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pour le plaisir... la tirade du nez
ACTE 1, SCÈNE 4
CYRANO
Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... Oh ! Dieu ! bien des choses en somme...
En variant le ton, par exemple, tenez :
Agressif : "Moi, monsieur, si javais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me lamputasse !
Amical : "Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap !"
: "C'est un roc !... c'est un pic !... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ?... C'est une péninsule !"
: "De quoi sert cette oblongue capsule ?
D'écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ?"
Gracieux : "Aimez-vous à ce point
les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ?"
Truculent : "Çà, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ?"
: "Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol !"
Tendre : "Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane !"
: "L'animal seul, monsieur, qu'
Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d'os !"
Cavalier : "Quoi, l'ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c'est vraiment très commode !"
Emphatique : "Aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier, excepté le mistral !"
: "C'est la Mer Rouge quand il saigne !"
Admiratif : "Pour un parfumeur, quelle enseigne !"
Lyrique : "Est-ce une conque ? Êtes-vous un triton ?"
Naïf : "Ce monument, quand le visite-t-on ?"
: "Souffrez, monsieur, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir pignon sur rue !"
: "Hé, ardé ! C'est-y un nez ? Nanain !
C'est queuqu'navet géant ou ben queuqu'melon nain !"
: "Pointez contre cavalerie !"
Pratique : "Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot !"
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
"Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître !"
Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous mauriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la m oitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.
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