Une couverture aux couleurs du sens interdit, comme une défense d'entrer. Une serrure pour verrouiller sa ou ses propriétés, mais où l'oeil peut se glisser pour voir ce qui se cache derrière !
Sandwichées entre deux longues nouvelles, une dizaine d'anecdotes pimentées, à l'humour décapant, répandent des arômes piquants pour exposer des réactions multiples et variées vis-à-vis du sentiment de possession. Que ce soit dans la vie de famille, de couple, dans les relations de voisinage animal ou humain, dans le registre amical ou amoureux, dans le besoin de reconnaissance ou dans le domaine financier, ces douze nouvelles puisent leur force et leur réalisme dans la vie actuelle.
– On y rencontre
Jullian qui exaspère son entourage avec ses tenues vestimentaires, sa voix, ses rires, ses attitudes n'attirant qu'antipathie voire aversion. Alors, lorsque son meilleur ami décide de se marier, sa future femme est loin de faire exception et éprouve une jalousie doublée d'une haine viscérale contre la pauvre
Jullian. Besoin de possession exclusive de l'homme, la finalité de cette histoire est absolument ignoble.
– On y croisera Liam, un trentenaire qui n'a aucun besoin, ni aucune envie, de quitter le foyer familial où il se complait tout à fait dans l'assistanat domestique. Quelle ligne d'attaque s'offre aux parents pour le faire quitter ce nid si douillet ?
– Plus loin, dans un jardin londonien, ce sera un sycomore envahissant et invasif qui empiétera sur la quiétude du petit bout de terrain de la voisine. Pourtant, avant le décès de son mari, elle ne s'intéressait pas du tout au jardinage et sa haine à l'encontre du sycomore va la réveiller subitement et l'aider à faire son deuil.
– Une maison ne se laissera pas apprivoiser par sa nouvelle propriétaire et s'opposera fermement à la peinture de ses murs, au ponçage de son parquet…
L'analyse des personnages, qu'ils soient égocentriques, avares, jaloux, mesquins, profiteurs ou intéressés est pointilleuse, même dans les plus brèves nouvelles.
Le caractère moqueur de l'auteure vise et développe avec délectation, et très justement, toutes les dérives de ce besoin de posséder.
Ici, ce sentiment de propriété transforme ironiquement les personnes et les destins. Les réactions des uns et des autres sont désopilantes, affligeantes, encourageantes ou déprimantes. Les fins sont tantôt heureuses, tantôt tragiques, parfois amères et d'autres fois romantiques. Il y en a pour tous les goûts.
La défense de son territoire, terrestre, humain ou social peut revêtir des formes ou des couleurs tout à fait inattendues !
Ni roman ni nouvelle, ces histoires tiennent souvent du récit tant elles sont criantes de vérité ; qui ne reconnaîtra pas un voisin, une amie, un parent ou soi-même dans ces personnages ?
Je ne connaissais pas la plume de
Lionel Shriver. Elle utilise un vocabulaire riche, l'écriture, assez exigeante demande parfois concentration mais elle donne encore plus de piquant et de pertinence à cette vision critique du comportement humain.
Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour cette découverte multicolore aux accents acidulés.