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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si vous n'êtes pas SDF, alors vous comprendrez Lionel Shriver qui, dans ce recueil de nouvelles, nous parle de propriété, de location, de quitter notre nid, d'en retrouver un autre qui ne veut pas de nous, de déloger des hôtes indésirables – fussent-ils nos enfants - , de partir pour mieux revenir, d'entrer en conflit avec nos voisins à cause d'un arbre tentaculaire, et j'en passe.

Toutes ces nouvelles d'une vingtaine de pages chacune (sauf la première et la dernière, des « novellas » de cent pages) ont donc un point commun : le sentiment de posséder quelque chose, de l'immobilier en l'occurrence, et son corollaire, tous les ennuis possibles et imaginables qui accompagnent ce sens de la propriété.

Mais elles ne se limitent pas à cet aspect matérialiste, loin de là ! Lionel Shriver est pour moi une experte en psychologie, et tel un médecin des âmes, elle analyse, psychanalyse, décortique, soulève le sparadrap des bonnes manières et découvre le pus de toute relation.
Tout y passe : les couples, les parents vieillissants, les enfants déjà adultes ; le divorce, les pique-assiettes, le veuvage, le célibat, les jeunes autocentrés, les trop riches, les sous-locataires sans-gêne, les douaniers pointilleux des aéroports, le train de la vie qui passe et ne revient pas…

Un style un brin sophistiqué aux phrases plantureuses et aux mots recherchés nous force à examiner tous les problèmes engendrés par la possession ou tout simplement l'attachement.
De cette auteure américaine, j'avais lu l'excellent « Big Brother ». « Il faut qu'on parle de Kevin » patiente dans mon pense-bête. Il deviendra bientôt ma propriété. Privée, cela va sans dire.

Merci à Babelio pour cette occasion de tester mon instinct de propriétaire à l'occasion d'une Masse Critique spéciale, et aussi aux éditions Belfond, bien entendu !
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Une couverture aux couleurs du sens interdit, comme une défense d'entrer. Une serrure pour verrouiller sa ou ses propriétés, mais où l'oeil peut se glisser pour voir ce qui se cache derrière !

Sandwichées entre deux longues nouvelles, une dizaine d'anecdotes pimentées, à l'humour décapant, répandent des arômes piquants pour exposer des réactions multiples et variées vis-à-vis du sentiment de possession. Que ce soit dans la vie de famille, de couple, dans les relations de voisinage animal ou humain, dans le registre amical ou amoureux, dans le besoin de reconnaissance ou dans le domaine financier, ces douze nouvelles puisent leur force et leur réalisme dans la vie actuelle.

– On y rencontre Jullian qui exaspère son entourage avec ses tenues vestimentaires, sa voix, ses rires, ses attitudes n'attirant qu'antipathie voire aversion. Alors, lorsque son meilleur ami décide de se marier, sa future femme est loin de faire exception et éprouve une jalousie doublée d'une haine viscérale contre la pauvre Jullian. Besoin de possession exclusive de l'homme, la finalité de cette histoire est absolument ignoble.
– On y croisera Liam, un trentenaire qui n'a aucun besoin, ni aucune envie, de quitter le foyer familial où il se complait tout à fait dans l'assistanat domestique. Quelle ligne d'attaque s'offre aux parents pour le faire quitter ce nid si douillet ?
– Plus loin, dans un jardin londonien, ce sera un sycomore envahissant et invasif qui empiétera sur la quiétude du petit bout de terrain de la voisine. Pourtant, avant le décès de son mari, elle ne s'intéressait pas du tout au jardinage et sa haine à l'encontre du sycomore va la réveiller subitement et l'aider à faire son deuil.
– Une maison ne se laissera pas apprivoiser par sa nouvelle propriétaire et s'opposera fermement à la peinture de ses murs, au ponçage de son parquet…

L'analyse des personnages, qu'ils soient égocentriques, avares, jaloux, mesquins, profiteurs ou intéressés est pointilleuse, même dans les plus brèves nouvelles.
Le caractère moqueur de l'auteure vise et développe avec délectation, et très justement, toutes les dérives de ce besoin de posséder.
Ici, ce sentiment de propriété transforme ironiquement les personnes et les destins. Les réactions des uns et des autres sont désopilantes, affligeantes, encourageantes ou déprimantes. Les fins sont tantôt heureuses, tantôt tragiques, parfois amères et d'autres fois romantiques. Il y en a pour tous les goûts.

La défense de son territoire, terrestre, humain ou social peut revêtir des formes ou des couleurs tout à fait inattendues !

Ni roman ni nouvelle, ces histoires tiennent souvent du récit tant elles sont criantes de vérité ; qui ne reconnaîtra pas un voisin, une amie, un parent ou soi-même dans ces personnages ?
Je ne connaissais pas la plume de Lionel Shriver. Elle utilise un vocabulaire riche, l'écriture, assez exigeante demande parfois concentration mais elle donne encore plus de piquant et de pertinence à cette vision critique du comportement humain.

Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour cette découverte multicolore aux accents acidulés.
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Ça pourrait être insupportable. Private jokes (« Elle préférait « Django unchained » à « Twelve years a slave », et pouvait élaborer avec beaucoup d'éloquence les raisons pour lesquelles les fantasmes de revanche constituaient pour sa communauté de bien meilleurs vecteurs d'autonomisation que les épisodes horrifiants de maltraitance à son encontre »), syntaxe et vocabulaire sophistiqués (« Mais elle n'était pas disposée à capituler. Sous peine, sinon, d'avoir à s'échiner, à mesure que les années passeraient et qu'elle serait moins vaillante, dans l'équivalent botanique d'une mine de sel afin d'arracher une à une ces stupides boutures bourgeonnant de leur espoir idiot, poussant tout leur saoul dans leur naïveté verdoyante et tape-à-l'oeil. »), inspiration puisée dans les sempiternelles histoires de familles et de couples.
Sauf que.
D'abord c'est souvent hilarant (« Il s'était autorisé un commentaire à voix haute, ponctué d'une esquisse de haussement de sourcils, quoique bref et nullement exagéré : - Oh, de grâce! Grossière erreur. La règle cardinale du voyage aérien était « Ne pas se faire remarquer ». C'était comme s'il avait survécu de justesse à un meurtre de masse, et qu'il était allongé, immobile parmi les victimes. Mais plutôt que de continuer à faire le mort, en exprimant ce « De grâce ! », c'est comme s'il s'était mis à faire des bonds en s'écriant : « Attendez! Ici! Vous en avez loupé un ! »).
Et surtout c'est brillant. On croirait lire du La Bruyère sous acide ou du Nathalie Sarraute sous amphétamines. La même capacité à ratiociner sur les plus petits détails de nos vies mesquines mais les haussant au rang d'oeuvres d'art de la médiocrité, heureuse ou tragique, comme une entomologiste à la fois distante et empathique - ce qui est normalement impossible. Comment cette femme me connaît-elle aussi bien?
Lionel Shiver nous tend un miroir sans complaisance qui nous pousse à serrer les fesses et relever le menton. Médiocres peut-être, mais dignes ! Morales du petit siècle, le nôtre.

(Merci à Masse critique et aux éditions Belfond pour cet envoi ô combien apprécié. )
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Toujours aussi incisive Lionel Shriver, aussi cynique, toujours cette vive intelligence et ce regard perçant porté sur les égarements et l'épuisement très "fin de siècle" de nos sociétés modernes. Et tout aussi à l'aise dans le format de la nouvelle que dans celui du roman, ce qui n'est pas donné à tout le monde.
On quitte les Etats-Unis cette fois-ci pour la Grande Bretagne où se déroulent la majeure partie de ces nouvelles, mais l'angle choisi est suffisamment transversal à l'ensemble du monde occidental pour s'y appliquer universellement : quoi de plus emblématique en effet de notre mode de vie capitaliste que la relation à la propriété?
Les murs, les choses, l'emprise sur les autres ou sur soi-même, ce que l'on possède, ce que l'on convoite, dont on veut se débarrasser ou que l'on ne peut pas lâcher, c'est la propriété sous toutes ses formes que ces nouvelles explorent, avec plus ou moins de bonheur (j'ai moyennement apprécié les deux longues "novellas", un peu bavardes), révélant au passage de belles névroses.

Mention spéciale au Tanguy trentenaire qui refuse absolument et sans vergogne de jouer le jeu économique dont les dés sont pipés, quitte à pourrir à mort la vie de ses parents.
Jolie petite perle aussi que cette nouvelle dans laquelle une plante invasive vient perturber le quotidien d'une veuve, pour le meilleur et pour le pire.
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C'est toujours avec gourmandise que je lis un texte de L.Shriver, et je dois dire qu'ici le bonheur a été multiplié par 12 puisque ce livre de 450 pages contient 12 nouvelles.
Je n'ai plus d'autre roman du même auteur sous la main pour savoir si c'est toujours le même tandem écrivain-traducteur, parce qu'avec la gymnastique intellectuelle de L. Shriver, mieux vaut avoir le même état d'esprit, et pour faire court, un certain mauvais esprit (que j'adore) qu'il faut traduire avec le même art consommé de l'ironie souvent féroce.
Le sujet central est la propriété sous différentes formes; une maison, un mari, un compagnon, une vieille lampe etc sont pour leur "propriétaire" un bien précieux qui, dès qu'il leur échappe devient sujet à des soucis insurmontables, des calculs dérisoires, bref, difficile de s'arracher le coeur.
Ces nouvelles se terminent bien souvent d'une manière provocante, le ton est sarcastique, et toutes nos misérables petites mesquineries sont passées au crible.
Merci aux Edts Belfond et à Babelio pour ce bon moment de lecture.
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« le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez stupides pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile … » proclame Rousseau dans son discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes. le philosophe du XVIIIe siècle n'observait aucune relation entre propriété et communisme ; son propos n'était que l'affirmation d'un esprit libertaire.


Envisagée à l'aune de la continuation et de la continuité de l'oeuvre balzacienne, Lionel Shriver croque dans « Propriétés privées », sans compassion ni jugement, le spectacle de la Comédie humaine propre au désir irrépressible d'appropriation et de possession lorsque celui-ci confine à la dépendance et à l'obsession et, en définitive, contraint l'Homme moderne occidental et révèle ses viles et douloureuses émotions.


Née en 1957 aux États-Unis, Lionel Shriver a enseigné avant de partir pour la découverte du monde. Elle a vécu en Israël, à Bangkok, à Nairobi et en Irlande du Nord, où se situe l'ultime histoire du livre.


À mi-distance de la nouvelle et du roman, « Propriétés privées » est publié en février 2020 aux éditions Belfond. Lionel Shriver est également l'auteur de six romans dont « Il faut qu'on parle de Kevin » (Belfond, 2006), récompensé par l'Orange Prize, et de « La famille Mandible, 2029-2047 » (Belfond, 2017). Elle vit aujourd'hui à Londres, mais également à New York avec son mari Jeffrey Lawrence Williams, jazzman réputé.


Douze nouvelles sarcastiques, dont deux Novella – le pied en lustre et la sous- locataire - dont le dénominateur commun est l'exposé des mécanismes psychologiques d'appropriation des biens et d'emprise sur autrui, sous toutes ses formes. Et en filigrane, cette interrogation : de l'Homme ou de la chose lequel domine l'autre ?


Il y en a pour tous les goûts. Et d'aucun ne pourra nier, pour autant les incertitudes et les contingences afférentes au monde contemporain, se reconnaitre, au moins une fois, dans l'une ou l'autre des situations décrites.
Novella « le lustre en pied » - un présent de mariage – est éclairante. Une épouse exhorte son mari à rompre toute relation avec une amie de longue date. Celle-ci exige de reprendre le cadeau offert, mais se heurte au refus de la mariée.

Dès lors, le simple objet, un luminaire sans valeur, revêt un caractère de symbole des relations sociales entre les trois protagonistes et se meut en trophée au bénéfice du vainqueur : « on obéissait aux conventions sociales parce qu'on se souciait de ce que les autres pensaient de nous… Réclamer le rendu d'un cadeau de mariage [est] grossier… le reniement de leur amitié l'avait libérée des règles de la bienséance. (P. 116) … La réponse fut immédiate elle [l'épouse] tient à garder le scalp. (P.118).


Dans « terrorisme domestique », un trentenaire, Liam, oisif, sans désir ni espoir d'avenir, refuse de quitter le domicile parental nonobstant les supplications d'une mère insistante. En conséquence, celui-là met en scène son expulsion sur les réseaux sociaux : « pourquoi accueillir un réfugié, fit valoir Liam sans se démonter, si c'est pour en créer un autre » (P.158) avec comme slogan « la parentalité n'a pas de délais de prescription ». (P.177). À l'ironie, Lionel Shriver ajoute de l'humour. L'auteur montre que nos comportements peuvent s'avérer plus grotesques encore dès l'instant que l'emprise des objets sur nos vies modernes résulte d'une technologie plus avancée.


Chasser l'intrus autrement dans « le sycomore à ensemencement spontané ». Il s'agit d'une veuve tourmentée par l'arbre du voisin qui empiète sur sa propriété dont elle ne s'était pourtant jamais préoccupée au temps de son mariage.


Une autre forme d'incursion dans la propriété d'autrui, dans « Kilifi Creek » : une jeune étudiante américaine qui se convie au domicile d'un couple âgé, au Kenya, pour y passer des vacances à peu de frais et goûter aux plaisirs de l'aventure en se montrant particulièrement insouciante et irresponsable.


Toujours sur le plan familial, la nouvelle « le baume à lèvres » est aussi drôle que pathétique. Un médecin mourant, Daniel Dimmock, réclame d'urgence à son chevet, une fois de plus, Peter, l'un de ses enfants - « [il] est mourant une fois encore… » (P.256) - désigné en qualité d'exécuteur testamentaire, un cadeau empoisonné.
Peter se hâte pour l'aéroport. Une comédie burlesque se produit dans la zone de contrôle : dénudement, inspection détaillée aux rayons, interrogatoire kafkaïen, quiproquos en tous genres avec le personnel zélé et hostile. Pourquoi tout cela ? Pour satisfaire un père despote, calculateur et impulsif. le portrait de celui-ci, hargneux contre son personnel, est succulent : « pourquoi à notre époque, une semi-analphabète volerait-elle un stylo à plume ? (P.267).


L'argent peut ruiner les relations familiales, thème cher à Lionel Shriver. La nouvelle « taux de change » met en scène un scientifique américain qui, à l'occasion d'une conférence en Angleterre, fait une visite à son fils, Elliot. Au moment de rentrer aux Etats-Unis, et afin de ne pas acquitter la commission de change des dollars restant en sa possession, il sollicite directement son fils, titulaire d'un compte bancaire américain.

Contrarié de ne pouvoir conserver l'argent comme une reconnaissance paternelle, Elliot adressera à son père, quelques jours plus tard, un chèque dont le montant est amputé des frais de commission et du temps passé à traiter l'opération. Ironie du sort, peu de temps après, le père décèdera sans jamais avoir revu son fils.


Ou bien encore, dans « capitaux propres négatifs » un couple renonce à divorcer, par suite de la chute des cours immobiliers, afin de ne pas être contraint de vendre le bien à bas prix. Cohabitant au sein d'une « comédie romantique » (P. 289), l'époux invite sa maitresse régulièrement au domicile conjugal. Curieusement, les deux rivales sympathisent très vite. Mais cette fois, Lionel Shriver adopte un procédé littéraire différent, par retournement de situation. Réconfortés par la reprise des marchés, les époux mettent un terme au vaudeville et reprennent leur vie commune…


Dans une autre version de l'effet des contingences immobilières sur le caractère et les sentiments, un autre couple, dans « les nuisibles », après en avoir recueilli un raton drôle et inoffensif, s'aperçoit que sa maison est envahie par des centaines de rongeurs. L'époux, pourtant de nature insouciante et nonchalante, devient anxieux et désagréable : la maison doit subir, à grands frais, un traitement aux effets très aléatoires ; les propriétaires sont-ils assurés ? Quoi qu'il en soit, la vie commune ne sera plus la même.


De même une femme, Helen, acquiert, à vil prix, une maison à une banque poursuivant la vente aux enchères de celle-ci ayant appartenu aux anciens propriétaires dans l'impossibilité de payer les traites. La référence à la crise des « Subprimes » fait peu de doute. La nouvelle propriétaire ne trouve aucune excuse aux malheureux endettés pour laquelle la maison constitue une excellente opportunité financière : « comptable, fiscaliste, Helen tenait les règles en haute estime. Elle n'éprouvait aucune sympathie pour les gens qui ne contrôlaient pas leur situation… » (P.235).

Mais la maison refuse la présence d'Helen. Les murs « refusent » la nouvelle peinture, le plancher ne peut être poncé, les objets se déplacent étrangement en son absence… Déboussolée par cette situation, Helen néglige son au point de perdre celui-ci, et, à son tour, elle subit les affres d'une saisie immobilière. L'accession à la propriété n'est pas toujours une sinécure…


L'argent, source aussi de culpabilité dans « paradis et perdition » lorsqu'un chef d'entreprise détourne les fonds de sa société pour fuir au bout du monde. Mais, rongé par la culpabilité, servi par le personnel défavorisé, il décide de renoncer : « il avait hâte de se revigorer dans la cour de la prison, où un homme ne peut pas acheter sa place au sommet de la hiérarchie, mais doit batailler pour se faire la sienne parmi les autres » (P.342).


Autre façon de tricher, dans « poste restante ». Un préposé conserve par-devers-lui les lettres dont il est chargé de la distribution se comportant sur elle en propriétaire par interversion de la possession. Avec l'une des lettres recélées, il tente d'usurper l'identité de son destinataire. Une double atteinte au droit de propriété d'autrui, sur son bien - la lettre - et sur son identité.


La dernière nouvelle - « la sous-locataire » le seconde Novella, la meilleure manifestement, aborde une forme de désir de propriété et de possession sur un autre registre, certes présentant des traits communs avec les récits précédents, mais de façon plus subtile et insidieuse. Lionel Shriver évoque la question de l'appropriation et du désir de propriété, avec son cortège de mauvaises actions, sous l'angle du territoire et des évènements à propos des expatriés.

Les faits se déroulent en Irlande du Nord au temps des attentats perpétrés par les mouvements séparatistes de l'I.R.A. Deux journalistes américaines concurrentes et obsédées jusqu'à la dépendance aux évènements, en poste près de Belfast, se disputent l'évènement, et, par voie de conséquence, le territoire. Doit-on y voir une allusion au nationalisme ? En tout cas, la conduite des reporters entre elles rebuterait les nationalistes les plus radicaux. Leurs bombes : un combat sans merci pour protéger l'information, des attitudes mesquines et sournoises.

À l'attention de la nouvelle arrivée, Emer, Sara estime que : « j'ai écrit chaque semaine pendant neuf ans…et comme je suis horriblement cynique, je me compose un visage sérieux pour palper mon gros billet » (P.430) … Cette chienne, cette voleuse volait toute sa vie (P.413). Et les réflexions de Sara qui révèlent son état d'esprit sur son sentiment sa perception de propriétaire du territoire et des évènements politiques : « Reconnaitre le ridicule de sa propriété sur l'Ulster ne changeait en rien la sensation. La propriété était autant un état d'esprit qu'un droit légal. À cet égard, l'absence de droit de naissance rendait possible le droit de propriété » (P.375).


Enfin, il est difficile de faire l'économie à propos du style de l'auteur dénoncé par une certaine critique. Les livres de Lionel Shriver réclament une lecture relativement exigeante, mais accessible.


Il est vrai que les phrases de l'auteur sont longues et que les règles de ponctuation sont parfois malmenées. Pour autant, Lionel Shriver écrit très bien, mais pas des romans ou des nouvelles qui « font du bien » à l'attention de jeunes filles candides. Ils sont bien écrits, avec un sens du détail faussement simple et anodin, dont seuls les grands auteurs sont capables.


En résumé, « propriétés privées » est un ouvrage parfaitement réussi dont je conseille vivement et au plus vite la lecture.


Bonne lecture.

Michel.



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Si je devais qualifier un ou une auteur d'auteur chouchou, il y aurait de grandes chances que je choisisse Lionel Shriver. Il faut dire que je ne me remets toujours pas de la claque que fut Il faut qu'on parle de Kevin, lu il y a plus de dix ans.
Pourtant, si pour le moment j'ai plutôt beaucoup aimé les romans que j'ai lus d'elle, j'ai quand même connu une (légère) déception. Mais sa plume me ravit à chaque fois, notamment lorsqu'elle dépeint au vitriol la société dans laquelle elle vit, plus particulièrement la société américaine.

J'étais donc ravie de découvrir ce recueil de nouvelles et je ressors de ma lecture, ma foi, plutôt charmée. Alors je ne ferai pas un inventaire des douze histoires qui parcourent ce livre, indiquant simplement qu'elles sont liées par la notion de propriété (qui est très chère aux Américains, la propriété individuelle étant placée au-dessus de - presque - tout), qu'il s'agisse d'une maison, d'un appartement ou d'un objet, bien sûr, mais aussi de sa tranquillité, de sa liberté, voire même de son mari ou de son meilleur ami.

Alors, bien entendu, il y a des histoires que j'ai aimées plus que d'autres dans ce recueil, mais aucune que je n'ai pas appréciée du tout. Et sa prose agit toujours autant sur moi.

En bref, je conseille ce livre, bien entendu, mais il n'est certainement pas celui à lire pour découvrir l'oeuvre de Lionel Shriver. Pour le coup, je mise toujours autant sur Il faut qu'on parle de Kevin, ça passe ou ça casse.
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C'est un recueil de nouvelles (dont deux assez longues) sur le sujet de la propriété.
Propriété immobilière, mobilière mais aussi d'objets symboliques voire même de personnes (!).
L'autrice n'hésite pas à entrer dans le détail du ressenti de ses personnages et c'est souvent comique. C'est aussi un peu ennuyeux parfois quand ça vire à la démonstration.
Bref, comme souvent, des nouvelles inégales, en qualité et en longueur, mais toujours bien écrites et avec un sens aiguisé de la psychologie
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Propriété privée est un recueil de nouvelles à l'humour grinçant. J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver la verbe de Lionel Shriver, elle ose aborder beaucoup de sujets tendus en utilisant une plume et un humour corrosifs. Toutes ses nouvelles abordent différentes facettes de la possession : aussi bien amicale, amoureuse que matérielle. Elle peut aussi concerner la maîtrise d'une sensation, l'habitude de vivre avec telle émotion, la possession des clefs de son destin. Certaines nouvelles m'ont plus marquée que d'autres mais je les ai toutes fortement appréciées. Ce recueil peut être une bonne entrée en matière dans l'univers de Lionel Shriver.
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De Lionel Shriver je n'ai lu (il y a longtemps) que Double faute, un roman formidablement grinçant qui ausculte avec une féroce acuité la relation d'un couple de champions de tennis et que l'on peut désormais trouver réédité chez Pocket. Alors ce recueil de nouvelles m'a permis de renouer avec son étonnante lucidité dans l'étude de la psychologie humaine et de me souvenir qu'elle est décidément très à l'aise avec l'environnement sportif (qui est aussi le sujet de son dernier roman d'après ce que j'en ai entendu dire). Il y a ici une dizaine de nouvelles encadrées par 2 novellas d'une centaine de pages, l'ensemble permettant d'explorer de façon assez piquante l'étendue du spectre des pathologies induites par la possession de biens et d'objets divers. La propriété, élément moteur de nos sociétés n'a rien d'anodin et provoque même un certain nombre d'effets pervers dont nous n'avons pas toujours conscience. Lionel Shriver se régale à nous les révéler.

La plupart des personnages dépeints par l'auteure sont marqués par le sceau de la solitude, soit parce qu'ils ne sont pas "dans la norme", soit parce que les aléas de la vie sont passés par là. Est-ce pour cela qu'ils investissent dans les objets qui les entourent autre chose qu'un simple lien utilitaire ? Quoi qu'il en soit, les comportements révèlent, sous le regard attentif de Lionel Shriver un magma de failles affectives. Je ne vais pas détailler chacune des nouvelles, elles sont taillées avec beaucoup de savoir-faire et de talent autant dans la mise en scène que dans l'exploration des sentiments, aucune ne se ressemble et on peut les picorer tranquillement et indépendamment. Chacun reconnaitra certaines situations ou travers, se sentira particulièrement touché ou interrogé par l'une ou l'autre de ces histoires. Moi j'ai particulièrement apprécié la novella qui ouvre le recueil, le Lustre en pied (titre impossible...), texte magistral qui justifie à lui seul de posséder ce livre : d'une irrésistible finesse dans l'analyse des relations entre les trois protagonistes de l'histoire, d'une férocité perverse lorsqu'il s'agit de décortiquer le déséquilibre induit par une troisième personne dans la vie bien réglée des deux premiers ; je suis passée par tous les états avec Jillian, c'est du grand art et la parabole du tennis est parfaite (essayez un peu de jouer à trois...).

Ça grince donc, délicieusement. Et cela nous renvoie à nos émotions et sentiments les plus profonds, pas toujours très reluisants ni faciles à décoder pour celles et ceux qui nous entourent. La possession est-elle synonyme de liberté ou d'aliénation ? Bonne question.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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