Elle résiste, ma main
à prendre la poésie par le cœur
pour étaler le désir nu
qui n’a d’espace que le soir
lorsque chante l’engoulevent
Elle résiste, la terre
à monter à ma bouche
et glisser sous ma langue
ses sursauts d.épices fines
ses délires de muscades
Il résiste, le jour
à se donner, cru et vif
comme une grenade
dans ses automnes écarlates
et l’écriture mouvante
de ses branches porteuses
Le corps veut tomber
mais la main insiste pour écrire
l’autre soutient la tête désespérée, écartelée
entre fatigue et néant
la minute bascule dans le passé et accentue la chute
le jour va céder ses droits, mains liées
pour se précipiter dans l’avenir
alors l’évidence
je n’ai rien fait aujourd’hui à part cet effort
ultime de ma plume pour retenir le présent
Fracturé par le vide, le présent
s’amenuise entre les doigts et glisse
les cailloux ne tiennent plus dans la main
au bout du jour le poète les ramasse
pour rassembler l’instant
et naître au délice
de jouir à travers les minutes en lice
Fuite sous la vie
comme sable sous la mer
temps périssable, rongé d’énergie
la passion le tue
aussi sûrement que l’ennui l’évide
le poème le palpe, s’en caresse
seul sait libérer la vague
sans que le sable se retire
En chaque pas retenu
l’instant culbute dans le néant
et pose le décompte
du présent qui n’a pas lieu
le jour file sous le pied
comme défile la route immobile
vers ailleurs
le nuage insensé
récupère le mouvement