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3,8

sur 319 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Elif Shafak rend hommage à travers ce roman à l’architecte en chef de l’empire ottoman, Sinan, né dans une famille chrétienne d’origine arménienne ou grecque, qui aura servi trois sultans : Soliman le Magnifique, Selim II et Mourad et permis, par l’ampleur des travaux qu’il aura dirigés, l’assainissement et l‘embellissement d’Istanbul au cours du 16e siècle.
« L’architecte du sultan » se déroule entre 1546 et 1632, sur un fond historique avec des personnages qui ont réellement existé. Sinan a eu une longue existence, il est décédé en 1588 à l’âge de 99 ans. On est étonné devant une telle longévité et surtout qu’il ait pu occuper ce poste élevé si longtemps car les intrigues, les jalousies au sein du sérail de Topkapi rendaient souvent le maintien à de telles fonctions très précaire.

Mais c’est aussi un conte oriental, plein de péripéties, de cruauté, d’amour et de sagesse, centré sur le jeune Jahan, personnage fictif, qui va, au cours d’un voyage mouvementé qui le conduira de L’Hindoustan où il est né à Istanbul, suivre Chota un éléphant blanc offert par l’empereur Moghol Humayun au Sultan Soliman le magnifique. Car Chota est pour lui comme un frère de lait. Il a participé à sa naissance, l’a nourri. Il ne veut en être séparé à aucun prix et réussira à rester auprès de lui comme cornac.

C’est l’éléphant blanc qui en attisant la curiosité de la princesse Mihrimah fille unique de Soliman et Roxelane provoquera la rencontre de Jahan et de celle à laquelle il vouera un amour absolu.
« Outre son sourire, elle apportait des friandises pour l’éléphant —  non pas des poires et des pommes mais des confiseries royales : figues fourrées de crème épaisse, sorbet à la violette, massepains à la confiture de rose ou ces châtaignes cuites dans le miel… Chaque fois que les moeurs du sérail lui déplaisaient ou la décourageaient, elle venait rendre visite à l’animal blanc. Emerveillée, elle observait Chota avec l’air de se demander comment une créature aussi puissante pouvait se montrer si docile. L’éléphant était le sultan de la ménagerie, pourtant il ne ressemblait en rien à son père. »

C’est encore l’éléphant qui permettra à Jahan de devenir l’apprenti de celui qui n’est pas à cette époque le maître des travaux publics de l’empire. L’aide de Chota fera gagner du temps lors d’une campagne militaire en Moldavie pour édifier en dix jours un pont sur la rivière Prut. La construction proposée par Sinan ayant été une réussite sera pour lui le début de sa longue carrière au service su sultan.

Jahan est curieux et fait confiance trop facilement, ce qui dans une ville comme Istanbul et au sein du palais va lui amener bien des ennuis. Heureusement pour lui, associée à la protection pleine de sagesse, de douceur et de fermeté de Siman qui le forme, il aura aussi celle du chef des gitans, Balaban, qui l’aidera à sortir de bien des traquenards dans lesquels il tombe souvent par manque de méfiance mais aussi par orgueil.
Sinan lui dira : « Quand je t’ai vu, je me suis dit que tu avais une excellente tête sur les épaules, et que tu apprendrais vite, si seulement je pouvais te détourner des mauvaises habitudes, du passé, et te diriger vers le futur »
Et Balaban au terme de son séjour à Istanbul lui dira en soupirant : « Désolé que tu partes. Soulagé que tu partes. Tu es trop confiant pour survivre à Istanbul, frère. »

J’ai lu ce roman presque d’une traite. Il est d’une grande richesse à la fois par l’attachement qu’il fait naître entre le lecteur et les différents personnages : Jahan, Chota, Mihrimah, Sinan, Balaban le chef gitan mais aussi par un habile dosage de mystères tout au long du récit (dont il faudra attendre presque la fin pour qu’ils soient révélés).
Ajouté à cela, la fascination pour Istanbul où tous les sens sont sollicités, où les rumeurs courent régulièrement, où la peste vient faire par deux fois des ravages. Istanbul raffinée et sordide, ville de savants où la superstition règne, riche par son cosmopolitisme et le mélange bigarré de religions et de peuples qui s’y croisent et y demeurent ; richesse et grouillement de vie d’une ville, pont entre orient et occident.

Un grand merci pour ce beau moment de lecture aux éditions Flammarion et à Babelio.

A lire en complément un guide littéraire qu’Elif Shafak a accepté de faire pour l’exposition qui se déroule à Bruxelles jusqu’au 31 mai 2015 « L’empire du sultan, le monde ottoman dans l’art de la Renaissance » où figure une gravure qui a été à l’origine de ce livre recoupant cette exposition que malheureusement je ne pourrai pas voir.
La plaquette composée par Elif Shafak est téléchargeable ainsi que le guide du visiteur à ce lien :
http://www.bozar.com/activity.php?id=11618
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Je me sens moralement poussé à présenter des excuses à Françoise Houdart pour lui avoir fait perdre deux heures au fin d'une interview un peu exceptionelle sur son dernier livre Eclipse alors que naïvement j'imaginais pouvoir intéresser un maximum de passionnés de littérature. J'avais développé le secret espoir d'ainsi apporter la visibilité que mériterait son talent. Hélas, cette chronique est un flop et le constat amer que nombre de Babéliotes préfèrent les autoroutes d'auteurs déjà bien établis à s'aventurer sur les chemins de traverse qui mènent pourtant régulièrement à la découverte de petits bijoux comme l'est sans contestation Eclipse. C'est donc le coeur lourd que j'ai commencé la lecture de L'architecte du Sultan...

J'avais adoré mon premier Elif Shafak et m'étais promis alors que ce ne serait pas le dernier. Musardant dans une petite librairie de Perros Guirec L'Architecte du Sultan me tendit les bras, je n'hésitai pas une seconde. Quelle bonne inspiration ! Il me permet de m'évader de la banalité routinière de l'hôpital où je suis de retour pour traiter par intraveineuse une méchante infection urinaire multirésistante. Comme dans ce très beau roman d'Elif Shafak toute vie est faite de hauts et de bas, n'est-ce pas ? Me voici donc ébloui dans cet Istambul fantasmé au temps du Sultan Salomon le Magnifique, grand commandeur des croyants, sur les pas de Jahan tout droit venu d'Hindustan avec son éléphant blanc Chota, cadeau du Shah pour honorer le Sultan tout en affichant la puissance de l'Inde. Petits cadeaux entre grands de ce XVIe siècle où l'empire ottoman étale sa puissance.

Elif Shafak est une conteuse remarquable, une des toutes meilleures de notre époque. Sa prose hypnotique m'emporte totalement et je me retrouve enfant à qui l'on raconte une belle hisoire qui pourrait durer indéfiniment et se prolonger par les rêves les plus doux, alors que je dis encore, raconte encore... Et comme chez les véritables conteuses aucun des très nombreux personnages n'est manichéen, tous ont leur propre personalité riche, complexe,attachante avec leurs failles et contradictions.

Une ode à l'architecture, aux oeuvres laissées par l'architecte impérial Sinan, trésors de l'humanité, tout comme à Rome, à la même époque travaillait, lui aussi sans relâche, un certain Michel Ange ... Une lecture qui fait tout oublier, rien ne me fera bouder l'immense plaisir que j'ai pris pendant ces longues heures entrecoupées de rêverie.
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Istanbul, la ville aux Sept collines, du temps de la splendeur de l'Empire ottoman au XVI eme siècle, est l'un des principaux personnages de ce roman que l'on lit comme un conte.
Où l'on suit avec un bonheur d'enfant les aventures de Jahan débarqué à douze ans dans cette Constantinople en compagnie de Chota, un éléphanteau blanc.
Il découvre une cité effervescente et bigarrée où se côtoient en bonne intelligence musulmans, juifs, chrétiens, Grecs, Circassiens, Tatars...J'arrête ici la liste car il y avait alors «soixante douze tribus et demie», la demie désigant les Gitans dont on recommande d'emblée à Jahan de se tenir à l'écart.
Débutant comme cornac du Sultan Soliman le Magnifique (car oui, il faut savoir que tout sultan qui se respecte possède une véritable ménagerie avec dompteurs et soigneurs adaptés), notre jeune héros que l'on va suivre de nombreuses années va également rapidement être pris sous l'aile du grand et bon Sinan, architecte du Sultan, qui le choisit comme apprenti. (Il faut d'ailleurs noter ici que le titre en français désigne donc Sinan alors que le titre original en anglais est «l'apprenti de l'architecte» qui désigne vraiment notre héros mais bon, c'est vrai , ça «sonnait» moins bien....)
Tout sultan digne de ce nom a également engendré, vous n'en doutez point, une ravissante fille dont on ne peut que tomber raide amoureux.
En l'espèce, elle est incarnée par la princesse qui répond au doux prénom de Mirhimah et qui ne laissera pas insensible le coeur de notre Jahan.
Même si elle feint de n'avoir d'intérêt que pour Chota l'éléphant, elle sera séduite par les récits imaginés par Jahan sur son enfance en Hindoustan avec son son frère de lait l'éléphant. (Et on la comprend, parce qu'il les raconte bien ses histoires).
Ainsi, le décor est posé et Jahan est prêt pour moultes aventures: il participera entre autres choses, à la construction de mosquées, aqueducs, ponts, harems et à la rénovation aquifère d'Istanbul qui voit sa population augmenter à grands pas.
Il affrontera de nombreuses épreuves à commencer par de sinistres individus comme le capitaine Gareth ou un grand vizir qui l'enverra dans une infâme prison, «la forteresse aux sept tours».
Il sera également contraint de faire la guerre avec son éléphant, affrontera des incendies ravageurs et passera au travers de nombreuses épidémies comme la peste.
Il faudra compter aussi avec la religion obscurantiste qui s'accommode mal des progrès de la science en matière d'astronomie. Ainsi ,«Qui étaient ils pour oser surveiller Dieu?» Les calamités comme la sécheresse, les tremblements de terre ou les guerres perdues qui s'abattent sur Istanbul ne peuvent être que la faute d'un magnifique laboratoire d'astronomie bâti par Sinan et ses apprentis qu'ils devront malheureusement détruire de leurs propres mains.
Heureusement, Chota est un excellent compagnon et il est aussi beaucoup question d'amitié en particulier avec le gitan Balaban qui sauvera la vie de notre héros à de nombreuses reprises (pas si mauvais finalement ces bougres de gitans...). La relation avec le Maître Sinan est également très belle même si l'on ne peut pas en dire autant entre apprentis où la jalousie rôde...
Jahan aura également la chance de rencontrer le grand Michel-Ange, «Il Divino», lors d'un voyage à Rome. D'ailleurs, l'épisode de la vie de ce dernier dont fait l'objet «Parle leur de de batailles de rois et d'éléphants» de Mathias Enard (décidément, le pachyderme est de rigueur!) est brièvement évoqué.
Ce conte initiatique est construit en courts chapitres inclus dans quatre parties principales, entrecoupés d'agréables petits dessins (à l'image de la couverture) rendant la lecture très fluide et tout le vocabulaire relatif à l'univers oriental et en particulier, sa sensualité, imprègne le récit.
Ekif Shafak qui m'avait séduite avec «La Bâtarde d'Istanbul», moins avec «Lait noir», signe ici un grand roman dont je ne serais pas étonnée qu'il soit adapté au cinéma et dont la magie opère longtemps après avoir tourné la dernière page.

Merci aux editions Flammarion et à Babelio pour cette lecture.
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A travers l'histoire du jeune Jahan arrivé par hasard à Istanbul en tant que cornac d'un magnifique éléphant blanc -cadeau destine au sultan Soliman- c'est l'histoire des rapports entre une ville, ses sultans et ses architectes qui nous est raconté avec beaucoup de talent par Elif Shafak. Ville fascinante aux multiples facettes Istanbul s'est faite au fil de l'histoire selon la personnalité de ses maîtres, et quelquefois au détriment du peuple. Sinan le grand architecte qui prend sous son aile le jeune Jahan, dont il perçoit les talents et cherche à le former, le sait bien qui, entre présent et avenir choisira l'avenir. Mais Istanbul n'est pas une ville facile, et ne peut y survivre que le plus fort et le plus habile, ce en quoi le rival de Jahan, Darvout, excelle. Mais lorsque Jahan doit quitter la ville il est loin d'imaginer ce que l'avenir lui réserve.
Cette belle histoire doit beaucoup au style magnifique de Shafak qui la construit un peu comme un conte, un conte où l'imaginaire révèle les secrets d'un passé porté par la mémoire et la tradition. J'ai regretté toutefois que le récit se dilue quelquefois dans des détails ou des situations qui le rallongent sans nécessité, alors que des moments clés semblent un peu bâclés. J'ai cependant beaucoup aime ce livre, ( moins toutefois que Soufi mon amour ou Bonbon palace) lu dans le cadre de Masse critique et je remercie infiniment Babelio et les éditions Flammarion pour cet excellent moment de lecture.
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Ce roman nous raconte l'histoire de Jahan , un gamin qui, par amour d'un éléphant, va traverser la mer, faire la guerre et devenir le disciple de l'architecte du sultan, l'illustre Mimar Sinan.

Et puis il ne faut pas oublier sa rencontre avec la princesse, un envoûtement !
"Quel âge as-tu?
-Douze ans.
-J'ai un an de plus, dit-elle. J'en sais plus long que toi."
Toujours incliné, Jahan ne put s'empêcher de sourire. Elle n'avait pas dit le plus évident: qu'elle était de naissance noble et lui un moins que rien. Lui rappeler qu'elle était plus âgée, c'était faire comme s'ils étaient ou pourraient un jour devenir égaux

Un roman qui vous transporte en Turquie, Istanbul pour être plus précis, courant XVI siècle. Un voyage dans le temps, dans une époque où le Sultan avait tout pouvoir, où son palais était une ville à part entière avec sa ménagerie, son harem, ses courtisans etc..... où Istanbul était une mégapole qui brassait un mélange ethnique incroyable.

A travers l'histoire de ce gosse, nous touchons de prêt l'histoire d'un sérail, de la vie à cette époque que ce soit des musulmans, juifs ou chrétiens, des épidémies et des divers complots de la cour.

"A quelle allure les choses changeaient, jusqu'où les gens pouvaient tomber, et de quelle hauteur ! Y compris ceux qu'il aurait crus hors d'atteinte. Ou peut-être, justement ceux-là. Comme s'il existait deux arcs invisibles : avec nos paroles et nos actes nous montons; avec nos paroles et nos actes nous descendons."
Elif Shafak est une conteuse. Elle nous berce dans ce monde de milles paillettes, de soie et de senteurs épicées. Entre fiction et réalité, elle nous élève à la magie d'une époque oubliée. le temps ralenti, les minutes s'égrainent tel un sablier de poudre d'or fin, vous êtes au diapason avec ses mots et vous n'avez aucune envie de lutter .

J'avais lu "Bonbon Palace" qui ne m'avait pas vraiment emballé (plu par sa plume mais pas vraiment pour son histoire), là il n'y a rien à redire, ce roman est une merveilleuse découverte !

Une lecture enrichissante qui, pour les amoureux de la Turquie et de son histoire ou les petits curieux, devrait vous ravir !

Lien : http://lesciblesdunelectrice..
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Jusqu'à 1928, la plus grande ville de l'empire ottoman, "la deuxième Rome", se nommait Constantinople, sa vieille ville s'appelant Stanbul. Dans L'architecte du sultan, Elif Shafak a choisi l'orthographe moderne d'Istanbul pour conter l'histoire imaginaire de Jahan, au XVIe siècle, au milieu de personnages réels comme Soliman, en bousculant quelque peu la chronologie, ce qui n'a pas une importance démesurée à partir du moment où il s'agit d'un roman historique qui permet toute licence narrative où le talent de l'auteur peut s'exprimer sans être bridé par la stricte exactitude des faits. Elif Shafak est une conteuse émérite et elle le prouve une fois encore dans ce récit situé entre les murs de la perle du Bosphore avec de brèves échappées vers l'Italie ou l'Inde. Jahan, garçon naïf, ambitieux et non dénué de défauts (le mensonge en fait partie) est notre guide dans la cité cosmopolite où la munificence des palais côtoie la puanteur des taudis. Dans ce conte oriental, les rebondissements ne manquent pas à mesure que Jahan grandit et apprend, Son regard s'enrichit de sa double profession : cornac d'un éléphant blanc et apprenti du plus grand architecte de son temps. le parcours du héros d'Elif Shahak est marqué par la fidélité : à Chota, son animal, d'abord, sans aucun doute le plus "humain" et le moins roué de ses amis ; à Sinan, l'architecte émérite, cependant soumis au bon vouloir du sultan ; à Mihrimah, son seul et unique amour, mais impossible ; à Balaban, un gitan indomptable et narquois, qui le sortira de toutes les situations inextricables dans lesquelles il s'est fourvoyé. Au sein de la ville grouillante, la romancière multiplie les intrigues et adapte son ton à différents genres : documentaire, initiatique, mystérieux, sentimental. du grand art pour une auteure aussi à l'aise dans la fresque que dans l'intimisme. L'architecte du sultan est un roman historique dont la modernité de style et de construction ne parait jamais anachronique. Ce qui en soi n'est pas une mince prouesse. Ce voyage dans le temps au carrefour de l'occident et de l'orient est un somptueux tableau vivant à admirer et à goûter pour ses mille et une saveurs.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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C'est un roman que j'ai d'abord estimé être un roman historique tout à fait honnête et agréable à lire mais la fin lui a donné, je trouve une autre dimension.
Le héros c'est Jahan un enfant orphelin de mère, maltraité par son beau-père qui va prendre la place du cornac pour accompagner Chota, éléphanteau blanc offert à Soliman. Là à Istanbul il deviendra l'un des apprentis de Sinan, personnage réel, architecte très prolifique qui servira trois sultans, Soliman, Sélim et Mourad. L'histoire se passe donc à cheval sur les 16e et le 17e siècles.
Amoureux de la fille de Soliman, qui vient souvent voir Chota, il ne veut pas nouer de relation avec d'autres femmes. le palais du sultan dans lequel il vit, enfin dans la ménagerie, est bien sûr un lieu d'intrigues, où l'on n'hésite pas à faire tuer ses fils ou ses frères, à manipuler les autres. Beaucoup se dévoile et s'explique à la fin.
Ce qui me fait dire que ce roman prend une autre dimension c'est que Sinan toujours présenté comme une sorte de sage, dévoué au travail, est remis en question, il est aussi celui qui a toujours su se taire pour pouvoir élever ses monuments, n'hésitant pas non seulement à chasser les pauvres de leurs masures si nécessaire, en se cachant derrière la volonté du sultan, en acceptant la destruction d'un bâtiment qu'il avait délégué à ses apprentis,mais aussi en refusant apparemment de s'interroger sur le fait que l'argent qui lui permet de tant bâtir provient des guerres incessantes. Était-il réellement un sage ou un opportuniste ? Il est vrai que face à un sultan qui n'hésite pas à faire tuer un vizir que pourtant il aimait, la marge de manoeuvre est limitée. C'est toujours la question de l'artiste pour lequel rien ne compte à côté de la création.
Cette présentation fait peu de place à Chota, pourtant personnage très important comme le sont les romanis qui parcourent l'empire ottoman et ce livre.

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Mon premier roman pour débuter cette année 2022 et direction la Turquie ! J'avais envie de voyage et d'évasion… Nous voici donc aux côtés de Jahan et de son éléphant blanc Chota dont l'on va suivre les aventures durant de nombreuses, nombreuses années. Venus d'Hindoustan après un long voyage chaotique, ils accostent à Istanbul, une ville cosmopolite qui rassemble dans son sillage musulmans, chrétiens, juifs, gitans et tant d'autres peuples. A leur arrivée, Jahan se retrouve promu cornac du Sultan et s'installe dans la ménagerie royale avec Chota, parmi les autres dompteurs d'animaux en tout genre. Petit à petit, il apprend les codes de ce monde particulier et parvient à établir sa place…

Par certains aspects, ce roman historique m'a fait penser aux Piliers de la Terre de Ken Follet, l'univers de l'architecture étant un élément central du récit, bien qu'ici il ne soit pas question de construire une cathédrale, mais d'édifier des mosquées toutes plus resplendissantes les unes que les autres pour des Sultans aux caractères et aspirations variées. On rencontre Sinan, le maître, l'architecte impérial, au parcours admirable, et ses quatre apprentis, dont fait partie Jahan (et Chota, ne l'oublions pas !).

Ce roman est un petit pavé et j'ai parfois trouvé quelques longueurs au récit. Malgré tout j'ai apprécié les personnages de Jahan et de Chota. Je trouve cependant dommage que les relations entre les divers protagonistes n'aient pas été plus creusées et mises en avant, telles que la relation Jahan/Mihrimah (si touchante de pudeur) ou celle de Jahan/Sinan. En fait, je trouve que les personnalités de chacun ne sont pas assez développées, côté "humain", on reste en surface et cela a tendance à engendrer une certaine distance avec le récit. Je me suis plongée dans ma lecture mais je n'étais pas "immergée", si je puis dire.

Malgré tout, j'ai passé un agréable moment grâce à ce roman qui m'a fait voyager et connaître un peu mieux l'Histoire d'Istanbul et de ses Sultans, de ses conquêtes et de ses mosquées resplendissantes, de son organisation et de la vie qui s'y déroulait alors au XVIème Siècle ! L'autrice le précise elle-même en fin d'ouvrage, elle prend quelques libertés avec les faits historiques. Tout n'est pas exact à 100%. Et quoique romancé, il y a une grande part de vérité : les personnages ont pour beaucoup existés ainsi que les faits relatés.

Dans la dernière partie du roman, tout s'accélère et de nombreuses révélations viennent éclairer un passé trouble et troublé. Les masques tombent. Les langues se délient. Que de gâchis finalement… Tout ceci m'a rendu le personnage de Jahan d'autant plus attachant. Et j'ai ressenti un pincement au coeur pour tout ce qu'il avait enduré au travers de sa vie. La fin se teinte de mélancolie et d'une douce nostalgie. Jahan est vieux, beaucoup ne sont plus, il se livre enfin un peu plus sur ses sentiments, ses ressentis, ses émotions. On gagne en profondeur et en humanité. J'ai trouvé ce final touchant et émouvant...

Bref, une très belle découverte dans l'univers d'Elif Shafak !

Challenge Multi-Défis 2022
Challenge Les Globe-trotteurs
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Dans le cadre d'une Masse critique spéciale (réservée à une poignée de membres) j'ai reçu ce roman d'Elif Shafak. Un grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion de m'avoir fait découvrir cette auteure et son univers.

L'histoire se passe à Istanbul au XVIe siècle. Jahan y arrive par bateau sur lequel il est devenu, par un concours de circonstances et surtout par intérêts du capitaine, un cornac, un éleveur d'éléphant. Chota est un éléphant particulier puisque blanc et Jahan sera introduit au palais du sultan. Là-bas, il y apprendra la vie et fera des rencontres qui modifieront sa vie, comme celle avec Sinan, architecte du sultan dont il deviendra l'apprenti.

Ce roman est celui d'une vie, celle de Jahan, sur fond historique. Une sorte d'uchronie bien menée puisque le lecteur ne peut lâcher ce petit cornac qui débute au bas de l'échelon et gravira les marches sociales vers les plus hautes sphères. Il y rencontrera l'amour, la trahison, l'amitié incongrue de gitans et surtout celle d'un animal plus humain que la plupart des hommes qu'il côtoiera.
J'ai beaucoup aimé suivre les pas de ce modeste personnage au milieu de "grands hommes". Même si le rythme n'est pas toujours soutenu, cela reflète d'autant mieux les aléas de la vie qui n'est pas toujours palpitante ou ponctuée d'événements inoubliables. La richesse de cette histoire tient aussi à sa capacité à conter une vie, en restant fidèle au réalisme et à sa logique : l'amour de Jahan est impossible et ce n'est pas la magie littéraire qui le transformera en possible. Au contraire. On a vraiment l'impression d'ancrer notre vision dans celle de cette époque et de ce lieu. Moi qui ne connaissais pas cette période et cette ville, j'ai pu me gorger de son atmosphère que je crois proche de sa réalité historique. Jahan est loin d'être un personnage lisse, tout comme la plupart de ceux qu'il croise. Peut-être que la figure de Sinan paraît trop idéalisée mais c'est le schéma littéraire cette fois-ci qui l'impose je pense : tout jeune homme en apprentissage a besoin d'un maître qui le guide, et ce maître est souvent idéalisé.
Que l'on prenne ce roman pour une uchronie ou pour seulement le conte d'une vie, on passera un bon moment. À la fois dépaysant et riche, ce roman nous prend par la main et nous conduit dans les rues d'Istanbul sans qu'on veuille ou puisse le lâcher. Une très belle découverte que je me félicite d'avoir connue et que je conseille !
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Istanbul au XVIe siècle.
Dans cette cité cosmopolite, centre culturel du monde, arrive par hasard Jahan, cornac "malgré lui" de douze ans.

Il accompagne un éléphanteau blanc, qui doit être offert au Sultan Soliman le Magnifique.
D'où vient-il ? Cela reste mystérieux, d'autant que le garçon possède un goût pour les mensonges et les jolies histoires.

Jahan se lie bientôt avec la fille du Sultan, au grand désespoir de sa nourrice. Il éprouvera les premiers émois amoureux.
Il est également remarqué par le grand architecte Sinan, à qui l'on doit les plus majestueuses constructions d'Istanbul, et devient son apprenti.

L'Architecte du sultan nous mène dans les ruelles et les arrière-cours d'une ville en pleine effervescence, carrefour des religions et des civilisations occidentales et orientales. On touche du doigt les débats intellectuels de l'époque et le quotidien à Istanbul. On observe la cité en train de se construire et l'on est plongé au coeur des intrigues de cour.

Jahan côtoie des personnages divers, comme Sinan son père de substitution, ou le chef des Gitans, toujours présent pour le sortir d'un mauvais pas, et bien sûr son éléphant, avec lequel il entretient une relation d'affection très touchante.

Le roman est à la fois une oeuvre historique, bercée d'une large part de fiction, et un conte oriental, clin d'oeil aux Mille et une nuits. Parfois il vire au genre policier et au roman d'aventures.


Ce n'est cependant pas le roman d'Elif Shafak que j'ai préféré. le personnage de Jahan semble ne pas évoluer, portant un regard toujours aussi naïf sur les gens et les évènements, même après des décennies. L'aspect initiatique demeure donc limité. de même, les interrogations spirituelles ou les quêtes d'identité sont moins approfondies que dans d'autres de ses oeuvres, à l'exception des dernières pages.

Toutefois l'Architecte du Sultan demeure un roman dépaysant, très riche et documenté, à la lecture plaisante. Il a le mérite de peindre la période De La Renaissance au sein de l'Empire ottoman et de la rendre vivante. Je remercie les éditions Flammarion et Babelio pour cette découverte.
Lien : http://los-demas.blogspot.fr..
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