Pièce qui n'a pas été publiée du vivant de l'auteur, mais uniquement en 1623 dans le Folio. Elle semble avoir été écrite en 1600-1601 ; son titre semble indiquer qu'elle a été créée le 6 janvier, le jour de l'Epiphanie, en 1601, même si aucune source sûre ne confirme ce fait. Le texte publié est un texte de scène, les spécialiste le jugent de bonne qualité.
Comme souvent dans le théâtre de l'époque, la source principale de la pièce de Shakespeare, est une, ou plutôt des pièces italiennes. Une comédie de nom d'Inganni a été jouée à Sienne en 1531, on ne connaît pas son auteur, mais la trame en a été reprise par Nicolo Secchi, puis par Curzio Gonzaga. Elle a connue diverses adaptations, latines, françaises, espagnoles...L'histoire de deux jumeaux de sexe opposé, séparés, déguisés, qui vivent des amours compliqués, dans lesquelles le changement apparent de sexe joue un rôle, troublant les corps et les âmes, a connu un beau succès. De toutes les façons, le XVIe et le XVIIe siècle étaient très amateurs de travestissements, et les filles déguisées en garçons comme les garçons déguisés en fille ont fait les beaux jours de la littérature de l'époque. On peut citer l'Astrée, le fameux roman d'Honoré d'Urfé dont la publication commence en 1607, dans lequel le personnage principal passe la plus grande partie du roman déguisé en fille auprès de celle qu'il aime, et qui sans le reconnaître, est troublée par sa présence. Shakespeare reprend donc une trame souvent utilisée.
Viola vient d'être sauvée d'une tempête dans laquelle son frère jumeau, Sébastien semble avoir péri, sur les rivages de l'Illyrie. Par prudence, elle se travestit en garçon, et prend du service auprès du duc des lieux. Elle en tombe amoureuse, mais le duc est épris d'Olivia, une jeune femme qui refuse ses avances, et cela même s'il n'est pas insensible au charme de son nouveau page. Le duc charge Viola, rebaptisée Césario, de fléchir Olivia. Viola approche la belle, qui loin de s'intéresser plus au duc, tombe amoureuse de Césario. Par ailleurs, Olivia héberge un oncle, noceur et plaisantin, qui joue des tours à qui il peut. Il décide ainsi, par l'entremise de Maria la suivante d'Olivia, de ridiculiser Malvolio, son intendant puritain. Mais Sébastien, le jumeau de Viola, n'est pas mort. Il arrive en ville, où il est pris pour Viola-Césario. En particulier par Olivia, qu'il épouse. Le duc, apprenant le mariage de son serviteur, est prêt à l'exécuter. Mais l'arrivée de Sébastien éclairci la situation : c'est lui qui est devenu le mari d'Olivia. Viola dévoile sa véritable identité, et le duc décide de l'épouser. Le seul mécontent est Malvolio, qui espérait épouser Olivia, et qui a été ridiculisé et maltraité. Le tout sous le regard goguenard du fou d'Olivia, Feste.
La pièce a une double tonalité, amoureuse, tout d'abord. Le duc n'est plus en capacité de gouverner ses états, envahi par une mélancolie amoureuse, dans laquelle il se complaît. Olivia et Viola sont éperdues d'amour, un amour qui ne semble pas possible, du fait du travestissement : le duc ne peut aimer Viola, qu'il pense être un garçon, et Olivia est dupe du déguisement de Viola, qui est en réalité une fille. Tous les amours sont donc sans issue. C'est l'arrivée de Sébastien, le complément mâle de Viola qui dénoue les fils ; le couple des jumeaux, en se reconstituant, en étant de nouveau homme et femme, remet le monde en état de marche et permet à chacun de retrouver un partenaire assorti. Après avoir connu les troubles et les attirances du semblable, chaque protagoniste rejoint l'autre, le différent, qui le complète. Sans oublier forcément l'attrait du pareil.
Mais la pièce a aussi une tonalité loufoque, carnavalesque ; beaucoup de commentateurs considèrent qu'elle est en lien avec la date supposée de la création, à l'entrée du carnaval. Le moteur en est sir Tobie, l'oncle d'Olivia, accompagné de son satellite, Sir Aguecheek. Festen, le fou, joue aussi son rôle, ainsi que Maria. Malvolio, est un participant involontaire, mais le personnage est comique malgré lui, et devient la victime désignée des autres. Comme dans le carnaval et ses débordements, le rire est proche de la cruauté, voire de la violence. Malvolio en est la victime, mais il n'est pas le seul, la mort peut survenir, par duel ou par exécution. Nous ne sommes pas loin par certains aspects d'un côté presque rituel, où pour conjurer le sort et s'assurer la prospérité, les débordements d'abord joyeux, vont jusqu'au paroxysme, et demandent une victime expiatoire pour s'accomplir.
Une très grande pièce.
Challenge Théâtre 2018-2019
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Le théâtre est un genre que l'on lit quand l'envie s'en fait sentir. C'est avec plaisir que je retrouve un genre que j'aime lire, un classique qui plus est, le théâtre shakespearien faisant montre de modèle dans le genre.
Ici, les scènes engagent les thèmes du travestissement, des quiproquos, de la vengeance et de la ruse. L'amour, aussi bien sûr. Qui toujours chez ce maître-ci, se veut complexe et alambiqué.
Les personnages sont des archétypes mais recèlent également des richesses de jeu. Comme souvent, on savoure particulièrement les envolées du fou, empreintes de bien des vérités. Pour que tout se termine pour le mieux...
Une pièce qui se lit avec aisance et facilité, une histoire à rebondissements qui prête au sourire et à l'émotion.
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Une pièce intéressante et drôle, en dépit d'un dénouement un peu facile et couru d'avance. Ce n'est pas tant le manque de surprise qui me déplaît (nombre d'autres pièces fonctionnent ainsi) que la facilité avec laquelle tout ceci se résout. Malgré cela, j'ai pris plaisir à la lire.
J'ai particulièrement bien aimé le passage où Maria piège Malvolio à l'aide d'une lettre (Acte II, scène 5), à la lecture duquel j'ai beaucoup ri, car l'on rit d'être dans la confidence, mais aussi de le voir se rengorger tel un dindon, sans public aucun (du moins le croit-il !)
J'affectionne également le personnage de Sir Andrew, complètement ridiculisé par Sir Toby, qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
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Viola a tout perdu dans un naufrage, et surtout son frère jumeau, Sébastien. Elle trouve refuge dans la maison du Duc Orsino, mais comme elle veut mieux voir à qui elle a affaire avant de faire connaître sa véritable identité, elle se travestit en garçon, Césario, et entre au service du Duc comme page. Elle tombe vite amoureuse de lui, mais lui n'a d'yeux que pour la belle Olivia, qui, à son tour, va s'éprendre du jeune page Césario, à la grande gêne de Viola...
Pour compliquer les choses, voilà que Sir Toby, oncle d'Olivia et logé gracieusement par sa nièce, son compagnon André Grisemine, et la domestique Maria sont fort fâchés contre l'intendant de la maison, le malheureux Malvolio. Ils vont lui faire un tour fort pendable : ils vont lui laisser trouver une lettre, qu'il croira écrite d'Olivia, dans laquelle elle écrit qu'elle l'aime et lui donne toute une série d'instructions : porter des bas jaunes, rudoyer les domestiques, remettre Sir Toby à sa place.... Et le pauvre intendant va foncer tête la première dans cet attrape-nigaud.
De son côté, Sébastien n'est pas mort : il a rejoint la côte aidé d'Antonio, capitaine du bateau qui l'a secouru, et qui rase les murs car le Duc Orsino a mis sa tête à prix.
Prenant décidément goût aux blagues stupides, Sir Toby, quant à lui, aidé de Fabien, décide de faire battre ensemble Césario, le jeune page effarouché du Duc Orsino qui vient conter fleurette à la belle Olivia pour son maître, et André Grisemine, pleutre notoire. le face-à-face tourne bien sûr court, et, une fois rasséréné, Maître André réalise qu'il aurait très facilement le dessus sur le jeune homme et le poursuit... Malheureusement pour lui, ce n'est pas à Viola qu'il va se frotter cette fois, mais à Sébastien, tout fraîchement débarqué, environ trois mois après l'arrivée de sa soeur...
Bref, des quiproquos à la pelle, du comique de situation, et un dénouement heureux, tous les ingrédients sont là pour obtenir une comédie bien réussie.
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