Deux soeurs, Justine et Juliette, toutes deux sorties (trop tôt ?) du couvent, vont connaître des destins contraires, l'une utilisant ses charmes pour réussir dans la vie, l'autre (celle qui est au coeur de ce récit) laissant la religion la guider, sa vertu restant inentamée malgré les malheurs qui vont s'abattre sur elle tout au long de sa (courte) vie. La philosophie de
Sade est connue, il prend le contre-pied de celle de
Jean-Jacques Rousseau (l'homme est naturellement bon, c'est la société qui le corrompt). Tous deux s'accordent pour dire que la société est mauvaise, mais l'un la remet en question alors que l'autre (le "divin" marquis) l'accepte comme telle et pense que l'homme, étant foncièrement mauvais, doit en tirer le meilleur profit. Bref, le marquis de
Sade, quoiqu'on en dise en bien ou en mal, est étonnamment moderne, puisque l'effondrement des idéaux issus de la vision socialisante de Jean-Jacques a aujourd'hui laissé la place à l'opportunisme et, par réaction, au fanatisme. Que l'on adhère ou non à la philosophie de
Sade, il reste un récit très bien écrit (en quinze jours, du fond de sa prison !), vivant, qui se lit (presque) comme un roman policier. On a envie de la voir s'en sortir, cette belle et tendre Justine, et de voir ses bourreaux enfin punis et la vertu récompensée. Roman philosophique ? Voire, mais sans doute un excellent roman d'aventures, qui se lit d'une traite et avec un réel plaisir.