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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une petite bombe.

Il y a vingt ans j'ouvrais ce livre… pour le refermer presque aussitôt !
Depuis j'ai attendu mon heure, le livre continuant d'exercer sur moi une attirance inexplicable.
Et mon heure est finalement venue.

La première scène à elle seule explique comment ce roman a pu m'intimider pendant tout ce temps. En un sens, une des pires scènes d'ouverture qu'on puisse imaginer pour donner envie : d'emblée, on voit un gouverneur des États-Unis congédier deux flics. On cherche à comprendre les tenants et les aboutissants, il n'y en aura finalement pas. Puis on entre dans les pensées du gouverneur, et c'est un déversoir de réflexions sociopolitiques cash et trash, aussi peu avenant par l'argot utilisé que compliqué par les digressions en cascade.
Pour relativiser, il faut reconnaître que c'est sans doute la scène la plus ardue du roman.
Pour être honnête, cette première scène n'est en rien fautive : elle introduit l'un des principaux personnages, expose immédiatement l'un des thèmes centraux du roman (la question raciale aux É.-U.) et se termine en évoquant habilement le personnage principal avec déjà quelques informations utiles sur son passé. En plus de cela, elle donne le ton.

Une entrée en matière compliquée, donc. Passé ce premier cap, pas vraiment de difficultés.
L'auteur adopte dans ce roman un style très personnel. Un style qui m'a heurté au début, avec ses appositions en série peu lisibles et récurrentes, ses incises intempestives et son argot qui m'a perdu le plus souvent. Avec le recul, j'estime que le tout est cohérent et se justifie. le langage cru colle bien à l'univers politique vu de l'intérieur. Les incises ne sont peut-être pas des plus élégantes, mais font le job pour retranscrire les arrière-pensées de ces hommes de pouvoir. Quant aux fameuses appositions, elles ne ciblent finalement que les deux personnages principaux, et tout particulièrement l'ennemi, Benedict Howards. Ces séries d'appositions dégénèrent au fil du roman, et traduisent très bien la schizophrénie qui s'empare toujours plus du milliardaire.
Pas un style qui m'attire, mais un style qui sert certainement l'atmosphère et le propos. Et, étonnamment, plutôt fluide si j'en juge ma vitesse de lecture.


Jack Barron et l'éternité, ou l'affrontement à mort de deux hommes de pouvoir, de deux volontés.
Un roman difficile à classer. Une anticipation politique ? Tout est politique dans ce roman dont l'action s'inscrit dans la société américaine de l'époque où il fut publié : 1969. Seules lubies que l'auteur s'est autorisé : la découverte par les scientifiques d'un traitement qui rend immortel, l'invention des « vidphones » et… la mort de Dylan !

Pour moi, le thème de l'immortalité, très bien exploité, reste un prétexte. Ce roman est avant tout une pépite d'expression de la critique sociale et contemporaine de l'époque, critique visant tout particulièrement le pouvoir politique, et les médias de masse, leur hypocrisie et leur contrôle qu'ils opèrent sur la population. Assurément, ce roman fait partie de ces actes engagés, de ses cris du coeur. Spinrad tire à vue sur le système et décortique les rouages du pouvoir et du spectacle qu'il semble connaître dans ses moindres recoins. Un régal, une claque !


Si tout est critique, qu'en est-il de l'intrigue, du scénario, de la fiction ?
Le scénario est à peu près réduit à cet affrontement entre Jack Barron d'une part, le présentateur iconique le plus redouté du show-business, et d'autre part le non moins irrésistible milliardaire Benedict Howards, quintessence personnifiée du capitalisme ayant découvert le secret de l'immortalité. Un long et lent affrontement, un combat de boxe à l'usure, une partie de poker qui dure et où chaque joueur abat ses cartes une à une. Et c'est à peu près tout. Rien de très compliqué donc, d'autant que nous connaissons la plupart du temps les pensées et les intentions des adversaires. Pour étoffer un peu, un affrontement politique sous-jacent porté par les personnages secondaires, qui permet surtout à l'auteur de construire sa critique politique. Pour apporter un peu de suspense et de dynamisme, quelques péripéties à base de meurtres.
Dans l'ensemble, j'ai trouvé que ce scénario minimaliste et linéaire se tenait. L'affrontement débute dès la première émission de « Bug Jack Barron ». Quant au secret de l'immortalité, il nous tient en haleine jusqu'à la dernière partie et cache un aspect un peu gore et sympa (faut aimer).
Le peu d'action et l'aspect minimaliste font presque du roman une pièce de théâtre. Souvent les scènes se succèdent et se construisent par « vidphone » interposé ou par simple téléphone. La dramaturgie est magnifiquement servie par les dilemmes posés à des personnages qui ressassent leurs pensées, leurs démons intérieurs ou leur paranoïa.


Pourquoi lire Jack Barron et l'éternité en 2023 ?
Plus de cinquante ans après la sortie de ce roman qui a fait couler beaucoup d'encre à l'époque et certainement autant de sueur (en « faisant suer » Jack Barron, Spinrad a réussi à « faire suer » toute la bien-pensance anglo-saxonne), on peut légitimement s'interroger sur l'actualité d'une satire des jeux de pouvoir à l'oeuvre dans une Amérique en pleine mutation (époque du mouvement des droits civils).

D'abord, je dirais que l'exposé en lui-même, si l'on s'abstrait des effets de style, est d'une telle clareté qu'il a réussi à susciter mon intérêt pour cette tranche d'histoire sociopolitique étrangère. L'auteur est absolument sans concessions. Il met les pieds dans le plat dès le début (la toute première phrase embraie sur le thème du racisme). Les personnages sont cyniques, décomplexés, calculateurs, pragmatiques. La politique vue de l'intérieur, plus vraie que nature. Malgré des personnages difficiles à jauger au début et des tas de références culturelles, ce texte brillant a réussi à me mettre à l'aise avec les fondamentaux de la politique intérieure américaine (la dualité entre républicains et démocrates ; la présidence, son investiture et sa campagne, les sénateurs, les gouverneurs ; le pouvoir fédéral et le pouvoir local ; le lobbyisme, le poids de l'argent, la place des médias). le versant social est encore plus éloquent : on s'y croirait vraiment, dans cette Amérique tourmentée par les questions raciales, la pauvreté et la drogue, les hippies et les junkies. L'esthétique est rude car elle ignore les aspects positifs, mais ça fait du bien quelques fois de dire les choses.

Ensuite, l'Histoire n'a pas invalidé toutes les thèses et les constats de l'auteur, loin s'en faut.
- La ségrégation des races, identité profonde de l'Amérique, perdure subtilement aujourd'hui, sans doute entretenue par la pression économique.
- le LSD n'est peut-être plus d'époque, mais la drogue s'attache tristement au peuple américain, comme en témoigne l'affaire des opiacés (500 000 morts en vingt ans et McKinsey, entre autres, paiera quelque 1000$ « par tête » pour se blanchir et poursuivre ses activités, trop content).
- le système médiatico-politique décrit me paraît toujours valide, même si je n'y connais pas grand-chose. En particulier, le poids des milliardaires, de l'ingérence de l'argent dans le politique, et en fin de compte de la corruption généralisée, est certainement plus évident encore de nos jours.
- le concept d'image présidentielle, parfaitement expliqué par l'auteur, trouve son ultime illustration avec l'actuel président des É.-U.
- le thème de l'immortalité – qui vaut sans doute au roman son étiquette SF – est plus que d'actualité si l'on considère le mouvement transhumaniste aujourd'hui. Fait remarquable, le projet fou de l'immortalité est porté par un milliardaire mégalomane et hors contrôle dans le roman, et aujourd'hui le transhumanisme est porté par non pas un, mais pléthore de milliardaires mégalomanes et hors contrôle. Comme dans la fiction de Spinrad, nos champions et généreux sauveurs de l'humanité se sont rendus entièrement maîtres de l'industrie des biotechnologies. Mais là où notre époque a su dépasser la sympathique fiction de Spinrad, c'est que cette clique toute puissante est déjà en mesure d'imposer ses plans au monde entier ou presque comme nous le savons désormais, et que d'autre part son emprise est désormais telle qu'elle ne cherche plus à dissimuler ses desseins.
La corruption généralisée du système et du pouvoir par l'argent est peut-être le trait le plus saillant dans l'oeuvre de Spinrad, et cinquante ans plus tard, force est de constater que cette corruption est devenue obèse. Mais pouvait-il en être autrement étant donné les règles du jeu du capitalisme ?

De manière intéressante, Spinrad voyait certainement le poste de vice-président des États-Unis comme un plafond de verre absolu pour un Noir. Sur ce coup, l'Histoire l'a heureusement détrompé. Mais, comme je le dis souvent, la caste au pouvoir a beau jeu de lâcher quelque concession quand, « en même temps », elle conforte voire décuple sa domination économique. L'auteur n'est d'ailleurs pas dupe et cela se voit à travers la politique hypocrite de Greene (qui ne s'en cache pas), le magnat Howards qui se moque royalement de la couleur de peau du moment qu'on le paie, ou encore Barron lui-même, éternel blasé, qui ne sait que trop que son job consiste à apaiser un le peuple – un fourgueur de came comme un autre.


D'autres aspects que j'ai appréciés :

- le thème du prix de la vie décortiqué en long, en large, et à froid. Si McKinsey l'estime à 1000$, le roman donne quatre ou cinq autres exemples qui font réfléchir sur l'état de la corruption dans nos démocraties et le niveau réel de la moralité. La force du texte est de ne pas fermer les yeux devant l'horrible réalité, une réalité qui existe depuis la nuit des temps. J'y ai même appris que la vie de Jésus avait été estimée à 30 pièces d'argent…

- Les nombreuses références culturelles, même si beaucoup m'ont échappé. En particulier, la façon très libre qu'a le gouverneur Greene de nommer ses interlocuteurs est sympa. À un moment il traite Barron de « Huey » : un clin d'oeil à Dune, pour sûr !

- L'atmosphère, toujours. On entend les paroles de Bob Dylan et Joan Baez faire écho à la dénonciation de la drogue, de la ségrégation, aux luttes partisanes.

- le thème pas évident de la confrontation entre l'idéalisme en politique et le réalisme. Un thème travaillé en profondeur et expliqué dans ses moindres ramifications psychologiques.

- le rendu de l'émission Bug Jack Barron. L'auteur a parfaitement capturé l'essence de ce type d'émission, avec ses phrases clés, son ton, sa technique et sa logistique.

- La complexité du personnage de Jack Barron. Avec son côté botteur de cul affiché, je craignais un peu la facilité. Spinrad en a fait un personnage difficile à cerner. Barron est en effet dévoré par un une sorte de complexe, l'enfermant dans un paradoxe. C'est le thème du « baisse froc », mâtiné de pragmatisme et de cynisme : il estime que pour conserver son poste, il doit taper sur les puissants, mais pas trop tout de même. En réalité il n'en est rien, comme on le verra par la suite.
Dans ce roman, le pouvoir a priori absolu d'un magnat comme Howards et celui que confère à Jack Barron son émission télévisuelle de grande audience semble s'équilibrer. La comparaison est édifiante si l'on considère la situation aujourd'hui en France. L'exemple le plus proche serait peut-être l'émission TPMP qui jouit d'une certaine popularité, et dont le présentateur s'affiche volontiers comme un contre-pouvoir donnant la voix au peuple, et se targue de pouvoir taper sur n'importe qui. L'émission est d'ailleurs régulièrement critiquée pour son côté populiste, court-circuitant parfois la Justice. Qu'en est-il réellement de ce pouvoir ? Aurait-on un Bug Jack Barron en France ? Voyons un peu : d'un côté, Jack Barron utilisant de son émission à large audience pour combattre un magnat. de l'autre, un milliardaire propriétaire du média qui diffuse TPMP. Une petite différence qui change tout. Un bouffon du roi, voilà tout au plus ce que nous avons, et c'est déjà pas mal. Avec neuf milliardaires possédant 90 % des médias de masse, il est certain que la situation française du point de vue de l'indépendance des médias et de leur rôle de contre-pouvoir ne peut apparaitre que comme cauchemardesque si on la compare avec celle du roman. Autre différence de taille : dans le roman, le magnat Howards s'expose systématiquement en acceptant de se défendre sur le terrain de Barron. de nos jours, et ce indépendamment du fait qu'ils sont maîtres des médias, une telle exposition des milliardaires paraît même inimaginable, ce qui montre le chemin parcouru sur le terrain de la domination de classe. Howards est sans doute un être abject et incroyablement puissant dans le roman, capable de faire et défaire des présidents et pire encore, mais il ferait sourire les magnats d'aujourd'hui…



Dans les bémols :
- le style. Pas fan, même si je reconnais qu'il est cohérent et adapté.
- Peu d'émotions au final.
- La folie du magnat Howards un peu trop marquée, ce qui le rend artificiellement facile à manoeuvrer.
- de son côté, Barron dévoile ses cartes maîtresses trop tôt, sans raison.
- Quelques longueurs. 380 pages, ça fait un peu long pour ce genre de scénario.

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Ce roman de Spinrad porte bien son titre. L'éternité, il y est entré comme oeuvre majeure et classique de la science-fiction.
A la fois questionnement sur l'immortalité et l'éthique, critique du pouvoir et des contre-pouvoirs (politique, financier, médiatique) et réécriture de Faust, avec en prime une des rares histoires d'amour à ne pas m'avoir donné envie de la lire en diagonale.
Un de mes romans préférés de Spinrad avec Rêve de Fer et le chaos final.


Jack Barron, ancien gauchiste avec des idéaux plein la tête, est devenu une star de la télé avec du pognon plein les fouilles. Cette trajectoire lui a coûté une partie de son âme et Sara, son amour de jeunesse. Il prend la chose avec cynisme, il s'en fout un peu, il est quelqu'un, il est une vedette.
Pas débile pour autant, Jacquouille connaît sa vraie place dans le monde du showbiz : celle d'un Zorro putassier, un “baisse-froc”. Son émission Bug Jack Barron n'est qu'une façade, une soupape pour relâcher la tension sociale. Des quidams appellent le standard de l'émission pour pousser un coup de gueule. Barron se tourne vers une personnalité en rapport avec le sujet et la démolit. Et l'émission marche. Pas tant pour le côté redresseur de torts que parce que ça se frite. de la télé poubelle bien trash (phrase qui me vaudra les palmes académiques du pléonasme et de la redondance). En théorie, tout est permis. En pratique, faut pas trop pousser dans le subversif ni dans le corrosif. Pas froisser les nababs qui payent pour les pubs sur la chaîne ni les politiques qui ont le bras long.


Spinrad présente une vision ambivalente de la télé (et des médias de masse en général) dans sa capacité à influencer l'opinion, pour le meilleur comme pour le pire. A la fois contre-pouvoir face aux pouvoirs économique et politique… et pouvoir tout court, avec pour préoccupation première de se maintenir. D'où un jeu d'équilibriste. Donner au bon peuple l'illusion d'être de son côté sans se mettre à dos les pontes les plus plus influents, qu'on se contente d'égratigner pour de rire. Pile ce que disait Didier Super à propos des Guignols de l'info : “Je ne pense pas que les marionnettes fassent grand mal à nos politicards. Par contre, elles sont symboliquement importantes en ce qu'elles portent l'illusion d'une liberté d'expression démocratique.” En clair, rien de ce qu'on trouve à la télé ne vise à démolir le système, au contraire. Ce qui est réellement dérangeant n'y a pas sa place.
Jack Barron en est conscient. Il sait que son pseudo-combat ne sert que le dieu Audimat, sans vocation à changer le système. Il est le système. Et pourquoi il le changerait ? Il a une carrière, du blé, des meufs, la notoriété. Il fait partie de “ceux qui réussissent” si chers à Manupiter Macron.
Parfait connard mais pas que, Barron s'offre à l'occasion des prises de conscience. Il ressent les tiraillements de son passé de gauche, du temps où il s'intéressait davantage à l'humain qu'à son ego. Il reste torturé par ce que son carrière lui a coûté : son engagement et Sara, l'amour perdu qu'il cherche dans toutes les nénettes de substitution qu'il s'envoie.
Et puis arrive ce moment où il se trouve confronté à un choix maousse et à ses conséquences. (Là si tu t'attends à ce que je t'annonce la nature de ce dilemme cornélien, on va t'appeler Willy le Borgne, parce que tu te fourres le doigt dans l'oeil.)


Jack Barron et l'éternité pose la question du choix, le classique “qu'est-ce que tu aurais fait à la place de Jacquot ?”
Quel prix accordes-tu à ta vie, à ta conscience, à tes rêves ?
Derrière la question du prix individuel à payer, ce bouquin interroge sur une société où tout s'achète et se vend, à commencer par les gens. Toute tarte à la crème que soit la critique d'un monde régi par l'argent, elle n'en est moins 1) pertinente, 2) bien menée par Spinrad et 3) on ne peut plus d'actualité.
Portrait d'une société qui ne raisonne qu'en termes d'oseille, de produit et de consommateurs. La télé poubelle divertit dans le mauvais sens du mot, à savoir qu'elle change les idées des téléspectateurs pour mieux les empêcher de penser. Machine abrutissante dont la tâche consiste à placer des produits tout en faisant croire que… Subversion de surface mais vraie collusion du pouvoir médiatique avec l'économique et le politique. La population léthargise devant son écran, sensible au moindre chant de sirène, gavée du sang factice des talk-shows corrosifs mais pas trop, éblouie par le star system. le système tout court, lui, poursuit sa route, pavée d'inégalités, de ségrégation, de racisme, de corruption… Moins tapageuse, la science avance cachée. Pleine de promesses, l'avenir, le progrès, une vie meilleure… quand on a les moyens de se payer ses joujoux. Recherche médicale obsédée par la rentabilité, pas encombrée par l'éthique, avec une nette tendance à confondre patients et cobayes, à considérer l'humain sous le seul angle de la matière première.
(Précisons que je parle de la société présentée dans le roman. Cela dit, toute ressemblance avec le monde réel de maintenant n'est peut-être pas une coïncidence…)


Quand le roman sort en 1969, la télé est encore jeune. Une quinzaine d'années d'existence en tant que média de masse aux USA. Elle reste un champ des possibles, capable d'après Spinrad de faire réagir. Pour peu qu'un homme de bonne volonté – un lanceur d'alerte avant l'heure – y prenne la parole. Soit un postulat pas évident, vu les tentations auxquelles ce samaritain pourrait être soumis. La conclusion qu'en tire est assez nébuleuse, mélange de fatalisme, de cynisme, d'optimisme. Oui mais non mais si mais non. La clairvoyance de Barron sur son émission laisse peu de doute : la télé fait surtout du caca, elle n'a pas vocation ni intérêt à répandre le bien.
Avec le recul des années, nous voilà fixés. On sait depuis belle lurette que les téléspectateurs ne réagissent pas, tout est fait pour. Quant aux preux chevaliers pétris d'idéaux, ils sont interdits d'entrée de studio.
La lecture de Jack Barron et l'éternité en 2018 n'est pas inutile, elle est même indispensable. le discours sur les accointances entre politique, finance et médias tomberait même plus juste qu'en 1969. Les dérives du petit écran, on peut les constater de (télé)visu. le monde dans lequel on vit est celui annoncé par le bouquin. Seule différence, un média de plus à se mettre sous la dent : Internet, vaste terrain de jeu pour les petits-enfants de Jack Barron, nourris à la pub et au buzz.
Lien : https://unkapart.fr/jack-bar..
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Jack Barron est le présentateur-vedette d'une émission de télévision américaine très populaire. Dans celle-ci, les téléspectateurs sont invités à appeler en direct pour faire part de ce qui les "fait suer", et qui fait donc suer Jack Barron lui-même (Bug Jack Barron, le nom de l'émission) et ses cent millions de téléspectateurs. le présentateur organise alors un débat avec une personnalité compétente sur le sujet abordé.
Ancien militant communiste désabusé, Jack Barron est un personnage cynique et doté d'un sens aigu de la répartie. Il mène donc la vie dure aux personnalités qu'il invite à s'exprimer, ce qui fait de lui un personnage redouté de toute la classe politique et financière. Or deux évènements importants marquent l'actualité politique du moment : l'élection du futur Président des Etats-Unis d'une part, et le vote au Congrès d'un projet de loi autorisant l'Etat à financer la Fondation pour l'immortalité humaine d'autre part.
Cette fondation est dirigée par un personnage très influent, Benedict Howards, et a pour objectif officiel de cryogéniser leurs clients le temps que la science découvre le moyen de prolonger la vie, voire de la rendre éternelle. Bien sûr la prestation n'est pas gratuite, et même particulièrement onéreuse. Alors quand Jack Barron s'intéresse au sujet dans son émission, Howards y voit une menace et propose au présentateur un marché qu'il lui sera difficile de refuser, à moins que ses idéaux de jeunesse ne se rappellent à sa conscience. Commence alors entre les deux hommes un duel dont le perdant ne se relèvera pas.
Autour de cette thématique, Norman SPINRAD dresse un portrait au vitriol de l'Amérique de la fin des années 1960. La politique est minée par la corruption, les alliances contre nature, et les assassinats. Les médias, incarnés ici par la télévision, ont de plus en plus de pouvoir et de moins en moins de sens moral. le racisme est toujours une réalité, même si le principe des droits civiques des noirs est désormais acté. Quant à la jeunesse, elle noie ses idéaux révolutionnaires dans le sexe et la drogue.
Pour évoquer ces sujets, SPINRAD adopte un style pour le moins décapant. Ce sont des phrases courtes dans lesquelles la ponctuation est parfois volontairement oubliée, et qui donne un rythme incroyable au récit. C'est un vocabulaire cru, parfois argotique, en particulier dans les scènes érotiques ou dans celles où il est fait usage de psychotropes. Cela donne au lecteur le sentiment d'un univers totalement halluciné.
Ce même lecteur pourrait rétorquer que la thématique comme le style ne sont aujourd'hui pas nouveaux. Ce serait toutefois oublier que Jack Barron et l'éternité a été écrit en 1969 et nier qu'il s'agissait alors d'une oeuvre éminemment prémonitoire. En outre, après quatre décennies de rééditions diverses, le roman n'a rien perdu de son caractère percutant, ce qui fait de lui une oeuvre majeure de la science fiction, un chef d'oeuvre du genre.
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Responsabilité des médias-phares contre pouvoir de l'ultra-richesse, dès 1969...

Le quatrième roman de cet auteur américain profondément francophile s'attaquait en 1969 avec un immense brio à deux thématiques toujours plus contemporaines : le rôle véritable du « quatrième pouvoir », à savoir ce que peut et doit faire le journaliste confronté à l'inacceptable, d'une part, et le terrible pouvoir de l'ultra-riche ou de l'ultra-puissant lorsqu'il se consacre à la réalisation de ses fantasmes, et notamment du fantasme d'immortalité. On peut aisément constater que quarante ans après son écriture, la préoccupation est intacte, voire accrue.

Le tout réalisé dans une langue et un style d'une verdeur qui fit scandale à l'époque de sa parution, teinté aussi d'un humour alerte qui surfe en permanence avec légèreté sur la redoutable noirceur du propos.
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« Vous êtes le présentateur-vedette d'une émission de télévision très populaire, mais très dérangeante pour les hommes politiques au pouvoir. Et si un jour on voulait acheter votre silence contre un faramineux contrat d'immortalité ! Que feriez-vous ? »
Ce roman est l'une des oeuvres majeures de la littérature de science fiction américaine des années 60-70. (source : Wikipédia)
Les dessous de la politique et du show-bizz qui donnent la nausée ! Ce livre à été publié en 1969.
Excellent.
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Un très grand roman.
En dépit de quelques marqueurs assez datés, notamment une certaine misogynie rampante, l'essentiel est très largement préservé au travers d'un travail prospectif et conceptuel exceptionnel.
Le personnage de Jack Barron, au travers de son parcours et de ses compromissions consenties, dresse un portrait singulièrement précis du capitalisme américain et de ses dérives, comme des problèmes socio-économiques dont il est victime ; à l'instar du reste du monde occidental désormais.
Malgré 50 ans de distance, ce roman n'a pas pris beaucoup de rides. Très fort.
Lien : https://syndromequickson.com..
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extraordinaire souvenir que ce livre...
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Une histoire excellente, tellement en prise avec notre époque certes, mais surtout un style d'écriture magnifique, dynamique, dévastateur, en complète harmonie avec la culture pop, rock sexe & drugs. Les 1eres lignes sont d'une forc, d'une puissance qui vous attrape pour ne plus vous lâcher. Dans le top 10 de la SF, un classique qui n'a rien de classique dans son écriture.
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Jack Barron est un ancien "révolutionnaire/activiste/militant" et il est devenu un animateur vedette d'une émission incontournable de la télé: Bug Jack Barron (faites suer Jack Barron) . Un show dans lequel Jack Barron donne la parole à une victime de la société actuelle et la confronte avec un politicien/grand ponte pour le tourner en ridicule. Jack Barron est un être cynique et rien ne l'arrête. Il n'a de cesse que de pousser ces personnalités du monde politique ou financier dans leur derniers retranchements. Impossible d'ignorer ou d'éviter Jack. Il fait la pluie et le beau temps. Mais si cette émission a pour vocation d'aider "les pauvres victimes de la société", Jack lui a perdu son idéologie de jeunesse et ne s'intéresse plus qu'au côté show business de l'affaire ...Évidemment il choisit ses sujets et ses "victimes" pour faire de l'audience et non pas par grandeur d'âme ...

La chronique complète sur le blog:

Lien : http://bookenstock.blogspot...
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