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3,67

sur 1171 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans la littérature française du XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau est considéré comme un ré-novateur du sentiment de l'existence. Il croit en l'existence d'une certitude intérieure, d'une "activité mystique" qui prend sa source dans l'âme. Il pense que la peinture parfaite, la plus fidèle ne peut venir que de l'intérieur. En 1776 il décide "d'enregistrer", ces dernières "contemplations charmantes" susceptibles d'éclairer toute une existence. C'est ainsi que se constitue cette dernière oeuvre inchevée de Rousseau. Une question demeure cependant ouverte : y a-t-il rêveries authentiques ou plutôt libres discours sur la volupté de rêver ? Pour moi, le sentiment d'une évidence : l'écriture de soi tend vers le bonheur durable, simple, plein ("suprême félicité" ) que seule la reconquête de soi peut assurer.
L'affirmation d'une réclusion à perpétuité dans une parfaite solitude du "je" se fait sans détours. le rôle de l'écriture apparaît comme double: tout en participant au processus de "vitrification" la parole devient comme une sorte de seconde d'existence, enrichie, augmentée par le plaisir réel d'écrire, de s'écrire.
Le ton général est celui de l'introspection puisque Rousseau proclame son isolement, son exclusion totale de la société : "tout est fini pour moi sur la terre". La formule généralisante désigne à la fois l'ensemble des relations avec le monde sensible et un rapport privilégié avec la divinité. Par-delà l'humilité que suppose une précaire condition de simple créature humaine, "pauvre mortel infortuné", il importe d'atteindre une sorte de "nullité" qui permet d'être soi-même sans contrainte. "Je suis nul désormais parmi les hommes, et c'est tout ce que je puis être, n'ayant plus avec eux de relation réelle, de véritable société". La solitude devient ainsi "négation de la négation" selon l'expression de Jean Starobinski puisque la société est le refus collectif d'un état de nature. C'est donc précisément pour éviter toute aliénation par le corps social corrompu que Rousseau coupe tout lien matériel avec la société. Dans une sorte de litanie ("je n'ai plus en ce moment ni prochain, ni semblable, ni frère", "seul pour le reste de ma vie"), sur le ton de la complainte acceptée, Rousseau définit le véritable projet du livre : "[ne] m'occuper [plus] que de moi". Il s'agit donc "d'accomplir par la rêverie une transmutation des sentiments et des passions, pour atteindre la certitude primaire d'un être dépouillé, et qui, comme Dieu se dérobe au domine de la possession, de l'avoir, pour demeurer un être pur comblé naturel":
Dès qu'il s'agit de saisir la mouvance immobilisée du moi intérieur un problème se pose cependant, celui d'une extériorité paradoxale. L'analyse de soi se veut "examen sévère et sincère", rigoureuse observation ("les opérations que font les physiciens sur l'air pour en connaître l'état journalier", "le baromètre à mon âme"). Cependant le pouvoir ordonnateur de la réflexion méthodique et systématique semble ainsi rejeté. La métaphore météorologique suggère, en plus de la versatilité d'une âme encore active le mouvement alternatif du livre lui-même, "informe journal de ses rêveries". Au bout du compte, on décèle dans ce livre une finalité morale assez proche, ("le compte que je ne tarderai pas à rendre de moi", car le narrateur s'achemine vers le terme de sa vie et il lui appartient de s'étudier, s'examiner pour "corriger le mal qui peut y rester", ainsi que pour jouir, par la mémoire créatrice, d'un bonheur révolu. L'écriture devient donc un moyen de "fixer", de "faire renaître pour moi le temps passé". Si la rêverie pure est muette et intérieure, le verbe la transforme en rêverie seconde. La lecture ne sera qu'un plaisir accru, jouissance multipliée : "leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire […] doublera pour moi pour ainsi dire mon existence". Que de bonheur ! Écrire et se cacher, fuir les hommes seraient donc pour Rousseau indissociables.
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De la nécessité de relire les textes « imposés » au collège…

Publié en 1782, « Les rêveries du promeneur solitaire » alors que Rousseau n'est plus… Une oeuvre de la maturité ? de la résignation ? de la justification ?
Peut-être un peu tout ça … Qu'importe : une lecture de collégien et une relecture partielle pour « composer » cette modeste chronique…

Un souvenir : une lecture fastidieuse et ennuyeuse.
Un constat, actuel, à l'âge mûr : prose d'une grande beauté, introspective, élégante… Un vagabondage intellectuel et physique… Des questionnements que l'âge encourage… Un vague à l'âme, un vague à l'âge…
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Dans les Rêveries du promeneur solitaire, nous sommes confrontés à un Rousseau " seul et négligé", partagé entre son désir de solitude et celui d'aller à la rencontre de ses semblables, tentant de soulager les terribles doutes qui l'assaillent et le besoin irrépressible de répondre à ses persécuteurs.
Ce roman doit sa pérennité à la tension irrésistible créée par la la juxtaposition de la facette philosophique, sobre et méditative de Rousseau et de sa rage passionnée contre les fléaux de la société. Il souhaite se montrer en paix avec lui-même dans son dernier livre, complètement détaché de la société et heureux de l'être : pourtant sa fierté et son sens de l'injustice le trahissent sans arrêt.
Ce récit est donc un précurseur des grands romans écrits sur le thème de la solitude et du désespoir des écrivains.
Ma promenade préférée ? Peut-être la septième...
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Voilà un livre que j'ai choisi de relire dans le cadre de ma 3ème année de licence. Pour une fois qu'on nous donne le choix d'une lecture, je n'allais pas m'en priver !

Lu une première fois au collège, le livre m'avait marquée par son ton (je pensais que Rousseau était définitivement misanthrope ce qui convenait fort bien à mon état d'esprit à l'époque) et par la place que l'auteur accordait à la nature. Deux décennies plus tard, je retrouve avec plaisir les états d'âme de Rousseau.

Cette oeuvre inachevée est celle de la maturité, de l'acceptation du monde. Au fil de ses promenades, Rousseau se réconcilie avec l'idée qu'il se fait de lui-même. Mener une vie paisible et quelque peu isolée (son isolement fut subi au départ, et finalement recherché vers la fin de sa vie) herboriser, c'est un peu le secret du bonheur. Il ne cherche plus à se justifier (Rousseau écrit pour lui, non pour le lecteur) mais part du constat que puisque la société des hommes ne lui a apporté que des désagréments, il vaut encore mieux s'en passer.

Une certaine ambiguité plane sur ces réflexions : Rousseau s'éloigne de la société des hommes à force d'amères désillusions et de souffrances. Il trouve enfin la paix dans l'isolement et cependant il ne hait point ses semblables. Il écrit pour lui, pour parfaire sa connaissance de soi et cependant, un lecteur lui est nécessaire.

Le personnage lui-même était bourré de contradictions (mais qui ne l'est pas ?). Il abandonne ses enfants à l'assistance publique mais écrit un traité sur l'éducation, épouse une lingère dont la personnalité est à mille lieux de la sienne mais tombe régulièrement amoureux de belles dames, ce qui lui occasionne bien des brouilles avec ses amis, se fait de nombreux ennemis "littéraires" et se croit victime d'un complot (mais comment démêler le vrai du faux ?), mais sa nature soupçonneuse finit même par décourager ses véritables amis... bref, un homme qui était vraisemblablement destiné à vivre seul...

Enfin, il insiste pour ne pas confondre rêveries et méditations mais la frontière demeure parfois floue entre ces deux notions. Et ces rêveries sont nécessaires à l'homme.

Résigné peut-être, indifférent assurément, Jean-Jacques Rousseau nous offre ses plus belles pages sur la recherche du bonheur et l'introspection. S'il règne un parfum de mélancolie sur cette oeuvre, il ne s'en dégage pas moins une impression de paix et de sérénité, une harmonie découlant du contact répété avec la nature, qui constitue le réel point d'ancrage de la vie de Rousseau. Un très beau livre pour lequel j'ai toujours autant d'affection.

"La source du vrai bonheur est en nous".

Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Jean-Jacques Rousseau, comme Molière, est mort sur son dernier acte, mais non sur scène. C'est en effet retiré du monde à Ermenonville qu'il écrit les Rêveries du Promeneur Solitaire avant de s'éteindre.
J'avoue avoir été ému par ces promenades rêveuses d'un homme malade, solitaire, gagné par la paranoïa, qui se retire du monde après avoir été le formidable polémiste du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ou du Contrat social.
Le "Je" romantique de ces dix promenades -la dernière, symboliquement, inachevée- m'a fait penser aux pages les plus douces des Contemplations de V. Hugo ou De Chateaubriand, mais aussi à la franchise de Montaigne. Si Rousseau avait pour intention d'emporter l'empathie de ces contemporains, alors la fomule est très habile... mais je n'en crois rien. A la lecture, on imagine très bien cet amoureux de nature, herborisant parmi les collines, et devisant sur la vie au crépuscule de la sienne.
C'est à la fois un ouvrage de pensées philosophiques, et empreint d'une grande poésie. J.J. Rousseau explore avec nous les chemins de campagne le menant au bonheur intérieur, dans l'ici et maintenant. Ce rapport entre un état de quiétude de l'âme et la marche est, je crois, bien connu des marcheurs, et Rousseau en parle à merveille.
Cet effort d'introspection ne pouvait qu'être mal perçu de ses contemporains mais peut-être y-a-t-il plus aujourd'hui à tirer pour le lecteur du XXième siècle de ce texte méditatif interrogeant la sagesse intemporelle que de ses grands textes de philosophie politique, désormais intégrés à la pensée commune, ou de l'Emile, à la pédagogie surannée.
Tout en étant cohérent avec sa philosophie politique sur l'homme et sa liberté, ce dernier texte est comme un chant du cygne, empreint d'un grand romantisme. Rousseau ne cherche plus à convaincre, laisse ici vagabonder son coeur en liberté ; c'est très beau, et du coup touche plus que le meilleur des discours.
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La dernière oeuvre de Rousseau, écrite pour lui, à la fin de sa vie (il ne l'a terminera pas d'ailleurs). À travers ses "promenades", il nous fait partager son introspection (et ses contradictions) ainsi que son amour de la nature. J'avoue avoir été attendri par quelques passages même si j'ai trouvé un Rousseau plutôt las et épuisé. Quand même un classique à lire pour mieux comprendre l'auteur.
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je vous invite à suivre Rousseau dans ses Rêveries solitaires.
Ecrites dans les dernières années de sa vie, en parcourant les allées d'Ermenonville, ces textes sont l'occasion de mêler littérature et philosophie, d'herboriser, de rêver.
Les écouter est un grand plaisir, vous n'êtes plus le lecteur qui fait un effort mais l' auditeur qui se laisse porter par le texte.
Vous entrez en communion avec la nature aux côtés de Rousseau, vous éprouvez ce sentiment de plénitude que les Rêveries distillent.
Texte qui est à la fois une méditation sur la nature et sur le temps.
"Avant une heure, même les jours les plus ardents, je partais par le grand soleil, pressant le pas, dans la crainte que quelqu'un de vint s'emparer de moi avant que j'eusse pu m'esquiver ; mais quand une fois j'avais pu doubler un certain coin ; je commençais à respirer en me sentant sauvé, en me disant : Me voilà maître de moi pour le reste du jour." (Lettre à Malesherbes)

Rousseau y fait appel à ses souvenirs, ses bonheurs, sa solitude, les détails de sa vie qui approchent l'autobiographie, des réflexions philosophiques, autant de promenades paisibles qui nous aident à mieux connaître l'écrivain et sa pensée, une invitation au voyage.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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En cette ère où l'introspection et l'autocritique n'ont plus tellement cours, il fait bon s'ancrer dans ces Rêveries d'un promeneur solitaire. Jean-Jacques Rousseau a connu de son vivant la notoriété mais aussi l'opprobre de ses contemporains et en a tiré des leçons de vie qui s'appliquent toujours pour tout être humain souhaitant s'affranchir de l'opinion d'autrui.
Le récit débuté en 1772 et se terminant en 1776, nous livre le contenu de dix promenades au cours desquelles Rousseau aborde avec franchise son désabusement, son impuissance, ses doutes et ses certitudes, ses vérités et ses mensonges, sa solitude, son imposant besoin d'être près de la nature, son hypersensibilité et ses amours. Ce grand philosophe n'a eu de cesse de fouiller au plus profond de lui-même afin de trouver le meilleur angle pour atteindre enfin une certaine sérénité.
Et j'ai peine à m'imaginer comment une telle âme sensible aurait pu surnager dans notre univers de communications tous azimuts, lui qui se navrait déjà à son époque des rumeurs et des ragots... Une lecture à soumettre à tout homme et femme de bonne volonté.
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Même lorsqu'il écrit des choses un peu vaines ou qu'il se complaît dans un délire obsidional, la prose de Rousseau charme par la beauté de son style. J'ai peu aimé les promenades les plus autobiographiques. J'ai goûté en revanche avec délectation les cinquième et septième promenades qui évoquent la rêverie, cet état de demi conscience où le corps n'est plus relié au monde que par les sens. Pour un homme désormais retranché de la société, seuls comptent désormais quelques moments d'extase, ceux où, par exemple, allongé dans une embarcation qui dérive au fil de l'eau, on prend conscience de son existence les yeux tournés vers le ciel :

"Mes idées ne sont presque plus que des sensations, et la sphère de mon entendement ne passe pas les objets dont je suis immédiatement entouré".
Septième Promenade

C'est dans ce même état qu'on lit parfois les Rêveries, bercé seulement par le charme des mots savamment agencés, même lorsque leur sens nous échappe.


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"Chaleur, mélodie pénetrante, voilà la magie de Rousseau. Sa force, comme elle est dans l'Emile et le Contrat Social, peut-être discutée, combattue. Mais par ses Confessions, ses Rêveries, par sa faiblesse, il a vaincu; tous ont pleuré." Jules Michelet, Histoire de la Révolution française 1847
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