Ce petit ouvrage contient un peu plus de cinquante pages d'entretiens avec
Annick de Souzenelle, une théologienne centenaire, et quelques annexes qui apportent des renseignements supplémentaires.
Ce texte est une vraie mine d'or, pour qui s'intéresse à la question du salut et de la vie divine promise par Jésus dans l'évangile à ceux qui le suivront. La parole d'Annick de
Souzenelle est forte, décisive, et empreinte d'autorité. Elle s'appuie sur ses oeuvres précédentes et nous livre ici un résumé de sa pensée.
Les messages délivrés dans ce texte sont essentiels pour vivre une foi chrétienne du XXIè siècle, vraiment enracinée dans l'essentiel du message biblique, mais aussi éclairée par les progrès des sciences humaines.
Annick de Souzenelle élabore sa pensée autour de textes mythologiques et bibliques qui traitent du rapport de l'homme au divin, je ne prendrai pour exemple que la lutte de Jacob avec l'ange.
Annick de Souzenelle en tire un message très clair par rapport à nos combats spirituels et les épreuves qui nous attendent sur la route : cette lutte est un combat spirituel, un combat avec Dieu (et pas contre Dieu) pour faire grandir en nous la vie divine. Autre relecture intéressante, le cri d'agonie de Jésus "Père pourquoi m'as tu abandonné?".
Annick de Souzenelle y voit le nécessaire retrait de Dieu pour laisser son enfant marcher seul et accéder à cette vie divine promise. Pensée remarquable et profonde que je ne fais hélas que résumer platement.
Annick de Souzenelle parle aussi avec justesse et intelligence de la question du mal. Je dois reconnaitre que j'ai rarement vu une pensée aussi aiguisée sur la question, même si je ne suis pas aussi "lucide" qu'elle (il faudrait plutôt parler de foi ou d'espérance que de lucidité).
Annick de Souzenelle a en effet une solide formation théologique, et elle s'appuie sur sa propre traduction de la Bible à partir de l'hébreu, qui l'amène à faire des interprétations innovantes des figures que sont Adam et Eve (Isha) au regard de la question du mal et du péché. Pour elle, Eve n'est pas la femme mais plutôt l'inconscient d'Adam qui lui est l'homme ontologique (pas au sens masculin). de même son regard sur l'arbre dont Adam va s'emparer du fruit est novateur : ce n'est pas l'arbre du discernement du bien et du mal, mais l'arbre de l'accomplissement de soi. Oui la traduction de l'hébreu permet ce genre d'acrobaties intellectuelles. Alors le péché originel prend une toute autre dimension, c'est le non accomplissement du projet divin de nous unir à lui, en plénitude.
Les interprétations bibliques créatives ne s'arrêtent pas là puisque
Annick de Souzenelle a des mots très justes pour parler du Shabbat non comme un repos mais comme un temps de nuit spirituelle pour grandir dans la foi.
Et par dessus tout, le message central, c'est l'Amour, un amour appelé à grandir sur terre comme au ciel au fur et à mesure que le chrétien s'enracine dans la terre et dans le ciel pour vivre de charité. Il y a là une très grande liberté et un très grand retour à l'essentiel.
La réinterprétation de la manne et des cailles distribuées par Dieu au désert est également savoureuse et riche d'enseignements.
Ce n'est sans doute pas une lecture à mettre entre toutes les mains, il y a un risque de mauvaise interprétation pour le lecteur qui n'aurait pas un christianisme assez ancré sur l'évangile. A réserver au lecteur averti, ou au novice qui prendra la ferme résolution de prendre le temps de comprendre et de creuser ce programme de sainteté sans tirer de conclusions hâtives. le côté succinct du message se traduit d'ailleurs par quelques hésitations quand il s'agit de parler de discernement (page 58) :
Annick de Souzenelle parle d'intuitions spirituelles et elle a du mal à définir les garde-fous nécessaires sur la route. Et Dieu sait combien les temps actuels nous ont montré les dangers d'une liberté mal balisée chez les hommes de Dieu en particulier.
Je conclus avec cette citation très forte qui me semble converger avec la pensée de Thérèse de Lisieux :
"Je n'ai aucun courage! le courage est une vertu tensionnelle qui craque un beau jour. Etre courageux, ce n'est pas la vie. La vie c'est l'amour, l'Amour seul."
Livre offert par l'éditeur dans le cadre du programme masse critique.