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EAN : 9782283029978
144 pages
Buchet-Chastel (25/08/2016)
4.04/5   91 notes
Résumé :
libretto 144 p

À Tel-Aviv, un homme apprend par courrier le suicide de sa grand-mère, Vera Kaplan, dont il ignorait l’existence. La lettre, venue d’Allemagne, est accompagnée de l’ultime témoignage de la défunte et d’un terrifiant manuscrit : son journal de guerre, celui d’une jeune Juive berlinoise qui, d’abord pour sauver ses parents puis simplement pour rester en vie, en est venue à commettre l’impensable – dénoncer d’autres Juifs, par centaines. D... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
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Ce court roman sans complaisance conte le témoignage inspiré de l'histoire vraie d'une jeune juive allemande dont le petit - fils , qui vit à Montréal, apprend par courrier le suicide d'une grand- mère dont jusque là il ignorait l'existence .....
Ce courrier est accompagné de l'ultime récit de la défunte et d'un terrifiant manuscrit , son journal de guerre où elle fait l'aveu impensable : la dénonciation d'autres juifs par centaines, aidée par son amant Karl.
Vendre les siens pour se sauver elle , mais surtout ses parents.
L'auteur utilise ce cahier intime pour nous donner à comprendre les choix de Vera Kaplan .
Il interroge avec force sur la Trahison à l'aide d'une écriture dynamique et juste, fluide et sensible, douce et sans pathos.
Le lecteur est emporté, attentif, heurté, questionneur, bousculé et horrifié : compassion, compréhension, dégoût, stupeur, haine ?
Cette Vera est ambivalente et fascinante.
Elle devient la "victime" monstrueuse et cruelle de sa pulsion de vie Inhumaine .....
Trahir et dénoncer les siens ?
Trahir la confiance de ceux dont le seul crime était de lui ressembler ?
Elle est coupable d'avoir voulu vivre, c'est une héroïne malgré elle, marquée du sceau de l'infamie, grâce oú à cause d'un instinct de survie dévorant et féroce.

Vivre , vivre à tout prix quoiqu'il en coûte tout en se rendant compte, dans le catafalque de sa mémoire meurtrie et douloureuse qu'elle allait à l'encontre du sens commun !
La seule question qui vaille : Comment se comporte l'être humain en situation exceptionnelle, désespérée ?
À une époque extraordinaire ?
Difficile de répondre!!!

Comment aurions nous fait ? Nous ?
Un récit particulier, sombre, poignant , déchirant et lumineux (en partie à cause de la réaction mesurée et digne du petit- fils ) car nous ne sommes ni dans le martyr, ni la victimisation, ni la bien pensance .
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J'aime lire les articles de Laurent Sagalovitsch dans Slate. Il était temps d'ouvrir un de ses romans. Autant commencer par celui qui se déroule durant la seconde guerre mondiale, et qui s'inspire de la vie de Stella Goldschlag, alias « le Grappin », une juive allemande qui collabora avec la Gestapo pour traquer les juifs cachés dans la ville de Berlin. On estime qu'elle provoqua l'arrestation d'environ 600 à 3 000 personnes .Capturée par les Russes en 1945, Stella Goldschlag passa dix années dans les camps soviétiques.

Laurent Sagalovitsch imagine ce que furent ses pensées et ses sentiments à travers des lettres et un journal intime, une sorte de testament qui n'est plus vraiment celui de Stella Goldschlag -ce n'est pas une biographie- mais celui d'un double qui devient Vera Kaplan.
Portrait dérangeant d'une femme dépeinte dans toute son ambivalence, le roman questionne aussi le lecteur. Que sommes-nous prêts à faire pour survivre et sauver les gens que l'on aime? Vera Kaplan n'est pas une femme prête à tout par cupidité, mue par l'appât du gain, comme les membres du Groupe 13 par exemple. Elle accepte de trahir pour éviter la déportation à ses parents, puis pour sauver sa vie. Sagalovitsch illustre bien ses atermoiements, la peur, les scrupules, le cynisme, l'indifférence, les remords et les doutes, qui s'emparent d'elle de manière cyclique. Peu lui importe si elle eut la vie sauve en servant d'appât pour une partie de chasse géante dans les rues de Berlin. Vera Kaplan possèdait une fureur de vivre exacerbée par l'époque, pour laquelle elle paya le prix fort, puisque les siens connurent le même sort que les autres.
Laurent Sagalovitsch montre aussi à quel point elle ne fut pour la Gestapo qu'un instrument destiné à faire grossir les listes de prisonniers lors des grandes déportations de juifs berlinois vers les camps d'extermination. « Les destins extraordinaires sont le fait d'époques extraordinaires. Si celui de ma grand-mère l'a été, c'est qu'elle a vécu à une époque extraordinaire. (…) Née à une autre époque, à une toute autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale- mais elle est née à Berlin en 1922. »
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L'avantage des récits sur la Seconde Guerre mondiale est que l'auteur est quasi-sûr de trouver un public. Et d'avoir des tas de trucs à raconter tant la période est riche. L'inconvénient reste que la probabilité de finir noyé dans une masse grouillante de congénères est plus qu'envisageable.
Pour laisser une chance à son récit de garder la tête hors de l'eau, Laurent Sagalovitsch opte donc pour un angle peu exploité. Car l'originalité ça paye parait-il. La trame de fond sera la dénonciation de juifs par d'autres juifs, en la personne de Vera Kaplan (inspirée de Stella Goldschtag. Un petit tour sur la page Wiki permet d'avoir un aperçu de la dame).
Première impression : bouh c'est moche ça. Sauf que t'étais pas là-bas Yass, alors tais toi et lis. Car Vera justifie le pourquoi de ce choix. Ou non-choix. Au choix.

Deux parties permettent de comprendre les motivations de cette jeune femme juive manipulée par ces foutus nazis.
La première moitié du roman, longue lettre d'adieu de Vera Kaplan avant son suicide m'a vite lassée. Trop long pour une mise en bouche, rien d'attrayant et pas mal de redites. Mon coeur est resté aussi froid qu'une pierre tombale, aucune émotion à l'horizon. Mais je suis difficile, c'est maman qui l'a dit. Donc nichts. Et que je te tourne autour du pot sans même filer un croûton à mâchouiller à bibi qui trépigne de fourrer son nez dans le fichu pot justement! Mais quand débute enfin le journal de guerre écrit par la même Vera quelques cinquante ans plus tôt, enfin, on peut s'attacher à ce personnage. Bon, s'attacher j'y vais un peu fort. Mais tenter de comprendre ce qui pousse à collaborer avec l'ennemi abhorré pour éviter de méjuger serait plus juste. Ne surtout pas juger. Ne pas juger car on ignore ce que l'on aurait fait à sa place, nous autres pauvres lecteurs avachis au fond du canap', le gras sur les os, et sans une bombe qui tombe dans le jardin ou sur nos vaches bien grasses, qu'on devrait donc bientôt retrouver entre deux frites chez le bon vieux Ronald. Ne pas juger donc. Même si t'en as un peu envie quand même sur ce coup là... La seule faute aux coucheries de la Vera qui ne me l'ont pas rendue sympathique.

Somme toute, Vera Kaplan reste une histoire de vie hors normes qui mérite d'être lue sans laisser toutefois un souvenir impérissable. Et si la parole est largement dominée par l'intéressée, je retiendrais davantage les quelques trois quatre pages consacrées au regard du petit-fils, sage et recueilli. Notamment le dernier paragraphe. Conclusion imparable et redoutable de vérité.

(Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour cet envoi)
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1998. Quatre ans après la mort de sa mère, une femme, seule, solitaire et malheureuse, un homme apprend la mort de sa grand-mère, Vera Kaplan, dont il ignorait tout. Sa mère, née en 1945 à Berlin, juive, ne l'avait pas revue depuis 1946...Il reçoit un héritage, une longue lettre, un journal intime datant de la seconde guerre mondiale. Dans la lettre et le journal, des réponses à la vie ratée de sa mère, à sa douleur et à sa solitude. La grand-mère, pendant la seconde guerre mondiale, a été une chasseuse de Juifs, une Juive dénonciatrice de Juifs. Elle l'a fait pour sauver la vie de ses parents, puis la sienne. A la fin de la guerre, elle a été jugée et condamnée à 10 ans de prison, et séparée pour toujours de sa petite fille, qui fut adoptée en Israël. (Jugée et condamnée par une cour allemande, avec des magistrats allemands, en 1946, ça vaut son pesant de cacahuètes, quand même...Que faisaient-ils deux ans plus tôt, ces gentils messieurs ? )
Je ne me sens pas du tout à l'aise avec ce roman, inspirée de la vie d'une certaine Stella Goldschlag. Cependant je pense que c'est parfaitement normal, et que c'est l'ambition de l'auteur. La jeune fille se trouve poussée, par la perversité extrême du système, à détruire de ses propres mains son humanité et son respect d'autrui et d'elle-même. C'est le même principe que les sonderkommandos dans les camps d'extermination, ces prisonniers juifs chargés de pousser les leurs dans les chambres à gaz, puis dans les crématoires, en échange de la vie sauve et d'un traitement correct pendant trois mois...Il n'y a pas à juger (même si on peut quand même féliciter la nature humaine que très peu de gens aient fait le choix de cette Vera hum hum hum), juste à observer le mal et ses rouages monstrueux, et comment, finalement, il a tout détruit autour de lui.
Les trois étoiles, c'est parce que l'auteur met du temps à entrer dans le vif du sujet (qui doit être dur à traiter). La première partie est composée de la lettre d'adieu de Vera à sa fille, cinquante ans après les faits, juste avant son suicide. Elle est longue et répétitive, car l'épistolière tente de se justifier mais ne raconte rien, les faits étant dans le journal, qui constitue la seconde partie du roman, vraiment plus intéressante.
Bref, une observation du mal à l'oeil nu, qui pousse le vice jusqu'à faire de ses victimes des bourreaux. Et un sentiment d'inachevé. L'auteur aurait pu aller plus loin, notamment avec les deux personnages du narrateur et de sa mère, dont on ne sait finalement que beaucoup trop peu de choses.
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Merci aux éditions Buchet-Chastel de m'avoir adressé le roman de Laurent Sagalovitsch, Vera Kaplan, dans le cadre d'une opération masse critique, Babelio.

Vera Kaplan, comme le lui a affirmé son avocat la veille de son procès, n'était-elle «...qu'une enfant, une malheureuse enfant prise au piège de l'Histoire.» ?
C'est la question à laquelle le livre de Laurent Sagalovitsch essaye de répondre.
Le narrateur est le petit fils de Vera Kaplan. Il apprend l'existence de cette grand-mère qu'on lui avait caché, en décembre 1998. Sa mère, Paula, la fille de Vera, est décédée depuis trois ans.
Il se retrouve seul avec la lettre de von Herr Kraus, notaire à Wiesbaden qui lui adresse le cahier et les carnets rédigés par Vera Kaplan et l'informe à la fois de l'existence et du suicide de la vieille dame.
Héritage insoutenable. Héritage inavouable. Héritage quand même.
Vera Kaplan était juive à Berlin aux pires heures de l'Allemagne nazie. Elle était une victime désignée. Mais, contrairement à d'autres, elle a « cru que sa destinée était de vivre.»
Elle a refusé le rôle de victime et, ce faisant, a endossé l'habit du bourreau.
Laurent Sagalovitsch s'est inspiré de la véritable histoire de Stella Golschlag pour écrire Vera Kaplan.
Il a eu la riche idée de faire parler le petit fils de Vera Kaplan. Un personnage à la fois proche et lointain. Proche par sa propre mère, Paula, dont il comprend mieux, en découvrant l'existence et le passé de Vera, l'origine du «...mal qui la rongeait et l'amenait à se conduire comme une clandestine de sa propre vie.». Lointain parce qu'il a vécu, comme sa mère l'a voulu, en dehors de son histoire.
Fiction réaliste, fiction destinée à nous interroger sur « la qualité de notre nature profonde lorsque « nous nous retrouvons confronté de plain pied à une situation à laquelle nous n'avons jamais été préparés.»
Sans emphase, sans pathos, sans prétendre donner de leçons, la force de ce livre est de nous transformer en spectateur actif. Comme le petit fils. Nous apprenons l'existence d'un fait. Nous l'analysons avec les yeux de Vera Kaplan en lisant son cahier, dont elle dit, s'adressant à sa fille, qu'elle l'a écrit parce qu'elle a éprouvé le besoin, après la prison, «...de me raccrocher à cette idée que tôt ou tard ce cahier se retrouvera entre tes mains à toi, puisque au bout du compte, j'en ai bien conscience, c'est à toi, et à toi seulement qu'il est destiné...»

Le regard de Vera sur son passé est double.
Le cahier fut écrit en 1998. Après qu'elle ait purgé une peine de dix ans de prison ; après qu'elle se soit engloutie dans la société allemande des années 1950-1960 - «Je n'aimais que les aventures furtives, les amours d'une nuit, les rencontres sans lendemain. (...) Longtemps j'ai vécu comme ça. Quand je suis sortie de prison j'ai eu un tel besoin de m'étourdir.» - ; après qu'elle ait renoué avec sa culture et soit devenu à trente-neuf ans, une interprète Allemand-Hébreu recherchée. Ce travail, elle en fait le support de sa quête éternelle et vaine, retrouver sa fille Paula qu'on lui a enlevée alors qu'elle n'avait qu'un an, qui a été confié à une famille d'accueil vivant en Israël.
«Si tu pouvais savoir combien j'aurais aimé parler avec toi en Hébreu, te parler et que tu me répondes, parce que te parler, je n'ai jamais cessé de le faire, en Allemand ou en Hébreu, du soir au matin, je te parlais, en silence ou à voix haute, dans la rue ou au milieu de ma cuisine.»
A la fin de la rédaction du cahier, Vera se suicide.

Le carnet, lui, écrit dans l'action, contient la transcription du déroulement des événements vécus, subis, voulus (?), par Vera, jeune, entre le 2 mars et le 19 juin 1944, et s'interrompt brusquement à cette date.
A l'hôpital juif de Berlin, où sa mère a été admise, elle rencontre celui qui, pour sauver ses parents de la déportation, va la convaincre de collaborer à la dénonciation de Juifs qui ont échappés aux rafles,.
«Et quand on s'est quittés en se donnant rendez-vous à la même heure, au même endroit, vendredi prochain, tu avais un si beau sourire que je n'ai pu m'empêcher de te sourire à mon tour, mais c'était un sourire d'adieu. C'était le sourire de la mort qui se réjouit d'avoir attrapé dans ses filets une nouvelle victime. C'était le sourire du monstre qu'en l'espace d'une journée j'étais devenue. Et avec qui je vais devoir apprendre à vivre.»
«Moi, j'ai l'impression que je me bat à ma façon. En restant en vie, en refusant d'accepter de devenir une de leurs victimes, je me conduis comme un être humain, pas comme une vache docile qu'on amène à l'abattoir. C'est devenu parfaitement clair ces derniers jours. Je vais me sauver.»

En inversant l'orde chronologique des écrits de Vera, l'auteur nous amène à comprendre le cheminement de sa pensée.
Vera adulte dit «J'étais mue par des forces que seul le temps, la lente décantation du temps, m'a permis de saisir et d'appréhender dans toute leur immense complexité.» ; alors que Vera jeune affirme « J'ai décidé que je n'aurais plus de remords. Je fais ce que je dois faire. C'est tout.»

Ce faisant, Laurent Sagalovitsch nous implique dans l'histoire, nous substitue à Vera. Une question : et moi qui aurai-je été ? traverse sans arrêt le roman, réminiscence de la citation de Valdimir Jankélévitch en exergue à la page 9.

La conclusion du récit appartient au narrateur. Il est Interrogé par son fils de onze ans, (l'âge auquel Vera a commencé à être confronté à la montée des violences nazies envers les Juifs), après qu'ils aient visité l'exposition, «La vie des Juifs à Berlin sous le Troisième Reich», consacré pour partie «...au rôle de chasseur joué par certains Juifs,...» :
«Sur le chemin du retour, Samuel, mon fils aîné alors âgé de onze ans, m'a demandé si ce qu'avait fait Vera était mal. J'ai réfléchi et j'ai fini par lui répondre que je ne savais pas. Aujourd'hui encore, je ne sais pas.»
Ces paroles ramènent à celles du procureur, gravées dans la mémoire de Vera :
«...qui donc peut se lever et dire avec la certitude la plus implacable, en toute conscience, moi, je sais qu'entre une vie déchue et une mort louable, j'aurais opté pour la mort, qui ?»

In memoriam :
Vera Kaplan : 1922 - 1998
Paula Kaplan : 1945 - 1995
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Personne, je vous le dis en face, personne, absolument personne, tant il est vrai que c'est seulement une fois que nous nous retrouvons confrontés de plain-pied à une situation à laquelle nous n'avons jamais été préparés que nous pouvons juger de la qualité de notre nature profonde, oui, c'est seulement à cet instant où le sang rouge et noir de l'Histoire charrie son fleuve putride et pestilentiel que nous savons enfin qui nous sommes vraiment, un lâche ou un héros, un oisillon ou un aigle, un traître ou un homme de bien, mais, puisque c'est ma charge et mon devoir de dire en cette enceinte où se situe le bien et où se loge le mal, je ne peux que répéter qu'il est du devoir sacré de l'homme par-delà toute éternité de s'effacer de la surface de la terre quand sa propre survie passe par le massacre collectif de malheureux innocents. Vera Kaplan n'a pas su, n'a pas pu, n'a pas voulu emprunter cette voie. Elle a voulu vivre. Vivre malgré tout. Vivre dans l'ombre de la mort de ses amis [...]
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Personne, je vous le dis en face, personne, absolument personne, tant il est vrai que c'est seulement une fois que nous nous retrouvons confrontés de plain-pied à une situation à laquelle nous n'avons jamais été préparés que nous pouvons juger de la qualité de notre nature profonde, oui, c'est seulement à cet instant où le sang rouge et noir de l'Histoire charrie son fleuve putride et pestilentiel que nous avons enfin qui nous sommes vraiment, un lâche ou un héros, un oisillon ou un aigle, un traite ou un homme de bien, mais puisque c'est ma charge et mon devoir de dire en cette enceinte où se situe le bien et où se loge le mal, je ne peux que répéter qu'il est du devoir sacré de l'homme par-delà toute éternité de s'effacer de la surface de la terre quand sa propre survie passe par le massacre collectif de malheureux innocents.
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Restant des heures dans ce grenier à la lumière griffée par les carreaux ridés de la meurtrière, à toucher ces lettres du bout des doigts, à les serrer entre mes mains comme si c'était toi que je caressais ainsi, à les porter au visage, à les embrasser, à m'imprégner de leur odeur en essayant de me persuader que tu y avais déposé tes propres empreintes, ta propre odeur, une partie de toi, jusqu'à ce que je finisse par ouvrir l'une d'entre elles e me mettre à la lire à haute voix, à te la lire, imaginant que tu te tenais dans un coin du grenier, assise sur un carton, concentrée, ta poupée posée contre ton cœur, ton pouce dans ta bouche, tes yeux grands ouverts, écoutant ce que ta maman avait à te raconter.
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Alors descend en toi, au beau milieu de cet océan de furies, une sorte de paix intérieure, ton âme déchiquetée se laisse doucement flotter, portée par cette certitude triomphale que bientôt toute cette agitation grotesque aura pris fin, que d'une manière ou une autre tu t'en iras rejoindre la grande nuit scintillante de l'éternité, que tu redeviendras enfin ce petit enfant retrouvant consolation et réconfort dans le ventre de la terre, là où tu pourras célébrer la joie infinie de n'être plus rien, juste un vague ramassis d'os servant à redonner à la terre une vigueur nouvelle.
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Oui, et je le dis avec toute la gravité dont je puis être capable, conscient du tragique presque insupportable de mes dires mais restant assez lucide pour ignorer ce qu'aurait pu être ma conduite confrontée à ce dilemme infernal, car qui ici, dans cette salle, dans cette ville, dans ce pays où se sera tenue la plus effroyable des tragédies, qui donc peut se lever et dire avec la certitude la plus implacable, en tout conscience, moi, je sais qu'entre une vie déchue et une mort louable, j'aurais opté pour la mort, qui?
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Quand un homme de foi, confronté au vertige du silence de Dieu, est ramené parmi les vivants par un petit être aux yeux trop grands.
Fiche du livre : http://www.buchetchastel.fr/le-temps-des-orphelins-laurent-sagalovitsch-9782283033234
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