J'annonce la couleur tout de suite : j'ai eu un gros coup de coeur pour Jack Rosenblum et son mètre cinquante-cinq de ténacité pure, héros de ce roman plein d'humour pétillant et de tendresse.
Il s'agit d'un double coup de coeur même, pourrait-on dire, puisque monsieur l'a lu aussi et est également tombé sous le charme.
Jack, sa femme Sadie et leur fille, une famille juive de Berlin, sont venus s'installer en Angleterre pour fuir l'Allemagne et les persécutions des nazis.
Ils s'installent d'abord à Londres où Jack se lance dans la fabrication de tapis. Son entreprise devient rapidement prospère.
A leur arrivée sur le sol anglais, on leur remet une liste de recommandations à mettre en pratique pour faciliter leur intégration.
Décidé à se montrer digne de son pays d'accueil, Jack respecte la liste au pied de la lettre et va même jusqu'à la compléter de ses observations personnelles (d'où le titre anglais : Mr Rosemblum's list).
Mieux encore que s'intégrer, Jack veut DEVENIR un véritable anglais.
Cela passe, par exemple, par l'achat d'une splendide Jaguar car les Anglais adorent les belles voitures.
15 ans après son arrivée, il ne lui manque plus que la cerise sur le gâteau : devenir membre d'un club de golf. Malheureusement, quelque soit la direction vers laquelle il se tourne, on lui claque la porte au nez.
Jack et Sadie quittent alors Londres pour le Dorset où Jack a acheté une maison - pas en trop bon état - sur un grand terrain. Il entreprend d'y construire son propre golf.
Mais le terrain, en pente, et ponctué de creux et de bosses, semble peu propice à la réalisation du projet... Pendant que Sadie s'attelle au nettoyage de fond en comble de la maison, Jack sue sang et eau pour donner au terrain le relief de ses rêves.
La construction du golf, c'est l'épopée de l'intégration de Jack, qui devra en découdre avec la nature, la méfiance des habitants locaux et même le cochon laineux du Dorset, animal mythique que seuls les coeurs purs ont le privilège de pouvoir apercevoir :-)
Avec humour,
Natasha Solomons met le doigt sur le point névralgique : car pour pour réussir à s'intégrer, certes, il faut faire preuve de bonne volonté, mais encore faut il que les autres aient envie de vous intégrer. Car Jack est sans cesse rattrapé par ses origines : tantôt il est le "boche" qui suscite la méfiance (durant la guerre il sera incarcéré quelques temps car allemand donc soupçonné d'être hostile au régime... un comble quand on sait qu'il est juif), tantôt il est "le youpin de service" quand il n'est pas tout simplement l'étranger au village.
Les efforts titanesques pour construire le golf m'ont paru une métaphore représentant ceux déployés pour un désir bien compréhensible : avoir un chez soi légitime, une patrie et être reconnu citoyen de cette patrie. Car leur patrie d'origine, l'Allemagne, les a chassés.
Heureusement, il y a diverses façons d'être anglais, c'est ce que nous montrera d'une manière que j'ai trouvée touchante et poétique la fin de ce roman.
Certes, Jack n'a pas que des qualités : certains pourraient trouver son opiniâtreté un peu ridicule et il lui arrive de jouer des tours pendables à son épouse Sadie.
J'ai trouvé intéressant, au travers du personnage de Sadie, d'avoir une une autre vision de l'immigration : Sadie reste endeuillée par la perte de sa famille (ses parents et son petit frère) et bien qu'ayant été persécutée, elle a le mal de son pays et de Berlin en particulier. Elle se sent aussi exclue de la complicité qu'entretiennent Jack et leur fille (assez absente du roman car elle est étudiante et ne vit plus avec eux.)
Elle s'isole chez elle où elle confectionne des pâtisseries magiques. Car un soupçon de magie saupoudre aussi ces pages. J'adorerais avoir un live de recettes comme celui de Sadie et savoir réaliser ses pâtisseries !
Ce roman, pétillant et frais, plein d'humour et de tendresse, est doux et savoureux comme une tranche de gâteau magique. Dégustation à toute heure !
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