Aujourd'hui je vais évoquer
Conquérir le ciel le premier roman sensible de
Pierre Roubin.
L'histoire est celle d'un homme d'une quarantaine d'années qui apprend qu'il est atteint d'une maladie incurable et qui va l'annoncer à sa femme et à ses trois enfants en essayant de ne pas dramatiser la situation malgré sa fin proche et inéluctable. Ce moment intime et douloureux est l'occasion de poursuivre la transmission, de dire avec tendresse l'amour et d'évoquer sa propre enfance. Les personnages ne sont pas nommés, un certain anonymat les nimbe et pourtant ils sont pour la plupart attachants. Les pages les plus déchirantes sont celles qui ont trait à la souffrance vécue pendant l'enfance. En effet, le père du protagoniste est un médecin à la corpulence outrancière, au corps imposant qui frappe et martyrise son fils. Il l'appelle sans la moindre affection le père sanglier et il décrit avec naturalisme les coups qui sont portés sur lui. Voici un extrait explicite de cette réminiscence : « l'enfance c'est de la merde. Je garde mes yeux grands ouverts alors qu'il fait entièrement noir. La douleur au crâne et à l'épaule est en train de cuire. Mon sang fait des boums sous mes tempes et derrière les oreilles. Les pulsations s'additionnent à l'acouphène. J'essaie d'entendre. On pense que je dors après la raclée que je viens de recevoir, mais je décode les sons. Je traite le signal. (...). J'entends circuler le malheur. » Souvent les enfants battus reproduisent sur leur propre progéniture les comportements dont ils ont été victimes. Ici ce n'est pas le cas, une résilience extrême pousse le narrateur à dépasser son statut de bouc émissaire et à se réinventer dans l'amour. Ses deux grands garçons et sa plus jeune fille sont pour lui l'incarnation du bonheur. Alors, malgré la proximité de la maladie il leur propose un jeu ; ils l'appellent Pépé et leur mère Maminette ; grâce à ce subterfuge c'est comme si le père avait vieilli auprès de ses proches et prolongeait son rôle de guide aimant.
Conquérir le ciel repense la paternité et la virilité et incite à ne pas dupliquer le modèle familial reçu. Bien entendu le ressentiment est omniprésent vis-à-vis des parents maléfiques et violents mais ce n'est pas la haine qui domine. le roman s'achève sous forme épistolaire avec une lettre pour chacun des enfants et leur mère. Avec ces mots tendres et pudiques le père tente de faire passer la douleur de la mort à venir.
Conquérir le ciel est un texte lumineux, une rédemption face à l'abjection subie dans l'enfance. La mort rode à chaque page et pourtant l'impression n'est pas celle d'une immarcescible tristesse.
Voilà, je vous ai donc parlé de
Conquérir le ciel de
Pierre Roubin paru aux éditions Phébus.
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