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4,12

sur 1300 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Truman Capote a dit : « Le plus grand plaisir que je retire de l'écriture ne tient pas au sujet mais à la musique interne des mots »

La prose de Stefansson est aussi poétique que puissante, une perçante mélodie se dégage des mots alignés. Il parle magnifiquement de la peur et des tâtonnements des âmes, de l'incertitude des êtres, d'espoir et de rêves.
En filigrane juste au-dessous de la surface visible se retrouvent des réflexions plus profondes et appuyées comme la fine frontière qui sépare la vie de la mort et de la brèche qui se situe sous nos pieds, toujours prête à s'ouvrir.

Une vive émotion provoquée certainement par la communion parfaite des mots et de la nature, des mots et des sentiments intimes, nous fait un peu planer au-dessus de la musicalité et de la profondeur de la réflexion.

Chez Stefansson les mots soulèvent des jeux d'ombres et de lumière. Certains mots nous conduisent à des lieux qui rien d'autre ne peut atteindre. Les mots nous guident jusqu'à l'essence de qui nous sommes et le monde s'arrête de tourner.

Solaire et solitaire, cette lecture brille d'un bel éclat bien après la dernière page tournée.


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Les faits se déroulent il y a un siècle dans un village de pêcheurs à la morue où il règne un froid glacial qui peut se révéler meurtrier. Six pêcheurs par barque, chacun a son rôle bien défini. Tout est important et vital dans le rituel de la pêche, chacun a sa place, le danger est toujours présent d'autant plus qu'aucun pêcheur ne sait nager.
Bardur trop occupé à retenir des vers du Paradis perdu de Milton, oublie sa vareuse en partant en mer, un oubli qui lui sera fatal. Son ami surnommé le gamin, inconsolable, entame un périlleux voyage pour rendre le livre à son propriétaire.
Jon Kalman Stefansson envoûte le lecteur par la force de son écriture, tout est poésie, ses mots chantent la vie, la mort, l'amitié, l'amour, la cruauté d'un monde inhospitalier.
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S'en vient le soir
Qui pose sa capuche
Emplis d'ombre
Sur toute chose,
Tombe le silence,
Déjà se lovent
La bête sur son lit d'humus
L'oiseau dans son nid
Pour le repos nocturne.

Relire encore une fois ces quelques vers du Paradis perdu de Milton, les retenir pour, plus tard, sur le bateau, les réciter au gamin. C'est ce qui a tué Bàrdur. Obnubilé par la beauté de la poésie, il a oublié sa vareuse au crochet du baraquement. La mer d'Islande ne pardonne pas ce genre d'étourderie. Bárdur est mort, gelé sous le banc de nage, laissant le gamin inconsolable. le jeune pêcheur ne veut plus, ne peut plus retourner en mer. Il marche jusqu'au village, d'abord pour rendre le Paradis perdu à son propriétaire, ensuite pour décider s'il doit continuer à vivre après la perte de son meilleur ami.

Mer glaciale, vent violent, neige et glace, la nature islandaise est peu clémente avec les pêcheurs de morue. Mais ils sont rudes, forts et savent mettre humblement leur destin entre les mains de Dieu avant de prendre la mer. Ces taiseux connaissent les mots des prières, les mots de la pêche. D'autres recherchent la beauté, la consolation des mots. Báldur et le gamin sont de ceux-là. Mais les mots peuvent tuer aussi. On veut relire un poème et on en meurt. Et voilà le gamin seul, privé du soutien de son ami, il se sent déplacé. Il en veut aux pêcheurs de continuer à vivre, il est mal à l'aise au village, ridicule, privé de mots. A quoi bon vivre alors ? le gamin traîne un sentiment de culpabilité. Qu'a-t-il fait pour mériter la vie quand tous ceux qu'il a aimés sont morts ? Peut-il encore rire, s'émouvoir, désirer, quand le corps de Báldur gît, gelé, sur la table du baraquement ? ale gamin va devoir trouver en lui des raisons de vivre.
Ce premier tome d'une trilogie est proprement envoûtant. Porté par l'écriture très poétique de Jón Kalman STEFÁNSSON, le récit raconte le froid, la solitude, le deuil, mais aussi l'amitié, la poésie, l'espoir de la jeunesse. le gamin, tendre et émouvant, est un personnage dont on a envie de suivre le chemin. Et certains villageois, hauts en couleurs, demandent aussi à être mieux connus. Une magnifique introduction pour la suite à venir.
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En Islande, oublier sa vareuse et partir en mer n'est vraiment pas une bonne idée, car en Islande, entre ciel et terre, il fait froid, très froid.

C'est pourtant ce que fait cet étourdi de Bardur, pêcheur de morue de son état, désormais la tête dans les étoiles et les fesses au frais.

Les vers du Paradis perdu de Milton ne vont pas suffire à lui réchauffer le coeur (et le reste) puisqu'il meurt de froid.

Raconté comme ça ce n'est pas très poétique, mais ça se passe comme ça en Islande quand le marin prend la mer, pas couvert.

Le gamin, le copain, l'ami n'y peut plus rien, sinon rapporter son bouquin au vieux capitaine aveugle, - et mourir après, peut-être.

Raconté comme cela, ça ne rend pas hommage à ce magnifique livre, mais quand même, un vrai marin n'oublie jamais sa vareuse et que la mer est cruelle, n'est-ce pas monsieur Jon Kalman Stefansson ?
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« Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. Il est des poèmes qui changent votre journée, votre nuit, votre vie. Il en est qui vous mènent à l'oubli, vous oubliez votre tristesse, votre désespoir, votre vareuse, le froid s'approche de vous : touché ! dit-il et vous voilà mort. »

C'est ce qui est arrivé à Bárður : à vouloir absolument retenir quelques vers d'un poème de Milton, il en a oublié sa vareuse. Pris par le froid islandais et la tempête, il n'a pas survécu et laisse derrière lui "le gamin". Ce dernier, qui a déjà perdu toute sa famille, commence un voyage difficile afin de rendre "Le paradis perdu" à Kolbeinn, vieux loup de mer aveugle à qui Bárður avait emprunté ce livre. Une fois sa mission accomplie, "le gamin" n'aura plus qu'à rejoindre sa famille et Bárður, dans l'au-delà...

Jón Kalman Stefánsson nous entraîne en Islande, au XIXe siècle. Il neige, il fait terriblement froid, l'eau est glaciale, le vent est violent. Mais Bárður et le gamin, comme tous les pêcheurs, vivent avec au quotidien. La pêche à la morue est leur gagne-pain, ils se doivent de défier ces éléments qui ne leur facilitent pas la tâche et qui sont souvent contre eux.

Ces éléments d'ailleurs ne jouent pas qu'un rôle majeur, ils sont un personnage à part entière, voire même le personnage principal. Ce sont eux qui mènent la danse, l'ensemble des protagonistes dépendant d'eux, devant composer avec eux. Les montagnes qui forment une barrière d'un côté, la mer glaciale de l'autre, les violences du vent et les colères du ciel emprisonnent les protagonistes autant que les lecteurs. Nous sommes comme pris au piège dans cette atmosphère polaire, mordante, et on aime ça...

Grâce à une plume poétique, lyrique, enchanteresse, j'ai participé à la quête initiatique du gamin avec délectation. Je l'ai accompagné et ne l'ai pas lâché un instant. J'ai compris ses tourments, ses doutes, ses interrogations sur la vie et la mort. J'ai rencontré des gens atypiques : pêcheurs, femmes de pêcheurs, filles de pêcheurs, veuves de pêcheurs, vieux loups de mer, aubergiste (au féminin), commerçant(e)s, etc. J'en ai appris beaucoup sur leur vie au quotidien, rythmée par le chant de la mer.

Et si je déplore la conjugaison au présent (pas du tout adaptée aux événements, qui se déroulent par ailleurs dans le passé), ainsi que le non-respect des règles typographiques des dialogues (alors ça, par contre, ça m'agace énormément !), j'ai tout de même été transportée par les belles et longues phrases de l'auteur, poétiques, imagées, bercées par les humeurs du ciel et de la mer.

C'est à la fin de ma lecture, en allant farfouiller dans la biographie et la bibliographie de l'auteur, que je me suis rendu compte que "Entre ciel et terre" était le premier volume d'une trilogie. Je retrouverai donc le gamin avec plaisir dans "La tristesse des anges", bientôt j'espère...
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Stefansson ne connaît sans doute pas Valéry Larbaud qui parlait de la lecture comme d'un « vice impuni ». Ici, en Islande, lire est puni car lire tue: survivre est une lutte qui ne permet aucune distraction. Une vareuse oubliée, c'est la mort. Encore plus extraordinaire que du Hugo, le combat que mènent les pêcheurs pour arracher leur nourriture à la mer coupe le souffle et glace le coeur.
La mer prend les hommes et les nourrit: cette ambivalence est aussi celle des livres, qui font vivre autant qu'ils tuent et qui, s'ils n'enseignent rien, rendent le monde plus humain. Bardur est mort d'avoir voulu relire les vers du « Paradis perdu ». À quoi bon les retenir, puisque l'épopée de Milton lui a fait oublier ses réflexes de pêcheur? À quoi bon puisque ce poète veut nous apprendre à respecter un Dieu qui, selon Stefansson, n'existe pas? (« abandonné de tous, sauf de Dieu et Dieu n'existe pas »). Mais les livres transforment la vie en destin et les histoires en mythes: le gamin, désespéré par la mort de son ami va connaître les affres de l'émancipation. Fuyant les lois des pêcheurs et précipité dans le monde, le gamin, nouvel Adam, vit la Genèse à l'envers: tenté de délaisser le fruit de la connaissance au profit de la mort, il sera sauvé de cette tentation par les femmes.
Comme beaucoup, j'ai eu du mal avec la deuxième partie de ce livre qui rompt avec l'épopée et l'envoûtement qu'elle procure. Mais c'est aussi tout l'art de la littérature de savoir conter la désillusion, le deuil et le manque.
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Le gamin avait un ami, Baldur, pêcheur comme lui.
Baldur aimait les mots lorsqu'ils devenaient poèmes. « Certains poèmes nous conduisent en des lieux que nuls mots n'atteignent, nulle pensée, ils vous guident jusqu'à l'essence même, la vie s'immobilise l'espace d'un instant et devient belle, limpide de regrets ou de bonheur. »
Le gamin aimait les poèmes à travers son ami jusqu'à ce que la mort s'empare de Baldur.
Lire un poème avant de monter sur une barque à six rames en oubliant sa vareuse ne pardonne pas.
Laissant le corps de son ami aux soins des pêcheurs, le gamin part dans une sorte de voyage initiatique avec pour but premier de rendre le livre de poèmes à son propriétaire. Ensuite il décidera de continuer à vivre ou de se diriger vers la falaise des suicidés.

Un périple fait de questionnements mais aussi de belles rencontres.
Ce roman est véritablement hypnotique. La langue est extrêmement poétique, les paysages islandais sont magnifiés, on ressent la force des éléments, le vent, le froid, mais aussi la peur et la solitude face à une nature aussi grandiose qu'hostile.


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Un roman MAGNIFIQUE plein de poésie, l'auteur (et le traducteur) écrit et décrit parfaitement, il nous fait ressentir les choses plus qu'il ne les décrit.
L'histoire est simple veut rendre un livre (le paradis perdu de Milton) à son propriétaire un vieux capitaine aveugle.
Au dela de l'histoire il y a une recherche du sens de la vie, de l'engagement et la POESIE est présente à chque page dans chaque mot.
J'ai vraiment beaucoup aimé et je me demande pourquoi je n'ai mis que 4*
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A proximité du cercle polaire, à l'extrême limite du monde, dans une cabane de pêcheurs, est étendu Bardur. Son corps est froid, ses yeux sont vides, et le gamin le pleure. L'hiver, la mer, la tempête ont eu raison de cet homme passionné de livres et de poésie. le gamin ne sait plus quel sens donner à sa vie, ni où est sa place… Avec le souvenir de son ami pour seule chaleur, il se rend au village et décidera alors de son avenir…

Cette première rencontre avec l'univers de Jon Kalman Stefansson a été pour moi assez réussie. Je me suis laissée porter par son écriture poétique, imagée, sensorielle.

Entre terre et ciel donne la parole à un jeune garçon, que la mort a frappé bien trop souvent déjà. Alors qu'il a perdu ses parents et sa soeur, il forme un binôme lumineux avec Bardur, un gaillard solide et courageux. Ils sont ensemble sur les routes, au fond d'une barque de pêcheurs ou tête bêche sur le matelas d'une cabane. On ressent toute l'amitié, l'admiration et la tendresse qu'ils éprouvent l'un pour l'autre.

La mer assure leur subsistance, c'est elle qui les nourrit. Mais c'est de mots, de poésie, d'histoires, qu'ils vivent. Ce sont les livres, empruntés au village, qui leur donnent la force de combatte les conditions difficiles qui bercent cette partie oubliée du monde.

La langue et la mélodie de l'auteur forment comme une ritournelle qui nous berce doucement. C'est bien au chaud, au coeur de cette histoire, que nous fabriquons à notre tour, le souvenir des mots qui font de nous les lecteurs que nous sommes…

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En Islande, au XIXe siècle, des pêcheurs affrontent quotidiennement la mer, les vents déchaînes et le froid pour aller chercher la morue qui les fera vivre... ou mourir : la mer est cruelle et impitoyable...
Mais même les pêcheurs peuvent aimer les mots, la lecture et la poésie et c'est ce qui perdra Bardur qui a oublié sa vareuse en essayant de retenir des vers de "Paradis Perdus".
Un récit sombre et beau qui interroge sur la vie, le pourquoi de la vie, sa brièveté, ses aléas et sa fragilité, sur l'amitié, sur les gens que nous aimons et qu'il nous faut chérir tant qu'il est encore temps ; une quête métaphysique écrite et traduite de façon magistrale et poétique, tendre et envoûtante.
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