Un livre que j'ai en partie aimé, et qui m'a en partie laissée sur ma faim.
Cependant, coup de chapeau pour le style d'écriture, fluide, réaliste et poétique à la fois.
L'histoire commence par l'enlèvement au Québec d'une petite fille de 7 ans, Lilia, par son père américain. Démarre alors un road trip de plus de dix ans à travers tous les Etats-Unis, d'un motel à l'autre, d'une ville ou d'une bourgade à l'autre, d'un camping à l'autre, d'un « diner » à l'autre… Une carte routière élimée dépliée sur les genoux.
Lilia et son père sont deux êtres en cavale, privés de la perspective d'un point d'attache, et qui finissent par ne plus pouvoir envisager de s'arrêter pour vivre quelque part…
Sauf que le père, un jour, dit « stop » et s'installe au Nouveau-Mexique, avec une nouvelle compagne, Clara. Quant à Lilia, elle poursuit sa route, car partir c'est la seule chose qu'elle sache faire, c'est son modus vivendi, ce qu'elle a toujours connu. Elle n'a que seize ans, et toujours « on the road », vivotant de petits boulots ici et là, prenant des photos des rues, des parkings, des bâtiments : photographier est bien son seul hobby…
Trois autres personnages entrent en scène à différentes époques de cette cavale.
Tout d'abord, Christopher, un détective privé anglophone de Montréal chargé par la mère québécoise de retrouver sa fille. Détective lui-même père d'une fille du même âge (Michaela), et qui peu à peu se détache totalement de la vie de sa fille pour ne servir qu'un but : retrouver Lilia. Même au bout de quelques années, il ne renonce pas et reste obnubilé par cette chasse. le tableau de famille de ce détective n'est guère réjouissant : sa femme le trompe, le méprise et l'abandonne tout comme elle se soucie comme d'une guigne de sa fille. Lui-même s'englue dans sa quête obsessionnelle de Lilia au point d'effacer aussi sa propre fille Michaela de sa vie. La jeune Michaela se retrouve livrée à elle-même, à Montréal. C'est assez hallucinant.
Je dois admettre que j'ai trouvé cette situation (l'indifférence puis l'abandon de Michaela par ses deux parents) trop extrême pour pouvoir y croire. C'est l'un des bémols que j'ai trouvés dans ce roman.
Alors que Lilia est une solitaire, Michaela subit la solitude sans la choisir, sa famille l'a délaissée, mise de côté. Elle survit comme elle peut, dort dans un cagibi de dancing sur un matelas d'enfant, se nourrit de pilules. Michaela est le personnage perdu de ce roman, sans aucune perspective.
Le 4e personnage, c'est Eli, un jeune homme de Brooklyn, sempiternel étudiant étouffé par sa thèse, sorte de loser se présentant lui-même comme un usurpateur, un "fake" qui ne fait rien de concret de sa vie et prétend connaître et savoir et pouvoir tout commenter... Eli fréquentait Lilia quand elle est arrivée à NY, à 22 ans. Lilia s'est installée chez lui, puis, un jour, sans crier gare, elle est partie poursuivre sa route comme elle a toujours fait. Plus tard, Eli, déboussolé, reçoit une mystérieuse lettre de Montréal, signée Michaela, lui donnant RV à Montréal s'il désire revoir Lilia…
Ce roman n'est pas vraiment un polar, pas du tout d'ailleurs à mon sens. Un roman d'atmosphère, simplement.
Je m'en viens à la fin là. A Montréal donc. Ce qui m'a fortement agacée, c'est la campagne anti-francophone/français de l'auteure, qui ose dépeindre une sorte d'isolement total d'Eli, malheureux voyageur américain qui se sent piégé par la langue française, les Québécois francophones, comme en apnée dans un monde totalement alien. Petite référence trop facile de l'auteure à la loi 101.
Et deuxième source d'agacement : la description hallucinante de Montréal en ville glacée, glaciale, inhospitalière, grise et limite moche, une enfilade de restos junk food ou Macdo ou autres du genre, les boites à striptease aux néons flashy qui sont la seule présence dans la nuit glacée. le métro Bonaventure désincarné, l'hôtel Queen Elizabeth tel un vestige soviétique, etc. etc. Bon, ce fut un peu too much pour moi de la part d'une anglo. Non mais alors quoi, le Eli qui vient de New York, il ne se tape pas de temps en temps des blizzards et des froids glaciaires dans la Big Apple aussi ? Et s'il partait en voyage au Cambodge ou dans le Yunnan, il se sentirait peut-être pour le coup vraiment piégé par la langue ? Mince 'y a des limites...
Enfin, la façon dont le roman se termine m'a de fait laissée sur ma faim. Je ne vais pas raconter pour ne pas dévoiler.
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