J'aurais dû le savoir pourtant. Que la quantité ne remplacerait pas le talent. Que pratiquer le speed reading pour m'assommer de meurtres serait vain. Me voilà avec une gueule de bois sans m'être jamais vraiment abstraite de ce monde qui cloche en rouge et blanc. Cuite et pleine conscience, c'est au moins un de trop.
Je vous épargne ma désastreuse tentative de saoulerie avec Son espionne royale et les conspirations du palais, de
Rhys Bowen, décidemment pas assez titrée pour moi : 360 pages, un seul meurtre, et encore, d'un personnage tout ce qu'il y a de plus secondaire. A peine un coupable. Lady Georgina et le beau Darcy ne passent toujours pas aux travaux pratiques, l'enquête est inexistante, le suspense également. Un non polar pour une non ivresse. « Entre Downton Abbey et Miss Marple » qu'ils appâtaient sur la 4e de couv. Mouais… avec un « entre » qui s'étale à perte de vue avant de faire se rejoindre les deux termes alors. Waterloo, à côté, c'est escarpé. Bref, je ne changerai pas ma déconvenue en prétérition et vous dirai pour finir sur ce sujet que Son espionne royale ne m'a même pas fait l'effet d'une camomille.
J'ai donc opté pour la méthode suédoise, quelques crans au-dessus : du sordide, de la violence, des pourris incroyablement pourris, des gros dégueulasses que t'imagines même pas dans tes pires cauchemars, une défense sans concession des droits des femmes, des personnages écorchés au point que la morale n'a plus d'autre place que des recoins insolites, Millenium et les excellents quoi que brumeux souvenirs que j'en avais.
Oh la gamelle !
Ca commençait plutôt pas mal avec un bon petit shoot d'expectative dégoutée : en pleine forêt, un mystérieux Nettoyeur offre en festin à des aigles de mer des livres de chair qu'il tire d'un grand seau. Origine de la barbac inconnue mais éminemment suspecte. Ensuite, on nous présente d'autres personnages. Un gang de motards vraiment vilains, quelques politiciens plus ou moins véreux. Et de vieilles connaissances qu'on retrouve avec plaisir. Mikael Blomkvist, l'éditorialiste à succès du journal Millenium, Lisbeth Salander, la jeune prodige asociale qui a assez morflé durant ses jeunes années pour détester la terre entière. Il semblerait qu'il y ait eu embrouilles entre ces deux là dans les tomes précédents. Les raisons de leur présence simultanée sur le lieu d'un crime tiennent donc d'un hasard objectif, l'une doit voler à la rescousse de sa nièce quand l'autre marie sa fille. Ben voyons ! Il n'en fallait pas plus pour réveiller mon sens critique que l'aigle de mer vorace avait eu toutes les peines du monde à anesthésier.
Le cadre ? le nord de la Suède, ses grandes étendues venteuses où paissent les rennes et tentent de survivre quelques familles samis propriétaires de ces immenses terres incultes.
L'intrigue : ces terres sont convoitées par d'affreux crapuleux qui ont bien l'intention de les convertir en or vert via l'installation de centaines d'éoliennes. Dit comme ça, ça casse pas trois pattes à un canard. Vous ajouterez donc : une enfant surdouée (encore), un jeune garçon kidnappé, un mariage foireux, des pots de vin et un affreux méchant qui n'a pas de jambe mais une bite d'étalon (subtilité, nuance, passez votre chemin). Des disputes, des personnages tourmentés par leur passé (pitié !), quelques scènes de séduction tellement balourdes qu'on préfère regarder ailleurs. Un peu de course poursuite, parce que faut bien. Dans la neige et le froid, préférez donc mettre les héroïnes en chemise de nuit, ça fera monter la tension. D'autres personnages qui n'ont tellement rien à faire là que je les suppose plantés pour les deuxième et troisième tomes à venir. Bref, un truc laborieusement assemblé à partir de tous les ingrédients réputés indispensables à un polar suédois. Une daube en kit.
Je crois que je vais arrêter les polars. Quitte à rester consciente, autant penser.