Au péril de son coeur

« Mon jumeau ! » Indéniable ressemblance physique ; tous deux étaient grands, bien découplés, de traits réguliers avec le même nez droit, des dentures éclatantes, un épi identique à la racine des cheveux châtain clair. Mais, au moral, ils différaient l’un de l’autre, d’ailleurs sans que leur entente en fût altérée. Jacqueline portait une sensibilité d’écorchée ; enclin à prendre toutes choses du bon côté, Florent répétait à sa sœur : « Ne t’exalte donc pas ! »

A défaut de diplômes qui m’autoriseraient à solliciter un job régulier, j’ai dû encaisser la présence d’une belle-mère, subir l’autorité qu’elle usurpait, apprendre comment on se dérobe à l’arbitraire. Voilà trois ans que je vis à Paris, seule ; sans férule, je crois m’être conduite avec honneur. Et j’ai l’intention de me prouver à moi-même que je ne suis pas une créature de luxe, figure-toi. Finissons-en !

La petite a un caractère infernal, aggravé d’un penchant à la manie de la persécution. N’importe quelle autre jeune fille remercierait le Seigneur pour la vie dorée qui lui est faite ! Elle, non. Et impérieuse… Tout cela n’a aucune importance ; n’y faites pas attention. Pas plus qu’à ses confidences, si jamais elle s’y livrait. Elle est un peu… Pour être indulgents, disons : portée à l’imagination.

Vos yeux sont plus bleus que la Méditerranée en ses plus beaux jours ! Que ce que je vous ai raconté ne vous tracasse pas ; el Pinar est assez vaste pour que chacun y vive et s’y ébatte à l’aise.

Plutôt frotter des parquets que de subir l’arrogance d’une fille de vingt ans à qui la méchanceté était passe-temps.