Attention, ovni littéraire ! ça faisait bien longtemps que je n'avais pas lu un tel livre… en fait depuis ceux de
Georges Perec dont l'ombre et l'influence planent en permanence au-dessus de cette « société littéraire ».
Roland Bartleby, subtil croisement de
Roland Barthes (le célèbre philosophe qui s'intéressa toute sa vie au langage) et du Bartleby de Hermann Melville (et son non moins célèbre « je préférerais ne pas ») entreprend de compiler les oeuvres improbables d'auteurs connus ou pas : c'est la « Dead Letter Society ».
Les détournements, allusions, références cachées sont donc nombreux. Et si certains sont transparents, d'autres le sont moins. Tout dépend également de la culture du lecteur. Mais il n'est pas non plus besoin d'avoir un gros bagage littéraire pour apprécier ce livre car même si on ne saisit pas pleinement la référence que l'auteur a voulu faire, il y a un humour présent tout au long de l'ouvrage qui tient les sens du lecteur en éveil.
J'ai donc trouvé certaines sections très comiques (« les incipits buissonniers », « les droits du procrastinateur », « le jeu de dé de la carrière littéraire »), très élaborées (« le déconstructivisme de
Michel Leiris »), avec des allusions très drôles (« les livres à prescrire »), très réussies dans le pastiche ou dans l'art de se fondre dans un auteur et d'écrire « dans le style de… » (« tentative d'épuisement d'une cucurbitacée »), mais j'avoue être passé à côté d'autres, n'avoir pas su saisir la référence (notamment « le manuel de survie en contrées maxilingues »)…
Ce livre ne se lit pas comme un roman dont on veut connaître le dénouement, il ne se dévore pas ; il se lit petit à petit, par petites gorgées, comme on boit un breuvage subtil, pour mieux le déguster. C'est ainsi que je l'ai apprécié. En tout cas, on sent que
Xavier Serrano a pris un plaisir non-dissimulé à se couler dans le style de ses confrères, et ça compte beaucoup dans le plaisir du lecteur.
L'impression générale qui se dégage est celle d'une oeuvre originale, dont le travail de caméléon pour l'auteur a dû être énorme. Et malgré les quelques zones d'ombre, le plaisir que j'ai pris à cette société n'est pas resté lettre morte...
En bref, c'est un livre qui sort des sentiers battus, de l'ordinaire, rien que pour ça il mérite le détour !