La belle-mère de Jeanne, qui a presque dix-sept ans, vient de la louer comme fille de ferme. En ce milieu de dix-neuvième siècle, c'est courant, dans le Limousin. Jeanne est orpheline.
La ferme, c'est la Margeride, elle a mauvaise réputation, le maître abuse des jeunes filles qui sont sont chassées lorsqu'elles se retrouvent enceintes.
Ce soir-là, dans la bergerie, Jeanne a un mauvais pressentiment - les brebis se cachent à l'approche du maître. En un instant, Jeanne comprend que c'est sa vie qui se joue - et elle se saisit d'une fourche pour repousser le fermier. Elle prend la fuite en pleine nuit.
Le destin peut prendre la forme d'une roulotte, tirée par une jument blanche. Sur sa route d'errance, Jeanne rencontre Florimont, photographe ambulant qui parcourt Limousin et Auvergne au gré des villages et des foires. Florimont, plus qu'un métier, a un savoir, presque un pouvoir : il immortalise le regard de ces femmes, de ces hommes qui se font photographier. Il prend Jeanne sous sa protection, lui offre de devenir son commis : elle commence par lui apporter un peu d'aide, et, au fil des jours apprend toutes les bases du métier avec Florimont.
Tout se passe comme si chacun apportait à l'autre une complémentarité, un « regard « neuf, et l'aidait à se sentir un mieux à sa place, elle, la femme, lui l'homme qui aime les hommes et doit s'en cacher.
Jean-Guy Soumy parvient à redonner vie, le temps du récit, un monde aujourd'hui disparu, celui des foires, des artistes itinérants. Il nous montre dans quelles conditions étaient réalisées ces photographies, les techniques, les produits, l'art magique d'apprivoiser la lumière… mais aussi tout ce que les photographies en noir et blanc pouvaient déjà représenter à cette époque.
Jean-Guy Soumy, nous offre un parcours initiatique d'une grande délicatesse.
Le-regard-de-Jeanne me hante encore, une fois le livre refermé. Jeanne, la fille de ferme qui va oser – oser changer le regard qu'on pose sur elle tout en changeant son regard sur la vie, tourner le dos à un destin que l'ignorance, la violence, le fait d'être une femme avaient déjà presque scellé.
Un roman simple, sensible, une histoire qui nous parle.