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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Titre évocateur...
Il aura malheureusement fallu le décès récent de cet auteur pour que je lise enfin Jean-Luc Seigle.
Quelle écriture éblouissante! A la fois poétique et abrupte, réaliste et interprétative. Un roman au clair-obscur dans lequel l'auteur de sa magnifique plume réajuste l'équilibre entre les non-dits et les « trop-dits ».
L'histoire de l'insaisissable Pauline Dubuisson, on la connaît. Ce fait divers a défrayé la chronique au début des années 1950 dans une France tourmentée et a même été adaptée au cinéma par H-G Clouzot sous le titre « La vérité » avec Brigitte Bardot.
Pour rappel: 1953. Trois coups de feu retentissent dans la nuit. Les voisins se précipitent dans l'appartement de Félix Bailly jeune étudiant et trouvent son corps sans vie, Pauline 24 ans qui vient d'assassiner son ex fiancé est découverte avec un tuyau de gaz dans la bouche. Elle sera sauvée et pourtant plus tard insultée d'être en vie à chaque tentative ratée de se donner la mort. En apprenant son arrestation le père de la jeune fille, qu'elle vénérait, se suicide.
Ce roman, écrit à la première personne, débute après la fuite de Pauline, libérée de prison, à Essaouira au Maroc sous une fausse identité suite au visionnage du film de Clouzot qui l'a remet sous les projecteurs alors qu'elle n'aspire qu'à être oubliée.
L'écrivain se glisse avec maestria dans la peau de la jeune femme mais aussi dans ses pensées, dans ses silences, ses défaillances, ses rêves et tente d'expliquer la part des ténèbres qui l'a conduite au crime.
Il faut peut-être chercher dans son histoire familiale. Elle est confrontée, très tôt à la mort prématurée de ses deux frères aînés tombés à la guerre.
Précoce et brillante élève, à 14 ans seulement, sous l'occupation, elle a le diable au corps multipliant les amants parmi lesquels des soldats allemands. Promise à des études de médecine elle entamera une relation avec le médecin chef de l'hôpital de Dunkerque beaucoup plus âgé qu'elle.
Sa mauvaise réputation et ses accointances avec les allemands la mèneront à être durement humiliée en place publique à la Libération par un groupe d'épurateurs.
Elle subira de violents traumatismes alors qu'elle n'a que 16 ans (crâne tondu, viol collectif...).
Détestée de tous, Pauline fascine autant qu'elle révulse, son procès fait grand bruit.
Affublée de tous les défauts : menteuse, monstrueuse, orgueilleuse, manipulatrice, séductrice, Narcissique, froide,vulgaire,perverse ... 
Embarrassante surtout car difficile à cerner et à soumettre.
Le problème central deviendra celui de la préméditation. Son passé de femme libérée ne lui permet aucune circonstance atténuante, tous les portraits dépeints dans les journaux seront à charge.
L'auteur réécrit son histoire et réinvente Pauline en lui donnant la parole.
Ce n'est pas une biographie journalistique fouillée (il faut lire dans ce cas « la petite femelle » de Philippe Jaenada) ou une radiographie de l'affaire c'est surtout un portrait de femme captivant infiniment beau et touchant, magnifiquement écrit.
L'écrivain n'essaie pas d'excuser mais de comprendre, en lui donnant la liberté de s'exprimer sur des cahiers dépositaires de sa vérité.
Essaouira sera l'eldorado de Pauline pour tenter de revivre, rêver, retrouver la sensation de son corps, bercée par une autre langue que celle qui l'a condamnée et calomniée.
Son futur mari Jean l'aide sans savoir à sa reconstruction.
Mais doit-elle dire la vérité à son nouveau fiancé ? Cette question l'occupe toute entière. Peut-on échapper à un pareil passé et à un destin aussi opaque?
Un superbe moment de lecture qui m'a totalement permise malgré la tristesse d'oublier le confinement et ces temps obscurs même si le sujet est sombre.
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Je vous écris dans le noir de Jean-Luc Seigle….un vrai cataclysme émotionnel que je viens de terminer avec un grand bouleversement….Un auteur que j'ai découvert en 2014, après deux premiers textes de lui, dévorés : « En vieillissant les hommes pleurent » et « le cheval Péguy »…

La citation choisie en exergue de Jankelevitch dit l'essentiel de ce roman extraordinaire , inspiré d'un fait divers survenu en 1961, en France
« Car la vie de quelqu'un, même la plus humble, est un déroulement inédit et original d'une suite d'expériences unique en son genre. le témoin ne peut donc juger qu'à la condition de rester témoin jusqu'au bout. Qui sait si la dernière minute ne viendra pas d'un seul coup dévaluer une vie apparemment honorable ou réhabiliter au contraire une vie exécrable. » [ p.10, »La mort »]

Il s'agit de Pauline Dubuisson, étudiante en médecine, tuant son ex-fiancé Félix Bailly, "elle est jetée en prison au lieu d'obtenir son diplôme de médecin. Elle passe trois ans plus tard, en 1953, devant les Assises de Paris. Pauline devient la seule femme contre laquelle le Ministère public, c'est-à-dire la société française, requiert la peine de mort pour un crime passionnel sans que cela n'émeuve personne à l'époque, pas même Simone de Beauvoir, qui pourtant aurait trouvé un bel exemple de vie de femme saccagée par les hommes. (avant-propos, p. 11)
Jean-Luc Seigle s'est immergé, identifié dans ce destin féminin fort noir et injuste, en choisissant de raconter le parcours violent de cette femme à la première personne…
« je crois qu'on ne peut mourir que d'être désaimée. Et ça, ce n'est pas mourir d'amour, c'est même l'inverse » (p.38)

Ce texte m'a bouleversée… après deux autres coups de coeur précédents, du même écrivain. En dépit de la variété des thématiques le style est toujours aussi fluide et poétique…. Les mots de Jean-Luc Seigle touchent directement au coeur… Et au fil du roman, on se demande comment un tel acharnement s'est fait à l'encontre d'une seule jeune femme, sacrifiée sur l'autel de la famille, par un père , avec qui Pauline entretenait une relation fusionnelle, et qui lui manifestait une vénération absolue .

Ce qui m'intrigue toujours infiniment c'est la difficulté plus grande de parler des textes qui nous ont chaviré, tant les mots qui nous viennent paraissent fades en comparaison de l'intensité des émotions ressentis à la lecture de ces textes qui ne nous laissent pas indemnes ?!!

C'est le cas présent avec cet écrit de Jean-Luc Seigle. En sus du talent de cet écrivain : poésie, justesse et musique des mots, une dimension bien plus grande se dégage de ses textes (du moins des trois que j'ai dévorés), celle d'une exigence de comprendre, de défendre les mal-aimés, les mal- compris, les oubliés (dont faisait partie , Charles Péguy…).

La beauté des univers de Jean-Luc Seigle s'accompagne d'une compassion incomparable et communicative…Inutile de dire que je m'active pour dénicher les deux autres ouvrages plus anciens et épuisés qu'il me reste à découvrir : « La Nuit dépeuplée » (2001) et « le sacre de l'enfant mort » (2004)

Je ne suis pas très satisfaite de cette chronique … je la trouve , au vu du ressenti incroyable de cette lecture, bien trop pâlotte !!! Je me résigne toutefois à la déposer, en espérant l'améliorer ultérieurement….

Un très bel écrit qui rétablit , ou tente de rendre un minimum de compassion et de justice à une très jeune femme, dont le début de sa vie de femme fut brisée, massacrée par un système, ou du moins une période de l'histoire peu reluisante… où les « Père et Mère La morale »… se levaient avec beaucoup d'intansigeance et de zèle…sans avoir l'idée basique de regarder et « de balayer » devant leur porte !

Il ne m'a jamais été aussi frappant , à la lecture d'une histoire, de constater que les criminels ne sont pas toujours ceux que l'on croit, et que les « bien-pensants » , « les trop-bien-pensants » font des dégâts et agissent avec une cruauté , parfois indescriptibles et innommables… Une immense reconnaissance à l'auteur pour cette lecture qui m'a laissée à la fois émerveillée, et totalement bouleversée …Les deux ne sont pas incompatibles…Vous verrez ?!!

Soazic Boucard- Tous droits réservés- 21 janvier 2015
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« Je vous écris dans le noir. de l'obscurité dans laquelle mon crime m'avait jetée, bien sûr, mais aussi de celle qui terrorise les enfants, remplie de monstres et de fantômes. C'était la lettre d'une enfant qui demande pardon pour ses bêtises et pour le mal qu'elle a fait sans le vouloir. Je me demande si on écrit autrement dans le noir, dans cette opacité qui ne révèle ce qu'elle cache qu'au fur et à mesure de l'écriture, comme l'oeil finit par s'habituer à l'obscurité et à redessiner les contours des obstacles qui pourraient nous faire trébucher. »

1950. Pauline Dubuisson a tué son ancien fiancé, elle a 23 ans et a déjà connu l'opprobre en étant tondue à la Libération ( à même pas 17 ans ). C'est la seule femme contre laquelle l'Etat a requis la peine de mort. Elle ira finalement en prison et sera libérée pour bonne conduite en 1960 avant de s'exiler au Maroc.

Le matériau romanesque est exceptionnel tant il est une densité remarquable. Jean-Luc Seigle échappe brillamment aux poncifs et à la routine biographiques. Il ne cherche pas à reconstituer un fait divers mais à raconter la vérité d'une femme détruite en quête de reconstruction, sans jugement ni apitoiement, évitant toute réduction moralisante. Il ose même surmonter le handicap d'être un homme en faisant le choix d'écrire à la première personne.

Et c'est avec une empathie impressionnante qu'il réhabilite Pauline, victime même pas expiatoire d'une société de l'après-guerre profondément misogyne qui s'en est pris aux corps des femmes. Il imagine le contenu des carnets, que Pauline avait écrit à Essaouira, comme une réappropriation par la parole d'un corps de femme hypersexualisé, exhibé, puni, violé, questionné, autodétruit sous le joug de la loi virile. Les mots de Pauline sont bouleversants, résonnant de silences, de rêves, de violences subies, travaillant avec finesse sa psychologie sans jamais verser dans le sensationnalisme, y compris dans une scène choc à la limite de l'insoutenable mais décrite avec une juste dignité et une saine pudeur.

L'auteur emporte totalement l'adhésion tant sa partition est composée avec justesse et générosité, infusée d'un humanisme authentique, servi par une écriture très inspirée, sensible au plus près de Pauline. On ne peut qu'être touchée par le destin tragique de cette femme grandie entre l'effacement d'une mère fidèle et la vénération portée à un père, héros de Verdun, manipulateur et « malsain » , elle qui était une excellente élève étudiante en médecine avec deux ans d'avance, infirmière pendant la Deuxième guerre mondiale, si mal aimée, si désaimée. Cette femme aux plusieurs morts, deux fois condamnés factuellement à mort, tuée par Clouzot dans son film La Vérité inspirée de sa vie ( film terriblement misogyne qui ne voit dans le meurtre commis que la preuve d'un narcissisme féminin à son apogée sous les traits de Bardot ), aux plusieurs tentatives de suicide face à l'incapacité de la société de pardonner alors qu'elle espère jusqu'au bout une possible rédemption et une réelle émancipation.

Superbe et terrible.

A noter que dans l'édition J'ai lu, ce roman est très pertinemment accompagné d'un bref texte : Iphigénie ou les effets de la chasse, lui aussi très beau.
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En ce jeudi après midi, la pluie et le vent se déchainaient dehors et j'étais bien à l'abri, au chaud dans mon petit nid, en train de lire « Je vous écris dans le noir ».

Je ne pensais pas combien cette lecture, allait me tanspercer, m'ôter une part de naïveté, le temps allait se suspendre. Pourtant dans une étrange synchronicité les éléments extérieurs qui s'animaient ont traversé ma fenêtre, les mots de Jean Luc Seigle m'ont inondé d'émotions, de frissons, d'effroi, de compassion, de larmes pour Pauline Dubuisson.

Etudiante en médecine, elle tue Félix, l'amour de sa vie, dans un geste désespéré, placée face à son passé, de femme…. tondue. Pour ce crime, condamnée par la justice des hommes à perpétuité, elle est « libérée » quelques années plus tard pour bonne conduite. On aimerait que s'arrête là, sa souffrance.

Pourtant, en 1961, son histoire ressurgit dans le film «La vérité» de Clouzot qui a inspiré, ce fait divers. Elle est poussée à l'exil au Maroc pour fuir sa véritable identité et ses démons.

Elle y rencontre Jean qui veut l'épouser… et la vie lui donne à nouveau rendez-vous avec ce passé....

Que va-t-il en « devenir » ?

Ecrivain, avocat interposé, Jean Luc Seigle donne la parole à cette femme meurtrie pour qu'enfin elle puisse s'exprimer et "réhabiliter" sa mémoire dans une grande justesse, sensibilité, poésie.

Un portrait de femme traquée, terrifiant et inoubliable que nous livre cet auteur.

Pour moi, cela a été une onde de choc, que cette histoire où beauté et violence sont à leur apogée, dans un lien indissociable.

Fleur elle s'est prise un méchant coup dans le papillon !....
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« L'écriture n'attend rien de moi, c'est moi qui attends tout d'elle. »
Cette phrase en préambule traduit à merveille le sentiment de plénitude ressenti.
En dix pages, je suis tombé sous le charme, emporté par l'écriture puissante et l'analyse pertinente de Jean-Luc Seigle.
Comment cet homme, avec tellement de finesse, a pu pénétrer et traduire avec une telle clairvoyance la psychologie féminine de Pauline Dubuisson dans l'intimité de sa vie déchirée de fille, de femme et d'assassin ?
« C'étaient les mots que je voulais tuer, les mots qui salissent et qui blessent. »
Cette petite phrase, bien plus qu'elle ne dévoile, incite à découvrir la complexité de la personnalité cabossée de Pauline.
Pourquoi est-on assoiffé de la vie des autres au point de fouiller dans leur nature pour en extraire la particule qui nous fera accepter l'impossible, l'incroyable ?
Ce roman est croustillant de lucidité, rien ne nous échappe de ses rapports avec son père, sa mère, ses frères. On est très loin du bonheur !
« Il me dévisagea longtemps avec ses yeux bleus, si longtemps que j'eus l'impression qu'il était parti à la recherche de mon âme. »
A quel moment votre vie vous échappe-t-elle ? Lorsque que décidée à naviguer dans des bouches dégoutées d'inconnus qui s'en empare, se l'accapare, la détruise, la déforme. Elle ne vous appartient plus. Pire, lorsque vous la voyer défiler sous les traits de Bardot qui la joue dirigée, digérée et défigurée par la masse. Vous êtes votre propre spectateur. Qui le supporterait ? Fuir après avoir payé.
Essaouira. « J'ai su que là-bas le pourrais à nouveau vivre et rêver sans plus rien espérer. »
Voila, c'est fini. Il vaut mieux couper plutôt que déchirer, chantait Jean-Louis Aubert.
Bien sur l'écriture n'attend rien de moi, mais j'avais besoin d'écrire ce commentaire pour clore ce roman. Lisez-le.
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Jean-Luc Seigle a réussi à se mettre dans la peau d'une femme dans ce roman superbement écrit, à la première personne, celle-ci étant Pauline Dubuisson. Pauline s'est donné la mort le 22 septembre 1963, elle a laissé des cahiers, illisibles, disparus ; Jean-Luc Seigle a décidé de les réécrire et d'en faire ce roman. Dans les années cinquante, l'histoire de Pauline a fait la Une des journaux, elle fut condamnée pour le meurtre de son fiancé. Clouzot a réalisé un film avec Brigitte Bardot dans le rôle de Pauline. Je vous écris dans le noir est un coup de coeur d'un auteur que je découvre, j'ai l'intention de lire ses autres romans. Je vous écris dans le noir fait partie des livres pour lesquels, une fois terminés, je dis Waouh !
Je vais aussi ajouter à mes futures lectures La petite femelle de Philippe Jaenada.

Challenge Petits plaisirs - 234 pages
Challenge Atout Prix 2016-2017
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J'ai refermé ce livre il y a plusieurs semaines et je n'ai toujours pas "digéré" cette lecture. Ce texte est tellement fort qu'il vous marque durablement.
De Pauline Dubuisson, je ne connaissais rien. Rien de sa vie, rien de l'époque dans laquelle elle avait vécu. Je ne connaissais même pas son nom.
Depuis, j'ai fait des recherches, le roman de Jean-Luc Seigle m'ayant donné envie d'en savoir plus.
L'auteur nous raconte une histoire vraie et cette histoire est tellement forte, tellement incroyable que j'ai dû me pincer à plusieurs reprises pendant ma lecture, comme pour vérifier que je ne rêvais pas.
La vie se charge de fabriquer des histoires plus fortes que celles que l'on trouve dans n'importe quelle fiction. La réalité dépasse ce que l'imagination pourrait produire.
D'ailleurs, si ce roman était une fiction, on dirait certainement, comme l'on dit de certains scénarios de films, que l'auteur exagère, qu'il en fait trop.
Eh non, Jean-Luc Seigle n'en fait pas trop, il fait juste ce qu'il faut.
Comme le dit l'avant-propos, Pauline Dubuisson est "la seule femme contre laquelle le ministère public, c'est à dire la société française, requiert la peine de mort pour un crime passionnel sans que cela n'émeuve personne à l'époque, pas même Simone de Beauvoir, qui pourtant aurait trouvé là un bel exemple de vie de femme saccagée par les hommes."
Qu'a-t-elle donc vécu cette Pauline Dubuisson pour en arriver là ? Écoutez-la et vous saurez. Jean-Luc Seigle lui donne la parole et lui permet d'exprimer ce qu'elle n'a pas pu dire à l'époque.
Elle n'aurait pas pu trouver de meilleur avocat. L'auteur s'est glissé dans sa peau afin qu'elle puisse raconter son histoire et il fait preuve d'une incroyable sensibilité.
Un livre magistral, bouleversant, qui vous prend aux tripes. Mais attention, ce n'est pas une lecture facile et certaines scènes, particulièrement réalistes, sont à la limite du supportable.
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Dans ce magnifique roman qui commence dans les années 1930 et se termine en 1963, nous suivons le parcours de Pauline Dubuisson, qui, lorsqu'elle était étudiante en médecine a tué son ex-amant.
Le livre est présenté en trois cahiers comme les cahiers qu'on a retrouvés près d'elle après sa mort.
Dans le premier, elle se présente de façon condensée avec un moment important où elle voit le film "La vérité" consacré au meurtre qu'elle a commis avec, dans le rôle principal Brigitte Bardot. Elle ne se reconnaît pas.
Dans le deuxième, elle se raconte et veut convaincre Jean qui l'a demandée en mariage après sa libération et qui ignore tout d'elle, qu'elle n'est pas un monstre.
Le troisième cahier est très court et elle nous fait part de sa décision.
J'ai passé un excellent moment de lecture même si certaines scènes concernant la libération sont très violentes.
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1953. Alors que l'avocat des Assises racontait son histoire
La salle bourdonnait


Son visage, d'abord seulement spectral
Prit une nuance de blanc plus pâle


"Alors si je vous comprends bien Mademoiselle Dubuisson, vous ratez tous vos suicides et vous ne réussissez que vos meurtres."


Toute la Vérité
Dites nous toute la vérité
Vous l'avez prémédité ce crime
Avouez


Mes oreilles bourdonnaient

La mort, la vie, que choisir
Moi qui aspirais au néant
Cette mort guillotine je la refuse
Je sais qu'il y aurait ce bref instant
imprimé dans ma rétine
Un instant seulement
où ma tête détachée de mon corps
enregistrerait tous ces bourdonnants
Félix, sa mère, les tondeurs de putes à boches
Ils y resteraient après ma mort
comme imprimés à tout jamais


1960. La cage s'est ouverte,
je sors, je respire
je suis libre
je vais revivre
être médecin
être aimée à nouveau


Initiales BB BB initiales
A l'écran je me suis vue
ma vie étalée
splendide lascive
une vraie garce
BB initiales BB


Si je reste en France, je suis foutue
Vers Essaouira je partirai
Je tournerai dos à la Méditerranée
Une nouvelle identité
Une nouvelle langue
Entre la mer et le désert
Oublié le passé
Balayé le passé
Vierge, Andrée
Je renaîtrai
enfin


Longtemps j'ai hésité quand Jean a commencé à m'aimer
j'ai hésité à l'aimer, le désir a été plus fort, je revivais
mon corps revivait
et puis je l'ai aimé


Quand un futur s'est dessiné
qu'il a demandé ma main
J'ai écrit écrit écrit pour tout lui dire
Il m'aimait, je l'aimais


Initiales BB BB initiales.
Il savait tout.
D'Andrée, l'aimée, je suis redevenue Pauline
Celle de Clouzot, celle de la Vérité, celle du procès
la criminelle, la scélérate, la pute à boches
Ses yeux étaient ouverts
Cela aurait été tout pareil s'ils avaient été fermés


Alors je me suis emmenée devant le miroir
Et l'ai forcé à me reconnaître

J'ai revu Pauline enfant
en adoration devant son père ses frères
mon père qui n'aimait que ma mère
je n'avais pas compris
maman pélican qui nous aimait
(un très beau passage d'A de Musset)
je n'avais pas compris

J'ai revu Pauline adolescente
se débattant pour devenir femme
cumulant les plaisirs maladroits
dans un monde étroit si étroit

J'ai revu Pauline jeune femme
buvant le savoir de ce médecin allemand
l'absorbant par l'esprit et par le corps


Libération,
tondue, violée, marquée
Initiales SS, SS initiales
La foule bourdonnait à mort


Félix que j'aimais qui m'aimait
Ses mots bourdonnaient à mes oreilles

Le Procès
La salle bourdonnait à mort


Quand on a tué, on est interdit de retourner dans la vraie vie.
On n'y a plus sa place. Mon erreur est d'avoir cru que c'était possible.


Jean que j'aimais, qui m'aimait
Ses mots bourdonnaient à mes oreilles


Un visage, d'abord seulement spectral
a pris une nuance de blanc plus pâle encore


Les bourdonnements ont cessé. le silence.

Moi, Pauline, 11 mars 1927 ( France)
J'ai fermé les yeux,
Mademoiselle Dubuisson a réussi
L'Avocat des Assises serait content
22 septembre 1963 (Maroc)


Un récit narré à la première personne tout du long.
Une histoire qui avait défrayé les chroniques de l'époque.


Celle de Pauline qui purgera 9 années de prison pour avoir abattu de sang-froid (ah non, je me trompe de film ou de livre) pour avoir assassiné Félix, son amant, son fiancé de trois balles de revolver et qui avait essayé ensuite de se donner la mort par asphyxie.


Initiales BB BB initiales, Clouzot, La Vérité avec Brigitte Bardot.

Pauline, Andrée, Brigitte, les prénoms et les je se mélangent.

Ce n'est plus un je singulier, c'est un je pluriel, celui de Brigitte, passion de son nouvel amoureux au Maroc (Jean), celui d'Andrée, sa nouvelle identité, celui de Pauline, la criminelle simple, double, triple condamnation.

De ses 23 ans à ses 33 ans, elle restera derrière les barreaux, dans une prison qu'elle trouve de plus en plus rassurante au fur et à mesure que s'éloigne le monde réel, le monde des vivants, petite mort que la sienne qui ne sera rien par rapport à sa sortie et au choc de se voir défigurée à l'écran.

Choc écran, BB reprend son rôle, sa vie à l'écran tour à tour innocente, perverse, lascive, moue à la BB, comment croire à la non préméditation dans le procès où le passé de Pauline joue de tout son poids, la tondue, la pute à boche, la tueuse de Félix, l'assassine de son père.

La force de l'auteur dans ce roman à la première personne, au Je est de rendre ce Je peu pesant tant il comporte de relations extérieures: celles à ses frères disparus, complices de ses premières heures, de son enfance, celles à son père dans les parties de chasse à laquelle il la conviait et dont elle avait horreur, celles de la découverte du courage de sa mère et de leur profonde différence de pensées et d'existence, celle de ses accusateurs qui ne voient en elle qu'une perverse manipulatrice, qu'une 'salope' comme clairement exprimé dans cet écrit

La fuite vers un ailleurs, vers un autre Je, une nouvelle identité, un nouveau pays, une nouvelle vie et le passé comme un mauvais film qui la poursuit. BB initiales BB dont son nouvel amour est fou.

Tomber en amour était risqué, encore à nouveau comme sur un fil, Andrée (Pauline) avouera-t-elle à Jean, son amoureux, celui qui veut l'épouser sa véritable identité, son passé de criminelle ?
Prendra-t-elle ce risque ?
Cet homme est-il prêt à recevoir cette confession ?
ou la rejettera-t-elle, elle, Pauline, et son amour indécent, meurtrier.


C'est sa longue réflexion en 3 cahiers que Jean-Luc Seigle a imaginée, réinventée et romancée dans Je vous écris dans le noir.


Une histoire, un esprit et une plume
qui m'ont laissée
KO Initiales KO.

L'auteur décédé en 2020 avait-il été une femme dans une vie antérieure, avait-il parlé avec elle, je me suis "réellement" posé la question.
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Encore une fois (après En vieillissant les hommes pleurent), j'ai été très sensible à l'écriture de Jean-Luc Seigle. A l'écriture bien sûr mais à la réhabilitation de son héroïne que la vindicte populaire de l'époque a écrasée de ses insultes et de son mépris sans chercher à comprendre véritablement qui se cachait derrière cette jeune femme, meurtrière de son amant.
Oui, j'ai beaucoup aimé la remise en contexte de l'époque et l'analyse que propose l'auteur, qui a su si subtilement se glisser dans la peau de cette femme, remplir les vides et les non-dits de l'accusée pour lui redonner apparence humaine. Une femme à qui l'on a autant reproché le crime que la liberté qu'elle revendiquait, la jeunesse qu'elle incarnait, l'instruction dont elle était dotée (femme médecin) et la beauté qui la caractérisait.

Années 50. Pauline Dubuisson a assassiné Félix, son amant. Condamnée à la prison à vie, elle sera libérée neuf ans plus tard pour bonne conduite. Mais le droit à l'oubli n'existe pas...
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