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4,01

sur 2052 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Cette critique est dangereusement subjective. J'ai en effet le privilège de connaître personnellement Jean-Christophe Rufin.
En poste au Sénégal, nous avions appris avec surprise sa nomination comme ambassadeur. Nicolas Sarkozy venait d'être élu et la tradition qui réservait aux seuls diplomates de carrière les postes d'ambassadeur était battue en brèche. Ecrivain déjà célèbre (il avait obtenu le prix Goncourt en 2000 pour "Rouge Brésil"), Jean-Christope Rufin a été accueilli à l'ambassade avec une certaine appréhension : ce non-professionnel allait-il prendre toute la mesure de la tâche ? ne considèrerait-il pas son séjour à Dakar comme une résidence d'écrivain ?
Nos réticences furent vite balayées. L'écrivain serait ambassadeur à temps complet. Et même son élection à l'Académie française ne le détournerait pas de sa tâche. Pendant trois ans il l'accomplit avec un zèle exemplaire et un courage peu courant. Il tint tête au président de la République Abdoulaye Wade, engagé dans une lente dérive autoritaire, et faillit à plusieurs reprises être rappelé à Paris. 3 ans après son départ, son souvenir reste vivace au Sénégal.

"Le grand Coeur" n'a rien à voir avec l'Afrique. Après quelques tentatives à mon sens peu réussies (quoiqu'appréciées du public) de polar écrit dans le style américain ("Le parfum d'Adam", "Katiba"), JC Rufin revient chez Gallimard et y retrouve la veine de "L'Abyssin" ou de "Rouge Brésil". Un ample roman historique, un héros charimatique au destin hors du commun, un style d'une extrême élégance qui ne verse jamais dans le maniérisme ...

Mais quand JC Rufin nous parle de Jacques Coeur, c'est aussi - c'est peut-être surtout - de lui-même qu'il nous parle. Et c'est dans cette mesure que son livre m'a intéressé et touché.

Ce qui le définit d'abord, c'est son attirance pour l'Ailleurs. Jacques Coeur - comme JC Rufin - est attiré par les confins du monde. Il en a une approche très sensorielle : les odeurs, les sonorités des langues, la physionomie des populations influncent sa perception. du coup, ce personnage est parfois insaisissable : alors qu'on le croit ici, il est déjà en partance vers là-bas.
Autre trait caractéristique de Jacques Coeur (et de JC Rufin !) : c'est un touche-à-tout de génie qui réussit, avec une apparente désinvolture, dans tous les domaines. A lire la biographie de Jacques Coeur, on a l'impression que sa vie s'est jouée à son insu : la chance, les hasards ont fait de ce fils de pelletier l'Argentier du Roi, la plus grosse fortune de France, l'amant d'Agnès Sorel et l'ami du Pape. La vie de JC Rufin, qu'il relate dans "Le léopard sur le garot", est, si l'on croit celui qui la raconte, elle ausi, le résultat d'heureuses coïncidences. Aveu sincère ? pose faussement modeste ? ou suprême élégance à euphémiser les efforts et le travail sans lesquels il n'est pas de réussite ?
Jacques Coeur, comme JC Rufin, est un solitaire. Il ne fait partie d'aucune coterie, d'aucun clan. D'origine modeste, il n'a pas hérité ses titres de ses ancêtres. Il s'est fait seul, sans verser pour autant dans le carriérisme ou l'arrivisme. Il a une conscience aiguë de la fragilité des choses et de leur caractère éphémère. Il connaît la fragilité des honneurs.
Jacques Coeur (comme JC Rufin) est fasciné par le pouvoir et par les hommes qui l'exercent. Il les fréquente, il les connaît, il lui arrive même de partager leurs passions. Mais il ne leur sacrifiera jamais son indépendance. Il porte sur eux un regard amusé, distancié, souvent critique. Au fond il s'en méfie. leurs valeurs ne sont pas les siennes.

J'ai aimé le Grand Coeur. Car j'y ai retrouvé un Grand Monsieur.
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Ce roman riche et documenté exalte un destin exceptionnel, celui de Jacques Coeur : un simple roturier qui devient noble à la cour du roi Charles VII et l'un des hommes les plus puissants de son époque.

Ayant connu la splendeur et puis la disgrâce, ce marchand aventurier, ambitieux est l'exemple de la réussite par la force du travail mais aussi de l'intelligence, de la ruse et de « l'arrivisme ».

Par son écriture fluide et soignée, Jean-Christophe Rufin parvient à conjuguer histoire et érudition pour un résultat d'une étonnante modernité.

On retrouve sa langue élégante, son sens de la société et des thèmes qui lui sont chers et dans lesquels il se reconnaît.

A la croisée entre fiction, biographie et sociologie, Jean Ruffin frappe d'abord par l'acuité avec laquelle il retranscrit le parcours aussi savoureux que tumultueux de Jacques Coeur.



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« Le grand coeur » est le retour de Jean-Christophe Rufin au roman historique que j'avais beaucoup aimé avec « L'Abyssin » ou « Rouge Brésil » récompensé du Goncourt. Retour au XVème siècle, ou Jacques Coeur négociant, grand voyageur, homme ambitieux et fidèle deviendra grand argentier de Charles VII avant sa disgrâce. Ces mémoires romancées nous donne un récit solidement documenté, sur la vie de l'époque, des manigances, des jeux de pouvoirs. L'écriture privée de tout dialogue est très agréable à suivre, ces amours avec Macé son épouse, avec Agnès Sorel favorite du roi que Jacques Coeur aimera profondément sans que Charles VII ne devine l'attirance réciproque, sa soif de richesse et l'achat de nombreux châteaux et demeures, la fidélité à ce roi manipulateur, à ces associés et ces serviteurs. Rufin redonne vie à ce personnage avec délicatesse et talent. le portrait d'un homme attachant que l'on quitte le coeur serré.
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A la vue du trio gagnant Académicien + Moyen Âge + Agnès Sorel en couverture, mon sang n'a fait qu'un tour : il me fallait ce livre ! de ce voyage au XVème siècle, où pointent les raffinements De La Renaissance et les splendeurs de l'Orient, je reviens éblouie.
Mention spéciale pour la postface qui explique la genèse du roman. Originaire de Bourges, Jean-Christophe Rufin a toujours été fasciné par le palais Jacques Coeur, mi-Moyen Âge, mi-Renaissance, au point de faire des recherches sur son créateur, dont le destin s'est avéré extraordinaire. 
A la faveur de rencontres décisives et d'un sens du commerce visionnaire (l'ouverture à l'Orient), ce modeste fils de pelletier amassa la plus grande fortune de France, devint l'Argentier du roi Charles VII et même l'ami du pape. Il contribua à terminer la guerre de Cent Ans et à résoudre le grand schisme d'Occident, avant de tomber en disgrâce et de mourir en exil sur une île Grecque. 
Pourtant, dans les documents d'époque, Jacques Coeur est au mieux méconnu et au pire calomnié. C'est pourquoi Rufin a décidé de lui rendre hommage en lui offrant un "tombeau romanesque" à la manière de Marguerite Yourcenar dans ses "Mémoires d'Hadrien".
Jamais épitaphe ne fut plus réussie ! le propos brille d'intelligence et le style de perfection. Je me suis retenue pour ne pas prélever des citations à chaque page et j'avoue avoir relu certains passages plusieurs fois pour mieux les savourer.
Mon unique reproche, puisqu'il faut bien en trouver un, est une certaine froideur dans ce long monologue de Jacques Coeur. A mon sens, l'insertion d'un peu plus de dialogues aurait contribué à rendre les personnages plus vivants et accessibles. Rufin l'a fait pour quelques scènes et celles-ci sont d'une rare intensité.
Ainsi, la description de Charles VII en roi chétif et calculateur est saisissante d'acuité. Sa première rencontre avec Jacques Coeur, vraiment théâtrale, constitue l'un des passages les plus réussis du livre. 
J'ai aussi beaucoup apprécié le portait tout en tendresse d'Agnès Sorel, la première favorite royale. Ses liens avec Jacques Coeur sont présentés comme une amitié amoureuse entre deux âmes soeurs. Et dans cette intimité onirique, une fois son masque tombé, le grand Coeur se révèle soudain beaucoup plus humain, donc vulnérable, qu'il n'y paraît.
Amateurs d'Histoire et de belles lettres, ce livre est pour vous !
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Un excellent roman historique analysant avec finesse cette période troublée où le royaume de France aurait pu sombrer sous le choc des guerres menées par les Anglais et les Bourguignons. Vinrent Jeanne d'Arc, le sacre de Charles VII et bien sûr Jacques Coeur sujet du livre- et du Roi. Un style fluide mais foisonnant, un vrai talent d'écriture, une lecture aisée et rapide de ces-pourtant- 592 pages. Tout est vrai, seule la relation entre Jacques Coeur et Agnès Sorel, maîtresse -pour la première fois- officielle du roi semble plus romanesque qu' historique. Une mine d'informations sur cette période de notre moyen-âge qui a vu la fin de la chevalerie et des croisades et où les richesses de l'orient et l'influence majeure du Quattrocento italien en particulier dans la Florence des Médicis vont faire exploser le commerce, véritable vecteur de paix mais aussi l'art, porté par le mécénat des puissants. Une superbe fresque, une aventure épique, un décryptage éblouissant de la politique européenne!
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" Je suis l'as qui pique ton coeur " pourrait être la devise de Jacques Coeur, un personnage que nous fait découvrir avec brio Jean-Christophe Rufin, romancier hors pair et éclectique que l'on a beaucoup de plaisir à retrouver dans cette veine épique, l'une de ses marques de fabrique.

Voici un roman qui parle de coeur dans tous les sens du terme. Tout l'art de Jean-Christophe Rufin est de nous faire découvrir un personnage dont le nom recèle une multitude d'évocations, mais souvent de manière floue. Jacques Coeur ? Ah oui, ce bourgeois qui a vécu à la charnière du Moyen Âge et De La Renaissance. Mais qui était-il, déjà, quel rôle a-t-il joué ? C'est à ces questions que répond Jean-Christophe Rufin en retraçant l'épopée de ce fils de fourreur observateur et opiniâtre, au nom prédestiné. Jacques Coeur est né vers 1400 à Bourges et est mort en 1456 sur l'île de Chios, pourchassé par ses ennemis. Il accompagne souvent son père au cours de ses livraisons de pelisses aux nobles de la région. Ce qu'il observe alors le marque profondément : la manière dont les puissants traitent son père et le mépris dont ils font preuve à son égard le révoltent. C'est ainsi qu'il décide très tôt que sa vie sera différente. Il rêve de voyager, de partir loin, de faire fortune et en quelque sorte de venger son père par sa propre réussite commerciale. Grâce à son ingéniosité et à sa détermination, il met ses projets à exécution. Et plus encore puisqu'il accède, par diverses circonstances et aussi grâce à une volonté inébranlable, aux faveurs du roi Charles VII. On lui confiera la charge de Grand Argentier de France. Dans le même temps, il devient le confident du roi. Mais ce n'est pas si simple d'être dans l'intimité du plus puissant personnage de France ; c'est une tâche à la fois gratifiante et pleine de dangers. Surtout quand l'amour s'en mêle sous la forme de la belle Agnès Sorel, décidément irrésistible? et maîtresse du roi. Une très belle relation d'amitié et d'amour platonique, aiguillonnée par le danger, naît entre Jacques et Agnès. Si le roi s'en aperçoit, c'est la condamnation immédiate pour les deux amants…

Ce roman est beaucoup plus qu'une simple biographie romancée et extrêmement bien documentée. le Grand Coeur , c'est aussi l'occasion pour Jean-Christophe Rufin de démontrer, à travers son talent de romancier, que, quelle que soit l'époque, les caractères et les sentiments humains n'évoluent finalement pas tant que cela. Les hommes sont ambitieux, vaniteux, avides de pouvoir, ils sont prêts à beaucoup intriguer pour parvenir à leurs fins, ils pratiquent la ruse sans vergogne ; mais les hommes sont heureusement aussi capables de rêver et d'aimer ; et leur sincérité les rend merveilleux. le lecteur se sent constamment proche des personnages, vit et palpite avec eux.

Si vous avez aimé Rouge Brésil , vous aimerez le Grand Coeur que vous lirez d'une traite en vous plongeant dans une période qui ne vous paraîtra pas si lointaine, tant les similitudes avec certaines problématiques contemporaines sont habilement dépeintes.

Un roman à la hauteur des ambitions de son auteur : intelligent, fin, merveilleusement bien écrit. Quel bel hommage à Jacques Coeur !


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Bourges, la ville de Jacques Coeur, argentier du roi et celle de Jean-Christophe Rufin. L'un se devait de rendre hommage à l'autre.
On connait par ailleurs la formidable réussite du grand bourgeois et ses malheurs aussi. Mais dans un récit à la première personne et quelle personne ! Rufin revisite l'existence de ce génie hors normes.
Précurseur en tant de domaines, initiateur de l'esprit de renaissance, grand pourvoyeur de fonds et donc responsable de la reconquête du territoire de Charles VII sur l'anglais et de l'assise d'un nouveau pouvoir royal.

Roman d'une confrontation entre deux visionnaires, l'un froid et abject ne renonçant à rien pour parvenir à ses fins, l'autre semblant être tirés par ses succès et renonçant parfois lui aussi à sa morale pour les affermir. Roman d'un envoûtement, celui de la diaphane Agnès Sorel dont la beauté sera doublement sacrifiée aux ambitions des uns comme des autres.
Roman enfin du long parcours initiatique d'un homme qui ira de l'extrême richesse au dépouillement final.
L'ouvrage de Jean-Christophe Rufin est d'une lecture fluide et agréable qui fait parfois oublier quelques écarts avec l' Histoire mais replace avec justesse aussi le rôle essentiel de ce grand commerçant précurseur du renouveau français en cette fin de Moyen âge.
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Un grand roman extrêmement bien écrit (et le mot est faible) sur une époque peu décrite dans les romans, le Moyen Age.
Monsieur Rufin est selon moi un orfėvre ; et ses idées humanistes parsèment son texte de petites lucioles délicieuses et intelligentes.
J'aurais cependant apprécié qu'il soit un peu moins long....
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Très beau roman que ce Ruffin-là qui nous conte à la première personne la vie de Jacques Coeur (le Grand Coeur, très beau titre), personnage à la croisée de deux époques : la fin du moyen-âge sombre - ses croisades, ses guerres, son obscurantisme- et la Renaissance - l'ouverture vers d'autres mondes, l'échange culturel et commercial. Plus encore que l'histoire avec un grand H, son histoire d'amour avec Agnès Sorel, femme forte et fragile à la fois, nous emporte. Ses relations ambiguës avec le roi, personnage torturé et complexe, sont décrites très finement. Très beau portrait d'un homme qui sous l'apparence de ne rechercher qu'argent, honneurs et gloire, était en somme, tout simplement à la quête du bonheur, de l'art, de la beauté.
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Jean-Christophe Rufin se met dans la peau de Jacques Coeur pour nous offrir des confessions imaginées. Mais qui est donc cet homme au si joli nom ? Jacques Coeur (+-1400-1456) « est un marchand français, devenu négociant-banquier et armateur. Il fut l'un des premiers Français à établir et entretenir des relations commerciales suivies avec les pays du Levant » (source : Wikipédia).
L'auteur va nous en apprendre (et nous en inventer) bien plus sur ses actes en tant que marchand mais aussi en tant qu'homme.
Nous sommes dans le basculement d'une époque vers une autre, les usages seigneuriaux périclitent face, entre autre, à l'émergence d'une nouvelle puissance économique. La nostalgie de l'idéal de chevalerie se ressent, ce bel ordre perd ses lettres de noblesse et l'argent prend de plus en plus d'importance.
Rufin parvient à nous émerger totalement dans cette période charnière de fin du Moyen-Age, c'est un plaisir de suivre le conteur qu'il est. Outre sa manière de raconter l'Histoire, il parvient sans peine à nous emballer. Ambition, amitié, amour, voyages : la vie de Jacques Coeur est bien remplie et même si parfois le caractère trop introspectif du personnage m'a agacée, j'ai suivi son parcours avec enthousiasme.
En conclusion, c'est un très bon roman historique. C'est un retour dans le temps instructif et passionnant.
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