Pour apprécier
William Irish, disait
Raymond Chandler, il ne faut pas chercher à l'analyser. On pourrait dire la même chose de
Fantômas. J'ai essayé, pour moi, de résumer "
Fantômas à Monaco", que j'ai lu dans l'édition Presses-Pocket, sous son titre original "La main coupée". Impossible. "Lost", digne continuateur des feuilletonnistes d'autrefois, n'a rien à envier à
Fantômas. C'est vraiment le roman "dans l'instant". C'est un tour de passe-passe hypnotique. On le sent, c'est au jour le jour que les gens lisaient ces aventures qui allaient à la vitesse de la technologie.
Desnos et les Surréalistes adoraient les romans de Souvestre et Allain, retrouvant chez eux leur intérêt pour l'écriture automatique. Quand
Mark Twain relevait les incohérences, les voies sans issue, les labyrinthes chez Fenimore Cooper qu'il qualifiait de delirium tremens littéraire, comment aurait-il considéré les aventures de
Fantômas ? Avec
Fantômas, on atteint l'excellence, l'overdose imaginative. Avec ce roman en particulier, « La main coupée », on est dans la mémoire immédiate, les lignes s'effaçant au fil de la plume. Nous nous trouvons devant le premier roman quantique, il détruit toute causalité. Des personnages se perdent en route, sans aucun espoir de les retrouver un jour, des événements se présentant comme essentiels deviennent secondaires, les motivations sont aussi solides que les sables mouvants, A la fin, je me suis dit : « Mais que voulait-il ? Pourquoi est-il mort? Pourquoi a-t-elle dit cela ? Où est passé ce personnage ? Et surtout, que voulait
Fantômas ? »
Fantômas voulait ce que voulaient ses auteurs : nous séduire par ses tours de magie. On lit le feuilleton, comme on regarde le jour se lever, sans souci du jour d'avant. le plus étrange, c'est que même si je suis bien incapable de résumer de manière cohérente une intrigue qui s'est évaporée au fil de ma lecture, comme l'oasis illusoire s'éloigne du marcheur assoiffé, j'ai adoré ! Ecriture libre, lecture frénétique. Lesquelles se résument par : « La suite au prochain numéro... » Et je suis partant.
Pourquoi cinq étoiles ? Parce qu'à mon avis, ou on déteste franchement ou on marche à fond.