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EAN : 9782253023005
Le Livre de Poche (15/11/1986)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Acclamé dès la publication du premier tome en 1948, traduit dans le monde entier, Et le buisson devint cendre est l’une des œuvres romanesques majeures du xxe siècle, racontant le destin d’hommes et de femmes d’exception, épris de justice, de liberté et de morale qui, dans l’entre-deux-guerres, virent se refermer sur eux, pour les broyer, les mâchoires du nazisme aussi bien que celles du stalinisme.
Témoignage sur l’une des périodes les plus noires de l’histo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je suis de ceux qui pensent que l'oeuvre de Karl Marx n'a pas de signification si le monde ne change pas. (Attention, détour personnel, destination inconnue, accrochez-vous au bastingage, nous arriverons en vue de la critique du livre dans quelques minutes).
Il a annoncé la prochaine révolution sociale : le renversement de la bourgeoisie par le prolétariat, prélude à l'avènement d'une société sans antagonisme de classe : le communisme.
Dans le buisson devint cendre, Manès Sperber décrit les conséquences de l'échec de cette révolution en Allemagne, direction vers laquelle le regard de tous les révolutionnaires convergeait. Les premières tentatives de cette révolution en Allemagne, en 1921-1923, c'est ce buisson qui s'est enflammé, éclairant quelques temps cette perspective du changement du monde annoncé par Marx et auguré en Russie, et qui a été éteint par le fascisme et par le stalinisme... pour finir en cendre.
J'ai toujours pensé que l'échec de cette révolution en Allemagne a été l'événement le plus dramatique de l'histoire contemporaine.
Et pas seulement à cause des 40 millions de morts de la Seconde Guerre Mondiale – ce qui suffirait en soi – mais parce que les militants de la révolution annoncée par Marx, qui étaient remplis d'espoir, avec les Neue Zeit et l'âge d'or au bout du chemin, ont connu la plus terrible désillusion, Plus profond que l'abîme, oui, comme le titre du deuxième livre de cette trilogie. Cet espoir, puis cette désillusion, j'ai parfois cherché à me l'imaginer, à me la représenter mentalement. de manière, sans doute, à éprouver ce sentiment une fois, mais alors une fois seulement !. Comme un exorcisme, peut-être. En tous cas, pour ce qui est de la désillusion, cette trilogie de Manès Sperber la fait ressentir avec un très grand talent, une terrible lucidité.
Avec ces trois romans, l'auteur couvre la période allant de 1931 à 1944-45, des prémisses de l'accession au pouvoir du nazisme en Allemagne, à sa chute à la fin de la seconde guerre mondiale. Les romans se situent dans cet épisode sombre du nazisme qui a prospéré sur la crise économique de 1929, particulièrement en Allemagne, saignant l'Europe (particulièrement la Pologne, la population juive et l'armée rouge). Il évoque également le fascisme en Italie, en Croatie et ailleurs, ou le franquisme en Espagne.
Alors, certes, Manès Sperber n'explique pas, il décrit seulement, en romancier, à travers des personnages pris dans des conflits et des contradictions, aux actes contrariés et aux pensées perturbées, corrompues parfois. Il se dessine ainsi, au fil des pages, une étude psychologique comparative des protagonistes, aux prises avec un cauchemar effroyable, le miroir sombre de l'humanité.
Il y a de nombreux aspects intéressants, notamment parce qu'il nous aide à comprendre les mécanismes de l'emprise morbide du stalinisme (sur l'URSS, sur les partis communistes, il y a d'autres livres, mais ici, plus spécifiquement – et plus dramatiquement encore – sur les militants), emprise qui a sévèrement contrarié toute nouvelle possibilité révolutionnaire après celle de 1917 en Russie.
Il y a une grande densité humaine tout au long du roman, mais ce qu'il y a de remarquable, je le répète, c'est la grande lucidité du propos.
Un petit mot sur cette édition 2008 chez Odile Jacob, qui regroupe l'ensemble de la trilogie romanesque, à partir du texte en allemand remanié par l'auteur en 1976 : Et le buisson devint cendres ; Plus profond que l'abîme ; et La baie perdue. Par rapport aux premières éditions des trois livres pris séparément, l'auteur a pas mal retouché son texte, retirant des lourdeurs, des passages peu utiles, mais il a aussi ajouté certaines phrases qui affinent le style ou qui ajustent son propos, modifié certains mots pour plus de précision (ou alors c'est la traduction en français qui est de meilleur qualité). Bref, cette édition est bien meilleure à mon avis que toutes les précédentes.
Alors, c'est sombre, pas marrant du tout, politiquement, c'est « der schrecklicher traum » (le cauchemar), mais voilà, il faut le sortir de l'oubli, car c'est sans doute un des meilleurs livres sur cette période (avec les livres de Erich M. Remarque, Anna Seghers, Ernst Gläser...). Et puis, aujourd'hui, le risque que le fascisme ressurgisse n'est pas nul, alors autant s'armer (moralement pour l'instant), et autant lire dans les romans plutôt que dans les journaux de ce qu'il advient quand la bête immonde triomphe. Mais (j'emprunte ici une formule à une illustre contributrice de ce site) ce n'est que mon avis, donc, finalement, pas grand chose.

n. b. 1 : Pour plus de précisions, j'ai aussi fait une critique de chacun des livres pris séparément, cependant, à qui veut les lire, je conseille quand même la présente édition, compilation très réussie de la trilogie.

n. b. 2 : Je dis pas marrant du tout, mais c'est pas vrai : il y a un passage très drôle dans le livre Troisième (La baie perdue), qui dure trois ou quatre pages, un comique de situation. Waouh ! Ça fait du bien !
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L'auteur retrace l'histoire singulière de militants du PC allemand (plus particulièrement, mais pas seulement), passés dans la clandestinité. (Le KPD est alors interdit depuis octobre 1923, suite à l'insurrection – échouée – de Hambourg).
Dans ce premier roman, on est en 1930-1931, en Croatie, puis en Autriche, alors que la montée irrémédiable du parti nazi en Allemagne fait craindre son accession au pouvoir. Les militants communistes d'Europe centrale luttent pour l'avènement d'un monde nouveau, dans la foulée de la révolution d'octobre 1917 en Russie. On suit un certain nombre de militants dont les destins se croisent, car beaucoup sont obligés de s'exiler. En Allemagne et ailleurs, ils sont arrêtés, torturés, liquidés, dans ce qui deviendra bientôt les camps de concentration.
Mais le plus terrible dans ce combat, c'est que, au sein des partis communistes eux-mêmes, une terrible machine totalitaire se met en place. le KPD, totalement inféodé aux décisions de la bureaucratie soviétique de Moscou, suit la ligne politique définie depuis 1928 par Staline, qui donne la priorité à la lutte contre la social-démocratie. Dès lors, l'activité des dirigeants du KPD consiste surtout à dicter « la ligne politique » à chaque niveau du parti, en cascade. Et celle-ci passe mal car effectivement, c'est le nazisme qui constitue le danger immédiat. Ceux qui émettent des critiques à l'égard de cette « ligne » imposée sans discussion, sont repérés, dénoncés, exclus. Les militants sont donc à la fois victimes de la police, mais aussi du stalinisme qui gangrène alors les partis communistes.
Les personnages crées par Manès Sperber forment l'ossature du roman. Leurs doutes, leurs discussions, les rapports qu'ils entretiennent les uns avec les autres sont exposés avec une grande lucidité. Obligés de mener un double combat, la liberté de discussion à laquelle ils étaient habitués est irrémédiablement sanctionnée par la direction du « parti », car des mouchards sont là pour rapporter les propos séditieux. Malgré cette menace interne, qui affecte progressivement leur ardeur révolutionnaire, se maintient cependant une parcelle de liberté, de cet esprit critique, de ce fonctionnement démocratique (malgré la clandestinité), qui disparaîtra bientôt totalement sous le talon de fer bureaucratique du stalinisme.
C'est un roman très sombre, mais très fort, densément humain, car il donne à voir les hommes à l'épreuve de leurs convictions, de leurs valeurs morales, de la trahison, et jusqu'à l'inacceptable - ou non.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« A vingt ans, on devrait rencontrer l'idée de sa vie, à trente la femme de sa vie, à quarante sa propre vérité. A cinquante, on devrait avoir apaisé sa soif de succès, à soixante créer une œuvre plus grande que son créateur même. Et à soixante-dix, on devrait faire preuve de modestie à l'égard du moindre de ses frères et d'arrogance à l'égard du ciel. Mais on ne reconnaît les saisons de la vie que lorsqu'elles sont passées depuis longtemps. »
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« … Au point où en sont les choses, la publication de ces écrits constituerait essentiellement une attaque contre la Russie soviétique, et cela justement parce que notre jeune auteur – qui a raison subjectivement – s'y livre à une critique révolutionnaire du pouvoir.
Vous écoutez-vous parler, Faber ? Remarquez-vous la faiblesse de tout ce que vous dîtes ? C'est ainsi qu'en tout temps parlent les censeurs qui n'ont pas la conscience tranquille. Si la cause dont vous vous faîtes le champion réclame des ménagements, quelle valeur a-t-elle ? Ses fondements doivent être bien fragiles ! Lors de notre dernière visite, vous m'avez parlé d'une vérité partisane. Vous m'avez dit que la caractéristique de votre parti était de n'avoir aucune vérité à craindre. Toute vérité le sert, avez-vous affirmé, à condition qu'elle soit suffisamment mûre. Est-ce toujours exact, Faber ? »
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" - La plupart des gens n'arrivent jamais à l'intelligence politique parce qu'ils comprennent les événements vécus lorsqu'ils sont devenus du passé, et pas avant. Ils ne saisissent qu'à la seconde édition ce qu'ils ont si facilement oublié après la première. Le temps approche où la faveur du second avertissement ne sera plus accordée qu'à de sacrés veinards. »
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« A présent, l'essentiel est que Hitler n'en sorte pas vainqueur. Car nous ne pourrons recommencer qu'après sa défaite. Mais il faut songer dès maintenant à poser les bases d'un recommencement. Il faut retourner à la jeunesse, instruire les Andreï, les Soennecke et les Vasso de demain. »
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On n’a pas le droit de vivre inconsciemment.
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