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Critique de gavarneur


Que se passe-t-il si plus de 80% de la population d'une ville vote blanc?
A partir de cette idée unique, José Saramago construit une fable politique, à moins que ce ne soit une farce. Car ses hommes politiques prennent tout de travers (la lucidité n'est pas leur fort), et leurs réactions sont moquées tout au long du récit. Elles sont caricaturales, illustrant ce qu'on peut imaginer de pire, ou de risible, de la "politique politicienne".

Ce n'est donc pas un livre à prendre au sérieux, même si bien sûr une vision un peu distanciée du pouvoir politique et d'une possible voie vers la dictature est toujours enrichissante*. Il m'a distrait, mais pour être franc, je l'ai trouvé bien long. de Saramago, le voyage de l'éléphant m'avait aussi réjoui et amusé, mais sans cette impression de longueur. le premier chapitre et les derniers sont bien incarnés, avec un président de bureau de vote et un commissaire de police, humains et touchants. Mais les débats entre ministres, et quelque fonctionnaires, qui font l'essentiel du livre, sont un peu lassants.

L'écriture de Saramago m'a paru plus intéressante que ce dont il parlait. La première impression est étrange, voire fatigante : style direct et indirect mêlés sans transition visible, dialogues avec des répliques séparées par de simples virgules, passage du présent de narration au passé simple, voire au futur. Saramago intrigue et amuse, et parfois passe au niveau supérieur : adresses directe du narrateur au lecteur** , commentaires sur la façon dont le récit aurait pu tourner... Tout cela est fort réjouissant. A contrario, l'essentiel du texte est écrit dans un style volontairement ampoulé, singeant un discours politique désuet (celui qu'on parlait avec une langue de bois pendant la 3e république française?***), qui m'a vite été pénible. de même, je me suis plusieurs fois interrogé sur la nécessité de descriptions triviales et un peu longues d'actions quotidiennes (rideaux, chaussettes, biscuits, etc.). Je suppose que cela contribue à installer l'ambiance, pour mieux contraster avec les interrogations des personnages.

J'ai mentionné un président de bureau de vote ; son équipe et leurs familles sont également sympathiques au début du récit, dans une ambiance moins tendue que celle du scrutateur de Calvino. Dans le dernier tiers du livre, après une longue partie centrale où il ne se passe pas grand-chose, le lecteur suit le actions et pensées d'un commissaire de police qui devient sympathique. Peut-être même rencontrera-t-il la grâce et la lucidité? Dans cette partie, le rythme du récit est beaucoup plus rapide et prenant, et m'a permis de garder une bonne impression globale du livre.

Je voudrais aussi mentionner que ce livre a probablement un lien précis avec un autre roman de Saramago : L'aveuglement. Je n'ai pas lu ce dernier, mais j'en connais le sujet, et il est probable qu'on y rencontre un des personnages lumineux de la lucidité. Il est au moins évident que les deux titres se répondent, ce que je n'avais pas trouvé en parcourant rapidement quelques critiques.


* Permettez-moi de reproduire ici ma citation favorite de Daniel Mayer : "Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument."
** Qui a commencé : Diderot dans Jacques le fataliste, Sterne dans Tristram Sandy, ou un autre que j'ignore? J'ai essayé de vérifier, ce n'est pas clair pour le moment.
*** Et que caricaturait si bien Franquin dans les discours du maire de Champignac.

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