essences précieuses, d'espèces endémiques, pins bleus de Pétrassel, cèdres centifoliés, Macapetus sempervirens, chênes rouges de Patelin, agapanthes Mouk-Mouk ».

Un secret qui tient à distance la pauvreté et la honte. Une île si éloignée de l'appartement triste et morne dans lequel la famille vit. Bloc de béton avec petits balcons aux rambardes vert moisissure, un vert si éloigné des dégradés de vert enchanteurs de la luxuriante île de Loin-Confins.

« Les sinistres culées du pont voilent leurs ombres noires d'une végétation touffue et dense, et grasse, de tous les verts possibles, de l'émeraude au vert de mai, du Véronèse au vert cyprès, du presque jaune au presque bleu, vert de vessie, vert céladon, vert de Hooker, vert de cobalt, vert pomme ou vert de haricot, vert de mafane ou de chouchou, jusqu'à ces verts fluorescents qui éclairent si bien l'Irlande. Elles s'ornent d'entrelacs de lianes et de branches serrées, cachent sous leurs feuillages sombres et vernissés des yeux dorés, des museaux frémissants ou des antennes fines, des dos laineux, épineux, emplumés. le pont lui-même n'existe plus mais, à sa place, elle voit, non, elle entend, la Grand'Cascade aux Ours. Son père lui invente une enfance sauvage, avec pour garde-fou ce simple préalable : ils vivent en exil, ils ne régneront point ».

Et nous lecteurs, de nous émerveiller à notre tour de ce que peut transmettre ce père, tout en sentant poindre un certain malaise…jusqu'au jour du chaos où elle devient d'un seul coup Princesse de nulle part, Fille du Roi de rien…

Ce livre démarre tel un conte et nous laisse entrevoir un monde magique, fantastique, un peu inquiétant, à l'image de la superbe couverture d'un bleu-vert onirique, un bleu-cyan trouble et crépusculaire. Un monde vers lequel voler pour fuir le quotidien. La coquille se lézarde peu à peu pour finir par exploser et nous montrer la tragédie d'une petite fille et la grandeur cachée d'une femme. Je ressors très émue par cette lecture. J'ai aimé la façon singulière qu'a choisi Marie-Sabine Roger de nous raconter cette relation entre ce père et cette fille, de nous faire entendre la voix de Tanah devenue adulte qui a désormais pris du recul, de nous montrer l'impact de l'imaginaire sur la construction de notre identité. C'est beau et triste à la fois…C'est profondément humain. Un immense merci à Sandrine (@Hundreddreams) de m'avoir donné envie de découvrir ce livre et cette auteure !

« La fécondité de l'imagination est une grâce ».
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Je m'étais régalé avec Bon rétablissement, La tête en friche, Vivement l'avenir et Dans les prairies étoilées. Voilà qu'une fois de plus, je suis tombé sous le charme !
Marie-Sabine Roger a réussi à m'emmener à Loin-Confins, sur les pas de Tanah, sa jeune héroïne qu'elle fait vivre magnifiquement dans ce roman aux pages parfois si dures.
Quelle imagination pour trouver tous ces mots tarabiscotés mais amusants ! Quelle idée originale d'avoir donné comme prénoms des noms empruntés à des îles de l'océan Indien pour les frères de Tanah : Tomelin l'aîné, Andaman et Nicobar les jumeaux puis Anjouan, Mohéli et Kerguelen !
Quant à la petite dernière, Tanah, la narratrice, elle a hérité du nom d'un îlot d'Indonésie, situé près de Bali. Qui a bien pu donner des prénoms pareils à ses enfants ? C'est leur père, avec la complicité d'un copain bossant à l'état-civil, en mairie, pour les faire accepter. La maman n'a rien pu faire pour l'en empêcher…
Ce père, justement, je n'apprendrai sa véritable identité que plus tard. À sa fille qui rêve en l'écoutant raconter qu'il est roi en exil de Loin-Confins, et elle une princesse, il lui dit s'appeler « Agapito Ier, souverain de Loin-Confins et contrées annexes, Patalin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d'Egastule et Mitard », excusez du peu !
Tout cela relève du merveilleux mais, au passage, quelques indices ne manquent pas d'intriguer. Malgré tout, je me suis laissé emporter par le côté enchanteur de l'histoire, comme Tanah… jusqu'au jour où… impossible d'en dire davantage.
Dans Loin-Confins, Marie-Sabine Roger ne se contente pas d'écrire une fable. Elle donne à voir la vie d'une famille modeste et le rôle essentiel d'une femme qui assume jusqu'au bout sa tâche de gardienne du foyer. Son mari se donne-t-il la meilleure place en distrayant sa fille ? Il faut aller jusqu'au basculement brutal de son histoire pour comprendre et savourer pleinement toute la profondeur d'un roman écrit avec autant de douceur que d'imagination.
L'amour d'une fille pour son père entraîne le lecteur jusqu'au bout de la vie avec les ravages de l'âge. Si Loin-Confins, royaume lointain situé dans l'océan Frénétique, comme l'affirme Agapito Ier, n'existe que dans l'esprit de ce père unique, Tanah n'oubliera jamais ses rêves de princesse.
J'ai été bouleversé par la fin de cette histoire et par cette femme qui ne laisse pas tomber ce père si cabossé, lui rend une part du rêve de ses neuf premières années.

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Marie-Sabine Roger nous plonge dès le début de son roman dans un conte de fées. Une princesse, enfant, est pelotonnée contre le roi son père, Agapito 1er, souverain exilé de Loin-Confins et de contrées annexes, Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Il décrit à sa fille Tanah la vie de l'Archipel, où un jour peut-être elle sera Reine. Mais la réalité est tout près avec la mère qui s'agite derrière eux dans l'appartement. le Royaume réel est un quatre pièces cuisine où son père lui donne sur le balcon une leçon de ciel.
Tanha a six frères. À sa naissance, le plus âgé de la fratrie, Tromelin, a vingt-deux ans, les jumeaux Andaman et Nicobar, dix-huit, Anjouan, quinze, Mohéli, douze et le dernier Kerguelen s'apprête à fêter ses neuf ans. Sa mère a plus de quarante ans et son père plus de quarante-six. Tanah n'aime pas ses frères et c'est réciproque, "des frères absents comme des morts", Mohéli est le seul pour lequel elle éprouve une affection sincère.
En résumé : "Avec son père, elle rit, elle rêve, elle s'émerveille." Elle ne cherche pas à savoir si ce que son père dit est vrai, elle rêve ! "Avec sa mère, elle s'engourdit dans un quotidien sans épices."
Mais à l'âge de neuf ans, lorsqu'un policier municipal vient sonner un matin à la porte, en un instant, tout est détruit, plus d'horizon lointain, plus de monde meilleur.
Plus tard, Tanah va récapituler l'histoire de ses parents et en saisira enfin la tragédie banale. Elle n'en voudra pas à son père, cet homme-enfant, irresponsable qui aura tout volé, par pièces et lambeaux à sa mère, jusqu'à son affection à elle, la dévorant lentement toute entière, car il lui aura appris le rêve, avec passion et conviction.
Si le roman est centré sur l'amour d'une enfant pour son père, c'est également les interactions de tous les membres de la famille qui sont en jeu, ici la mère et les frères, sans oublier le rôle des amis et des voisins.
J'ai vraiment beaucoup apprécié l'analyse psychologique superbement transcrite par Marine-Sabine Roger. Loin-Confins est un titre qui me paraît bien convenir et être bien adapté à ce roman. S'il désigne l'Archipel où a vécu Agapito 1er, il définit également cet état particulier dans lequel est plongé le père et également sa fille, cette frontière, cette lisière, ce degré intermédiaire entre le rêve et la réalité.
Ce livre m'a beaucoup fait penser à "Avant la longue flamme rouge" de Guillaume Sire dans lequel le jeune Savarouth, tout comme Tanah s'est créé, enfant "Un royaume Intérieur" qui lui permettra plus tard, dans l'adversité de faire face à la réalité qu'il nomme "L'Empire Extérieur".
L'autrice décrit particulièrement bien les sentiments de Tanah, la rancune vis à vis de cette complicité muette qu'ont eue ses frères avec sa mère, leur reprochant de ne jamais lui avoir dit, même en douceur, même par allusion, la vérité sur ce père. Elle en voudra à ces frères d'avoir condamné leur père comme s'il était coupable, responsable de son état, tout en comprenant qu'ils aient pu rêver d'un père fort ou du moins normal. La douloureuse trajectoire du père et l'influence des récits de celui-ci à sa fille sont aussi abordés finement.
C'est un très beau roman, délicat, empreint de poésie dans lequel j'ai mis néanmoins un peu de temps à entrer. J'ai trouvé longue, beaucoup trop longue la partie conte de fées. Il me semble qu'elle aurait pu être plus concise sans nuire à la compréhension de la merveilleuse union de ce père avec sa fille. Je ne me suis pas autant régalée qu'avec les romans précédents de Marine-Sabine Roger que j'avais adorés.

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Même si c'est peu probable, une ribambelle de frères étant nés avant elle, un jour, Tanah sera Reine... Pour l'instant, elle est une princesse, fille du Roi son père, Agapito 1er, Souverain de Loin-Confins et des contrées annexes, Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Un père qui lui tisse, de sa voix chaude et lente, quelque fois ponctuée d'émotions, le fil à la fois dur et soyeux des généalogies. Notamment l'histoire de son père, Roi en exil spolié par un oncle indélicat, mais aussi celle du Royaume, ce paradis perdu et confisqué au milieu des immensités bleues de l'océan Frénétique. Depuis le balcon de leur quatre-pièces-cuisine, père et fille partagent un moment pourvu de tendresse, d'admiration et d'amour. Un moment que seule la maman de Tanah viendra interrompre, bien trop ancrée dans une vie morne et fade...

Elle en a de la chance, la jeune Tanah ! Auprès de son père, le Roi Agapito 1er, elle aura grimpé les pentes du pic Marche-les-Hauts, se sera baignée dans la rivière Blanc-Coton, se sera baladée dans les forêts d'essences précieuses de Loin-Confins et aura côtoyé des singes à plumes roses, des perrocatoès ou des vaches rouges... Tout cela grâce aux merveilleuses histoires contées sous un ciel d'étoiles, fussent-elles fictives. Des histoires fussent-elles habilement enchâssées dans un présent beaucoup moins rose... Et si Tanah, adulte, porte aujourd'hui un regard bien différent sur son enfance, elle en gardera tout de même un souvenir merveilleux et immanquablement inoubliable. Par un procédé habile, Marie-Sabine Roger, tout au long de la première partie, nous fait vivre un véritable conte de princesse jusqu'au jour où Tanah, alors âgée de neuf ans, découvre la vérité. Elle dépeint, avec force et tendresse, la relation entre Tanah et son père, au détriment de celle qu'elle ne nouera jamais avec sa mère, mais aussi le pouvoir de l'imagination, véritable refuge magique. L'enveloppe du rêve, la magie des mots et plus que tout l'amour d'un père feront de Tanah l'adulte qu'elle est aujourd'hui. D'une profonde poésie, d'une imagination débordante, ce conte onirique regorge d'émotions...
Tristement beau...
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Citations et extraits (91) Voir plus Ajouter une citation
Elle conservera à jamais un souvenir grave, doux et ravi de ces moments partagés. Peu importe que son regard ait changé par la suite, la faute à la vraie vie, cette réalité qui encrasse nos rêves, les transforme en vieil imagier aux pages déchirées, aux coins souillés de traces, piquetés de moisi. Quelles que soient les trahisons, les déceptions, elle fera tout pour garder en elle, vivace, la saveur des enchantements. Qu'importe si son père, aujourd'hui, n'a plus grand-chose à voir avec son père d'hier, si cet homme qu'elle croyait connaître n'a jamais vraiment existé, mais seulement son apparence. Qu'importe si, aux dires des autres, il n'était qu'un fantôme pathétique, une coquille vide, une aimable illusion, elle aura vécu ces moments, la magie aura existé. C'est son trésor de guerre, sa seule médaille en chocolat, durement gagnée au front de ce combat perdu qu'on appelle l'enfance.
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Pourtant, à ce moment déjà, elle l'aura admis depuis longtemps : aucun enfant d'une même fratrie n'est élevé de la même façon. Les parents vieillissent, gagnent en expérience ou s'enferrent dans leurs travers. Leurs conditions de vie évoluent ou régressent. Leur couple tient le cap, ou s'égare, se perd. Les familles se recomposent, se décomposent, dans des mouvements infimes de plaques tectoniques ou des effondrements soudains de failles.
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Adulte, Tanah comprendra la déception de sa mère, son besoin jamais dit et jamais rassasié de faire corps avec sa fille au sein de cette horde brouillonne, agitée par des luttes, cette tribu de mâles qu'elle a tous engendrés, sauf un. Elle interprétera autrement - trop tard - son désappointement de voir son unique fille traitée comme un garçon, un de plus, un de trop, quand elle aurait tellement voulu avoir une fifille en jupette, qui serait proche d'elle, aimerait les dentelles. Qui lui ressemblerait.
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La princesse est enfant. Elle est assise, sage. L’air froid pique ses yeux mais c’est sans importance, elle est pelotonnée contre le Roi son père, Agapito Ier, Souverain de Loin-Confins et des contrées annexes, Patelin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d’Ergastule et Mitard.
Il n’y a pas, pour elle, de torture plus douce que ce vent coulis glacial qui se lève parfois à l’angle du balcon. C’est le prix à payer, le temps de la leçon. Tant pis si le nez coule.
La petite princesse se prénomme Tanah. Elle apprend. Un jour peut-être – même si c’est peu probable – à son tour, elle sera Reine.
Pour l’instant, la princesse Tanah renifle, elle a la chair de poule, elle se colle un peu plus à son père, qui n’a jamais froid, lui. Qui est fort.
Qui est Roi.
Elle n’entend pas, elle n’écoute pas, la voix agacée de sa mère qui les rappelle à l’ordre, il faut rentrer, il se fait tard.
Tanah réprime un bâillement, pourtant elle ne veut pas dormir, pas encore. Son père lui a promis d’aller pêcher au lac Vert-mousse, on y trouve des brèmes et des crabes-pinçons. Ils iront après la leçon.
Elle aime aller là-bas.

(Incipit)
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Tanah se dit que la mort a ce triste visage, chez ceux qui vivent trop longtemps : repas ternes et insipides, vision faible at audition trouble, heures longues et jours inutiles, quand plus rien ne ressemble au plaisir, au désir, lorsque le seul bien-être que l'on peut espérer est de ne pas aller trop mal.
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Vidéo de Marie-Sabine Roger
Film de Jean Becker et Jean-Loup Dabadie avec Gérard Depardieu, Gisèle Casadesus et Patrick Bouchitey, 2010.
Adaptation du roman de Marie-Sabine Roger.
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