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EAN : 978B00G8U2K18
268 pages
Editions du Poste-ça (06/12/2013)
4.44/5   8 notes
Résumé :
Martial Chaînard, 84 ans, coule des jours paisibles et qui se ressemblent tous dans un EHPAD - acronyme moderne et politiquement correct désignant un mouroir. Mais lorsque le destin lui joue un dernier tour de cochon et l'oblige à sortir du rôle de spectateur dans lequel il s'est toujours complu, le vieillard terne et effacé décide d'offrir à son insipide biographie le plus brillant des épilogues.

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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Soulier a eu beau claironner sur un ton provoc dont il a le secret qu'il écrivait du putassier pour attirer le lecteur ("la chambre de lactation"), moi on ne me la fait pas. Car ce serait oublier un peu vite que bien avant d'avoir écrit "la chambre", il a écrit ça.
Épilogue est le bouquin anti-putassier par excellence, puisqu'il aborde le sujet dont personne n'aime entendre parler : le vieillissement, la dépendance et leur cortège d'outrages et d'humiliations.
Vous chercherez en vain un best seller qui se déroule à la maison de retraite, ça n'intéresse personne. Ah si, pardon ! Depuis peu, il y en a un, fortement médiatisé à sa sortie, mais il ne s'agit hélas pas d'un roman, mais d'une enquête parfaitement documentée par un lanceur d'alerte : "les fossoyeurs" de Victor Castanet, qui a mis à jour le scandale des EHPAD Orpea, avec une belle tentative de corruption de la part du groupe incriminé pour tenter d'en empêcher la sortie.
Eh bien, si Soulier n'est pas un lanceur d'alerte et qu'il le fait à travers un roman, vous seriez surpris de constater que cette "privatisation" des EHPAD, il la dénonce déjà dans Épilogue, en... 2012, je crois.
Mais pourquoi donc la vieillesse n'intéresse personne ? Soulier l'explique avec brio : "Ce comportement était assez répandu chez les jeunes. Ils ne souhaitent pas qu'on les confronte à l'image de l'inéluctable déchéance qui guette le commun des mortels. Les vieux les renvoient à leur propre déchéance, à leur mort, qu'ils espèrent survenir dans un avenir si lointain qu'ils préfèrent éviter d'y penser."
Et de fait : Épilogue est le roman de Soulier dont on parle le moins souvent, et sans aucun doute le moins lu. CQFD.
C'est pour ça qu'on ne me la fait pas. La vérité, c'est que Soulier écrit sur le sujet qui l'inspire (et surtout, qui le met en colère) à un instant T, sans se préoccuper le moins du monde de si ça plaira à beaucoup de lecteurs, ou non.
Et si tout le monde procédait de la sorte, les étagères des librairies auraient un peu moins l'air d'afficher tout le temps la même rengaine, c'est moi qui vous le dis.
Martial Chainard a donc 84 printemps et il est depuis trois ans à la "résidence des deux tourterelles" lorsque son cancer se réveille de nouveau et qu'il ne se voit pas endurer encore les affres d'une chimio aux résultats hypothétiques. Il fait donc le bilan de sa vie d'hypocondriaque anonyme, une non-vie en quelque sorte, passée à ne pas faire grand-chose à force d'avoir peur de mourir. Quand soudain, une suite rapprochée d'événements rocambolesques (improbable, même, mais vu la puissance du propos, on pardonne tout) va lui donner ENFIN l'occasion d'un ÉPILOGUE du putain de tonnerre de Dieu. Héroïque, même. Les ingrédients ? Une amie de jeunesse atteinte d'Alzheimer, un salopard d'infirmier pervers, un vieillard acariâtre d'extrême-droite à la langue trop bien pendue, une jeune paumée héroïnomane éprise de littérature, et deux truands calamiteux qui m'ont rappelé les Laurel et Hardy de Pulp fiction, interprétés par Travolta et Samuel L. Jackson. Bref, des personnages éminemment souliériens.
Au début, il se fait documentaire, égrène la litanie (édifiante) de la vie quotidienne à l'EHPAD, le tout sans temps mort et sans chapitres. Je me demandais où il voulait en venir, jusqu'à ce que je comprenne la construction de génie du roman, directement reliée au titre : à l'EHPAD, c'est le prologue, qui occupe la première moitié du livre et dont la looooooongueur est parfaitement instrumentalisée, puis, à partir de l'évasion de Chainard, arrive une succession de chapitres courts et nerveux qui, tous ensemble, constituent... l'épilogue.
Mon seul reproche sera un petit travers récurrent dans les romans de Soulier (pas les nouvelles) : les digressions qui émaillent parfois la narration. Soulier dit ce qu'il pense et par chance, je suis presque toujours d'accord avec lui, mais c'est parfois un peu hors-sujet et on sent bien que la pensée de l'auteur se substitue à celle du personnage, ce qui enlève un peu de fluidité. Las, il s'agit sans doute du revers de la médaille au côté viscéral de ses romans, romans "idéologiques" au bon sens du terme, ou tout du moins engagés, et ce n'est pas moi qui le lui reprocherai, alors que je m'agace des écrivains qui ne veulent surtout fâcher personne de peur de perdre des lecteurs.
Bref ! C'est du Soulier comme on l'aime, avec des personnages aussi cabossés qu'attachants, de l'émotion sans sensiblerie, de l'humour sans pitreries, et surtout, une réflexion d'ampleur sociologique derrière.
Je l'ai lu avec ardeur, et franchement, je n'ai pas plus peur de vieillir qu'avant, alors faites comme moi, car ce truc est (encore une fois) injustement méconnu.
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L'Épilogue au service d'un prologue.

Après la plume non moins entraînante d'Olivier Norek, je n'avais aucune envie de m'aventurer dans la découverte d'un scribouillard anonyme, au risque d'une déconvenue malheureusement fréquente. Il me fallait donc une lecture riche, ciselée, où l'humain serait au premier plan. Soulier était tout désigné ; avec lui, j'étais à peu près sûr d'en avoir pour mon temps.
Jamais déçu avec Frédéric Soulier (ou alors très ponctuellement, puis le talent revient vous cueillir de la plus belle des manières).

Deuxième roman de l'auteur, Épilogue met en scène les résidents d'un EHPAD (mais pas que). Des vieux en sursis, à la santé pas forcément reluisante, avec toute la dimension morbide et l'humour noir que l'on peut y associer. Il dresse plus particulièrement le portrait de Martial, octogénaire bourré de regrets et en pleine introspection alors que pointe le crépuscule de sa vie.
La réalité de la vie – de la survie ? – dans ce genre d'établissements est saisissante. On le sait, avec Soulier, l'âme humaine est au premier plan, au même titre que la chair et ses fluctuations, les viscères et leurs remugles. Quel meilleur sujet pour lui que le troisième âge (voire le quatrième ) ? On y voit le quotidien monotone d'êtres humains plus tout à fait considérés comme tels, l'on assiste au ballet des médocs et des déambulateurs, au contraste révoltant d'un personnel soignant inégalement doté en patience et en empathie, à des relations familiales bancales, souvent honteuses, tandis que chacun vit ici avec sa croix et ses humeurs.
Outre les descriptions pointues de la déchéance des corps, des esprits, l'auteur possède cette faculté de concerner le lecteur, de permettre à la souffrance de ses personnages de nous atteindre, d'autoriser leurs vies (et leurs morts prochaines) à nous toucher bref, de nous faire apprécier ces vieillards en dépit de leurs caractères exécrables, de leurs bosses, de leur amertume, un peu comme s'ils étaient à nous, ces vieux croulants.
Les portraits que Frédéric Soulier brosse de chacun des résidents dans la première partie du roman s'apparente un exercice de style, une démonstration qui aurait pu devenir dommageable, ennuyeuse, mais qui finalement s'arrête au moment où débutent les péripéties qui mèneront Martial vers le début de sa fin de vie. Et puis, l'exercice de style est réussi ; tous ces détails, ces tranches de vie, ces expériences ayant conduit les anciens à devenir ce qu'ils sont contribuent grandement à la dimension humaine de ce livre.

Un évènement à la fois tragique et beau (par sa pureté et par la quantité d'amour qu'il requiert) conduit Martial vers une rencontre inattendue – en même temps, il n'attendait plus grand-chose de la vie, l'ancien. Une relation nouvelle, fraîche, franche, sans ambiguïté aucune, mais douloureusement empreinte d'emmerdes à venir. C'est pourtant cette situation inconfortable qui va bouleverser son mode de pensée, sa configuration émotionnelle, et qui va lui redonner goût à la vie. En un temps record, Martial va redécouvrir la compassion, l'amour même, le plaisir de la chair, de la bouffe et des corps, celui, pourtant si simple, du soleil sur sa peau flétrie, et puis l'aventure, la promesse, futile pour lui, décisive pour l'autre, d'une vie meilleure, plus optimiste.

Dans un sacrifice qui n'en a pas l'air, notre vieil ami va consacrer ses derniers instants à sauver une vie qui le mérite, à en réparer une autre aussi, préparant du même coup son âme à un bilan plus serein.
Voilà, il n'y a pas que la souffrance que l'auteur sait nous faire partager. Non, il distille dans ses récits des scènes poignantes, où la dévotion d'un être envers un autre rencontre ses propres aspirations, le met face à sa propre histoire, ses souvenirs, ses regrets. C'est à travers l'autre qu'il décide de vivre un peu, finalement, trop tard. Je tire mon chapeau à l'auteur pour la scène de la cabine téléphonique, travaillée avec soin et intelligence, ou alors simplement soufflée par ses tripes ; un exemple de maîtrise capable d'activer les mécanismes émotionnels les plus grippés.
Une histoire de rédemption que cet Épilogue ? Peut-être un peu. Une aventure humaine avant tout, l'incidence et l'influence d'un être sur un autre, pour le meilleur, c'est heureux.

Je n'ai à ce jour, dans la littérature contemporaine, pas trouvé de plume aussi fine, riche et émouvante, au style aussi affirmé que celle de Frédéric Soulier. Ici encore, il fait montre d'un savoir-faire hallucinant que le modeste auteur que je suis jalouse forcément un peu. Si vous aimez les mots, la richesse d'un vocabulaire pointilleux et pertinent, la langue française dans toute sa splendeur mise au service d'une histoire touchante dans son humanité, il n'y a pas à tortiller, lisez Soulier ! Et pourquoi ne pas commencer par l'Épilogue ?
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Le pire de l'homme ne serait-il pas l'immobilité ?
Voilà ce que m'inspire « Epilogue », un titre qui sent la fin, une histoire dont l'action débute dans une maison de retraite, une couverture pas fringante, mais…un reflet dans les lunettes et un résumé qui pique la curiosité. Franchement, combien d'auteurs placent l'action de leur roman dans un EHPAD ? Combien choisissent un personnage de 84 ans ? C'est pas glamour, ça fait rêver personne de lire la description de ce qui nous attend et pourtant il s'en passe des choses dans ce roman ! Toujours très bien écrit, des personnages hors du commun et je ne vous en dis pas plus, lisez-le !
Frédéric Soulier ne reste jamais sur le même thème. A chaque lecture, je découvre de nouveaux personnages, de nouveaux lieux, des époques et des environnements différents… Embarqué lui-même par une imagination foisonnante, il se lance dans des sujets variés tout en ayant une prédilection pour ce que nous avons de pire en nous. Il déchiquète dans ses textes nos masques, nos apparences, notre éducation, notre bienséance, notre savoir-vivre. A la manière d'un Oscar Wilde qui, à travers « le portrait de Dorian Gray », nous montre ce que nous avons de plus laid, Frédéric Soulier nous place face à un miroir. Nous y voyons la noirceur de nos âmes et de nos pensées. Nous y voyons aussi ce que nous essayons de fuir, ce que nous ne voulons ni voir, ni entendre. Dans chacun de ses écrits, autour des personnages et de leurs vies propres, les sociétés sont crues, fourbes, brutes ou indifférentes. Mais il y a aussi une forme de tendresse, peut-être un peu de compassion dans ses descriptions comme pour nous dire que quoi que nous fassions, quelle que soit notre culture, notre éducation ou notre volonté, notre nature animale ne peut complètement disparaître.
J'aime la sensibilité qui transparaît dans le portrait de nos cellules collectives et différentes qui parfois s'entrechoquent au cours de l'Histoire. J'aime cette tendresse qui affleure dans le constat amer de notre obscure nature, notre bêtise, notre ignorance, nos faiblesses, nos violences transmises, entretenues, et propagées. Pour tous ceux qui ne trouvent aucunes circonstances atténuantes aux monstres que nous sommes, Frédéric Soulier laisse toujours une petite veilleuse. Dans l'obscurité des marécages dans lesquels nous évoluons, on peut se trouver, s'aider, s'aimer, à condition de ne pas être immobiles !
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Mon avis :
Je n'ai pas en tête la chronologie exacte des parutions de Frédéric Soulier (j'en ai lu plus des deux tiers, mais dans le désordre), mais il me paraît certain que ce titre fait partie des premières. En tout cas, qu'il a écrit Épilogue avant qu'un lutin fripon ne lui offre le « Dictionnaire des mots que personne n'utilise » et qu'il s'en serve d'oreiller. le Vidal, apparemment, il l'avait déjà, mais ici, ça tombe plutôt bien, étant donné que le prologue de cette histoire se passe dans un lieu où la consommation de produit pharmacologique est des plus élevées. À propos de prologue, ce dernier occupe presque la moitié du volume, ce qui, pour un roman dont le titre est Épilogue, démontre une tournure d'esprit assez facétieuse. Mais ceux qui connaisse l'auteur savent que sa plume, toute espiègle qu'elle est, ne joue pas dans le registre guimauve de comédie légère, mais se trempe au sang de l'humour noir et grinçant de la satire sociale.
Vous l'aurez compris, c'est bien du Frédéric Soulier qu'il s'agit, mais sans la nécessité d'avoir le « Petit Larousse » en guise de repose-bras. Ce qui ne signifie pas que le vocabulaire est moins riche, il est juste moins agaçant ! Personnellement, si l'utilisation de termes ultra-pointus dans un ouvrage de référence me semble naturelle, voire indispensable, l'emploi de ces mêmes termes dans un roman où les personnages sont, de par leur fonction ou leur position sociale, des quidams tout à fait ordinaires, me paraît quelque peu superfétatoire. Dans le même ordre d'idée, l'auteur nous présente l'un des personnages secondaires comme un parfait crétin, mais, lors d'une discussion avec son acolyte, met dans sa bouche l'expression d'idées bien trop élaborées pour un tel individu. Je conçois tout à fait que l'auteur s'exprime à travers ses créatures, mais cela ne doit pas nuire à la cohérence du récit ou des personnages. Mais je l'ai dit en introduction, Épilogue est une « oeuvre de jeunesse », et de ce fait, souffre de quelques imperfections. Quelques tournures de phrase, une ou deux répétitions auraient demandé une relecture plus attentive, certes, mais si vous me demandez si j'ai aimé ce livre, la réponse est oui, sans équivoque. Et au risque de me répéter, je dirais que ce roman ne perd rien, bien au contraire, à ne pas s'orner de termes que même les plus érudits ne prononcent qu'en présence de leurs pairs. J'avais exprimé un jour l'idée que cela participait à la signature « Frédéric Soulier », en vérité, je me suis trompé ! Tout ce qui fait cet auteur est déjà là, dans ce roman. On y trouve déjà les mêmes obsessions : la mort, la décrépitude des corps, et bien sûr les noirceurs de l'âme humaine. On y trouve surtout cette écriture sur plusieurs niveaux de langage (sans l'excès décrit plus haut), nerveuse, parfois cinglante comme une baguette d'osier, jamais consensuelle, mais jetant un regard acéré sur l'humanité. Bref, tout ce qui fait que Frédéric Soulier est un auteur incontournable.
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Ma petite chronique :
Quand on commence le roman, on est loin de s'attendre à ce qu'on va y trouver.
De suite on prend en affection, Martial, ce retraité de 84 ans qui se sachant condamné observe attentivement et nous fait le constat terrible, avec un humour parfois décapant, que sont la vieillesse et les conditions de vie malheureusement réelles de certains EPHAD.
Suite à un enchaînement d'événements non prémédités, la vie de Martial va être complètement chamboulée.
Finie la routine pesante et bonjour l'aventure, les rebondissements et le suspense qui rend le lecteur complètement addict.
Les pages défilent aussi vite qu'une vie.
Mais à 84 ans, peut-on échapper à son destin ?
Une fin de roman surprenante pleine de tendresse, d'espoir et de vie.
Merci Frédéric Soulier pour ce bon moment de lecture passé avec toi. Je n'ai qu'une hâte, ouvrir "Des morts des vivants" qui attend dans ma Kindle
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Pourtant, quand il réfléchissait à sa condition actuelle, le vieil homme était saisi du sentiment d'avoir été injustement condamné à la réclusion à perpétuité, pour une chose sur laquelle il n'avait aucune emprise. Le crime qu'il expiait ici était simplement d'être devenu vieux et improductif, aussi obsolète que le Minitel, aussi utile qu'un flacon de shampoing dans une prise d'otages. Ce que la communauté attendait des encombrants de sa génération, c'était qu'ils eussent la sagesse élémentaire de se retirer de la circulation et de se mettre sur une voie de garage, où ils ne gêneraient personne... De se ranger pudiquement et sans esclandre, si ce n’était pas trop leur demander et tant qu’ils conservaient un peu de dignité, à l’abri des regards. On épargnait le triste spectacle des vieux aux plus jeunes, comme on regroupait autrefois les ladres dans des léproseries. Ils étaient la poussière qu'on dissimulait sous le tapis, les scories et l'écume laissées sur le bord du monde par une société en ébullition permanente. Telle était la norme et, depuis toujours, Martial se pliait à ce que toutes les normes, les règles, les lois, exigeaient de lui. Martial Chaînard aurait été du genre à continuer de traverser les routes par les passages piétons après une apocalypse nucléaire. Il était comme ça. C'était quelqu'un d’accommodant, la docilité incarnée, et il avait longtemps cru qu'on l'appréciait pour cela, pour sa faculté à épouser la forme des moules, à se fondre dans le décor sans faire de vagues.
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— Laissez-la tranquille... chevrota Martial. Elle est vieille et malade, nom de Dieu ! Vous aussi vous le serez peut-être un jour !
Mais tout ce qu'il aurait pu dire, ou faire, serait revenu à pisser dans un violon. Si les Juifs, les homosexuels et les Tziganes avaient pu si facilement amadouer leurs bourreaux, six millions de martyrs n'auraient pas fini en suif et en fumée. Si la haine avait pu se combattre avec des arguments, l'Histoire n'aurait pas été jalonnée de boucheries à ciel ouvert ! Enfin quoi ! si l'on avait pu étriller une fois pour toutes l'ineffable bêtise humaine, on aurait pas eu besoin de la soldatesque pour faire la guerre ! On aurait joué la partie au Risk ou au chifoumi ! Les généraux ne couleraient des bateaux qu'à la bataille navale électronique et les troufions ne tireraient que sur les avatars de pixels de leurs ennemis !
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Voilà bien deux sévères handicaps, l'honnêteté et la franchise, quand on aspire à la réussite. Ce sont les barreaux cassés de l'échelle qui permet de s'élever dans la hiérarchie sociale et de se hisser au-dessus de ses contemporains. Car le mensonge se terre au plus profond du patrimoine génétique humain, depuis que le singe est descendu de son arbre pour devenir homme, et si la peur, la xénophobie et la violence sont des caractéristiques négativement connotées, elles visent pourtant avant tout à assurer la survie de l'individu et son espèce. Oui, on va bien plus loin et plus vite quand on pave sa route de mensonges bien sentis, bien tournés, alambiqués et captieux.
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Quand Martial lui serrait la main, il voyait bien, derrière ce sourire patelin, que ce simple contact avec sa main parcheminée de vieillard la répugnait. Elle s'arrangeait pour se frotter la paume discrètement sur sa jupe, et probablement se lavait-elle ensuite les mains à grandes eaux, dès qu'elle le pouvait. Croyait-elle que la vieillesse, avec son lot de souffrances et d'afflictions, était une maladie contagieuse ? Eh bien non ! elle la portait en elle, la vieillesse, latente... non ! à l’œuvre déjà dans ses cellules, elle la sapait sournoisement, à la manière de la mer qui sculpte le littoral, lame après lame. Une maladie, la vieillesse ? En quelque sorte... mais héréditaire ! Atavique. Incurable et sexuellement transmissible, si fait !
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Au grand dam de ces cols blancs, une loi récemment votée interdisait aux maisons de retraite les facturations abusives, telles que le paiement de l'hébergement du mois en cours d'une personne décédées, ou les forfaits de remise en état des locaux, que facturait auparavant la directrice deux-cents euros. Cela nuisait terriblement aux profits des actionnaires, qui n'en dormaient plus aussi sereinement et ne remplissaient plus aussi facilement leur bas de laine.
Depuis l'avènement des établissements privés, les EHPAD étaient devenus de fabuleuses tirelires pour les grippe-sous et autres thésauriseurs qui désiraient investir et faire fructifier leur argent. L'Eldorado des capitalistes était juste là, à une étape du funérarium.
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