Si la mythologie romaine nous semble assez familière et est omniprésente dans les productions culturelles occidentales (livres, cinéma, séries), peu d'ouvrages s'intéressent à ce que la religion représentait aux yeux des Romains et à sa pratique dans l'Empire. Et quand l'Européen d'aujourd'hui tente de l'imaginer, c'est souvent avec des préjugés et anachronismes assez inévitables après presque deux millénaires de chrétienté.
Ainsi, il va de soi pour l'Européen des années 2020 que le mot même de religion se définisse comme dogme (un système de croyances) choisit par un individu en vu de mettre son âme en rapport avec Dieu auquel il doit obéissance. Et pourtant en ce qui concerne la (les ?) religion(s) romaine(s), aucun de ces éléments ne peut la définir : Pour les Romains, les religions sont liées à des communautés (cités, quartiers, métiers, foyers, légion etc.) qui se superposent les unes aux autres et pour lesquels la pratique (les rites) importent bien plus que la théorie (les croyances, les spéculations autours du monde des dieux, qui sont laissés « en dehors » de la religion), et les rapports entre hommes et dieux sont des rapports ‘contractuels' (de client à patron) et non de soumission aveugle (d'esclave à maitre). À partir de là, on imagine sans peine que la liste des incompréhensions est longue entre le lecteur d'aujourd'hui et les cultes romains et ce livre nous aide grandement à y voir plus clair.
L'auteur,
John Scheid est historien et archéologue franco-luxembourgeois spécialiste de l'Antiquité romaine et des questions de culte. Il nous dresse un panorama très structuré et instructif sur la pratique de la religion romaine (c'est-à-dire tel que pratiqué par les citoyens romains) en se concentrant sur la période comprise entre le III-ème siècle av. J.C. et le II-ème siècle ap. J.C. On y abordera de nombreux sujets tels que le calendrier, les célébrations, les sacrifices, les auspices, les prêtres, les temples, les cultes d'
Empereur, la diffusion des religions etc. en regroupant à la fois les dieux « purement » romains (Minerve, Jupiter…) et les cultes issus du panthéon grec ou que l'on qualifie d'orientaux comme ceux d'Égypte (Isis, Anubis…) ou du proche orient (Mithra, Cybèle…) tout en dénonçant l'artificialité de cette distinction.
C'est un livre bien construit et structuré entre les différentes thématiques plutôt que chronologiquement. le livre, conçu originellement, pour les étudiants pourra aussi bien convenir à un public novice que plus aguerri sur l'histoire antique et les religions. Moi qui pensais (naïvement) que je serais déjà familier avec certaines questions, j'ai été étonné de l'étendu de mon ignorance sur les sujets traités dans le livre.
Le découpage thématique fait que l'on perd un peu d'attention sur certains passages moins intriguant que d'autres (La partie sur les temples et sanctuaires ne m'a pas franchement passionné alors que les premiers chapitres sur les a priori liés à la religion romaine ou les derniers qui abordaient la diffusion ou les interprétations des religions romaines m'ont davantage intéressé). La christianisation progressive de l'Empire n'est, en revanche, évoquée que marginalement mais j'imagine que le sujet lui-même est suffisamment vaste pour lui consacrer un livre complet.
Voilà donc un livre très instructif et bien construit pour qui veut s'intéresser à
la religion des Romains.