Voilà une aventure à la fois passionnante et amusante qui mérite le détour et surtout que l'on s'y plonge.
Piedad de la Viuda est le personnage principal et la voix narratrice. Nous la rencontrons au moment de la mort de son époux Benito, chef de l'entreprise familiale. Autour d'elle gravitent des personnages hauts en couleur comme son amie (pas si) fidèle Jotaerre, le policier farfelu Bermudez et bien d'autres dignes d'une fiction de
Tarantino ou des frères Cohen, le tout sur fond musical de boléros qui ont bercé son enfance.
Piedad est sur le point de fêter ses cinquante ans, elle mène une vie très confortable, rangée, presque soumise à sa condition d'épouse mais n'a pas perdu sa générosité ni sa naïveté. Lorsque son époux meurt dans un accident de voiture, elle se retrouve à la tête de l'entreprise (qui est d'ailleurs à son nom) dont elle va découvrir l'état financier déplorable qui va la mener à la faillite si elle ne tente pas de résoudre au plus vite ce problème.
Cette rencontre avec la réalité se passe sur une semaine, du lundi au lundi suivant. On se plonge dans la lecture d'une sorte de journal intime que semble nous lire Piedad. Et c'est là qu'apparait La Otra, cette autre Piedad qui vit au plus profond le la Piedad de Toujours. Mais celle-ci est plutôt du genre effronté, sans préjugés et amatrices des plaisirs et des excès de la vie. La colère, la pression et l'alcool font qu'elle prend vie et, comme une petite voix qui résonne en nous, va pousser la Piedad de Toujours à se libérer de ses préjugés et ses principes (du moins à les passer sous silence quelques temps) et à profiter plus de la vie.
Ce binôme improbable nous emmène dans une aventure rocambolesque lorsque Piedad décide de sauver de la faillite son entreprise. Une aventure qui va transformer cette béate conformiste en une femme qui prend en main les rênes de sa vie. Elle n'a d'autre possibilité que de jouer les détectives en quête d'une fortune thésaurisée par son défunt époux et pour cela elle devra affronter des mafieux et des criminels. Soutenue et incitée par L'Autre Piedad, elle se permettra tous les excès et sur son passage, bon nombre de ces personnes passeront de vie à trépas.
Une trame somme toute banale mais relatée un humour certain qui culmine parfois dans les dialogues délirants entre les deux Piedad. Son enquête, dans le pur style d'une intrigue policière, sans que ne manquent non plus quelques scènes d'un érotisme marqué, ne nous laisse aucune trêve. Les cadavres s'accumulent à un rythme et d'une façon franchement attractive et hilarante.
Les personnages, multiples et variés possèdent un charisme certain, parfois poussé à l'excès, mais en accord avec le rôle qu'ils jouent, ce qui les rend amusants sans les rendre invraisemblables. Un prix du premier rôle pour Piedad qui se révèle au cours des chapitres comme un papillon sorti de sa chrysalide après amins efforts et péripéties.
Je mettrai néanmoins un léger bémol à l'épilogue, à mon sens inutile, dont le contenu explicatif donne l'impression que Carlos Salem craint que l'on n'ait pas saisi son dessein. Mais qui y a-t-il à comprendre si ce n ‘est que Muerto el perro est un roman léger avec une intrigue bien ficelée, du suspense et de l'humour, et que pour l'apprécier il suffit de se laisser porter au rythme des pages.
Un très bon moment pour se déconnecter du monde quelques instants.