La compagnie des femmes

« … le temps et l'espace entre les êtres deviennent parfois si considérables qu'on se demande comment ces planètes ont pu un jour graviter dans un même ciel. »

Belle question que pose Yves Simon dans La compagnie des femmes, un récit proche de l'autobiographie que lui avait demandé son éditeur, sans tous les éléments factuels qu'on lui avait suggéré de glisser au fil des pages. L'auteur des Jours en couleurs, roman publié il y a 40 ans cette année, a plutôt joué sur les teintes et les demi-teintes, l'élan et le départ, pour remonter aux sources, à l'enfance, aux lieux, et aux femmes, pour nous parler de lui, de ce qui restera, de ce qui s'est envolé, de ce qu'il a choisi de ne pas retenir.

Un parcours entre Paris et Aix-en-Provence servira à cette introspection jugée nécessaire par celui qui s'y est plié afin d'établir où il en est et surtout ce qu'il veut, alors que les années ont gommé certains souvenirs, dont la voix de son père décédé alors que l'auteur avait 20 ans et des poussières. Alors aussi qu'il aura 70 ans en 2014, qu'il le sait même s'il ne les sent pas dans ses veines, et que celle qu'il aime et qui l'aime le sait aussi, elle qui voudrait qu'il pose enfin ses bagages quelque part. Finalement.

L'auteur, parti sur un coup de tête, avec le projet d'aller se recueillir sur la tombe d'un ami, avec l'intention de mettre fin à une histoire parallèle pour préserver un amour qu'il a attendu toute sa vie, avec le rêve que les rencontres de hasard seront, comme elles le souvent, déterminantes, signe avec La compagnie des femmes, un livre sans compromis où il n'a pas nécessairement le beau rôle. Un livre qui dresse le bilan d'une vie de rencontres et d'étonnement, de quête et de fuites, un livre qui parle de ceux qu'il a aimés une heure ou toute sa vie, et qui ont fait de lui ce qu'il est. Un livre pour souligner leur importance. Un livre pour aller de l'avant avant d'avoir perdu la partie. Un live qui s'inscrit dans la lignée de ses livres précédents et de son album Rumeurs, paru en 2007, parfait accompagnement pour ces pages d'errance à la poésie omniprésente.
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Laetii et moi avons choisi presque par hasard ce roman d'Yves Simon et ne le regrettons pas du tout : ce fut une très belle (re)découverte, qui m'a permis de chasser la morosité qui gâchait la plupart de mes lectures jusque-là.

Presque par hasard, car aucune de nous deux ne savait de quoi il était question dans ce récit : nous sommes donc parties sur les routes de France, en compagnie de l'auteur-narrateur (?), sans autre destination que « le sud » et autres informations que les souvenirs égrenés au fil des pages. Ceux-ci concernent souvent des femmes, comme l'indique le titre, et plus particulièrement la « belle et gracieuse » Léonie. Bien qu'il ne parvienne pas à la décrire physiquement au début du roman, il ne transmet pas moins son admiration pour sa force de caractère et surtout son amour pour elle tout au long du roman. Il évoque également sa relation privilégiée avec sa mère et celle plus difficile avec une seconde femme, amante insatiable. Au cours de son voyage, il croisera le chemin d'autres êtres, hommes ou femmes, qui lui apporteront chacun quelque chose, participant ainsi au but ultime de ce trajet commencé sur un coup de tête.

Bien que ces souvenirs soient très touchants, c'est avant tout les passages du voyage proprement dit que j'ai préférés : ils m'ont semblé s'inscrire dans la petite philosophie du voyage de Patrick Manoukian, qui m'avait charmée quelques jours plus tôt : partir sans s'imposer ni destination précise ni date de retour, s'arrêter puis repartir quand l'envie s'en fait sentir, laisser l'émerveillement se faire et adopter une certaine nonchalance. J'ai aimé me laisser bercer par le bruit du moteur ou de la pluie sur les vitres, goûter le charme de l'imprévu et des heureux hasards ; j'ai aimé voyagé en compagnie des mots d'Yves Simon. J'ai en revanche moins aimé arriver au terme de ce voyage et en connaître les conséquences : j'aurais voulu rester sur la route et poursuivre quelques chimères inconnues.

Enfin, bien plus que le contenu même, je crois que je me souviendrai surtout du style d'écriture très poétique de cet auteur, tout en impressions, sensations et petites touches. C'est exactement le type d'écriture qui sait me charmer et me transporter ailleurs. Seuls quelques passages m'ont mis mal à l'aise et sortie de cet enchantement, notamment les dialogues fictifs avec celle qui ne cesse de l'accompagner en pensée mais qu'il n'en laisse pas moins physiquement derrière lui.

Excepté de petits bémols, ce fut un très beau voyage, que je suis heureuse d'avoir partagé avec une autre lectrice.

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Après Christine Angot, voici encore de l'autofiction avec le nouveau roman d'Yves Simon… Mais ici, au contraire de l'auteur de « L'inceste », ce n'est pas très grave. Pas de polémique, on n'y parle que d'amour. Sans haine, sans violence. Yves Simon est un vrai poète, un jouisseur de la vie. Ici, c'est le goût des autres, l'émotion à fleur de peau, le coeur à vif.. C'est de la sensibilité, des découvertes, des échanges… Bref, vous l'avez compris, j'ai adoré ce bouquin autant que j'adore la chanson « diabolo menthe ». C'est dire !

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