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4,12

sur 1300 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Cela commençait bien. Cela commençait même TRÈS bien : j'étais embarquée, je trouvais l'écriture à la fois plaisante et poétique ; les paysages, l'ambiance, tout me convenait. Et puis...

Et puis, peu à peu, j'ai eu le sentiment de m'enliser. Page après page, l'expérience devenait moins plaisante, des atermoiements, une impression vague d'être dans une barque, de ramer et de rester toujours à la même place, de ne m'approcher de rien.

Et puis, à la fin de la première moitié du roman, la disparition du personnage qui paraissait le plus intéressant, le plus prometteur est venue mettre un coup d'arrêt très net à mon plaisir. La suite devint ennui, puis effort et finalement, je me trouve très contente d'en finir, car aller plus loin m'eût été pénible.

C'est dommage, très dommage, car j'ai vraiment le sentiment que Jón Kalman Stefánsson avait les moyens de me faire vivre une très grande expérience littéraire et, tout bien considéré, une fois le livre achevé, mon impression confine plus à la déception qu'à l'extase.

Pourquoi ? En littérature, selon moi, il y a deux types de héros : l'archétype, c'est-à-dire un héros qui n'est pas forcément amené à changer, mais dont les manières et le type sont tellement bien trempés, bien campés, qu'ils en font un personnage très marquant. Don Quichotte en est un, Cyrano de Bergerac (le fictif) en est un autre ou bien encore le fameux Sherlock Holmes.

L'autre type de héros — selon moi le plus intéressant — est constitué par l'évolution qu'il subit en étant confronté aux événements. Il partait d'un état initial A, il subit x, y, z situations auxquelles il doit faire face, ce qui le modifie et le fait parvenir à un état final B. C'est cette transformation, ce passage de A à B qui intéresse le lecteur, en tout cas qui m'intéresse, moi. Elizabeth Bennet en est une, Candide ou Eugénie Grandet en sont d'autres, s'il faut donner des exemples.

Or, dans Entre ciel et terre, qu'en est-il ? le personnage à tendance archétypale était Bárđur : rude marin islandais et pourtant lettré et poète. C'était intéressant, on avait envie de savoir ce que LUI ferait devant telle ou telle alternative que la vie lui offrirait. Or, il meurt bêtement au beau milieu de l'ouvrage, sans qu'on ait bien eu le temps de couvrir, de parcourir l'ensemble de l'archétype qu'il représentait.

Qui nous reste-t-il ? le personnage du gamin. Lui semble plutôt être un personnage dont on prendra plaisir à mesurer les évolutions. On se dit qu'il est un peu comme un genre d'Adso auprès de l'archétype Guillaume de Baskerville. Et puis... et puis lui aussi se consume avant que d'avoir brillé. FLOUF ! Plus rien, c'est déjà fini.

À un moment, j'ai cru que son destin allait prendre un tour intéressant au contact de la troublante autant qu'énigmatique Geirƥrúđur, mais là encore, PFOUIT ! rien du tout, c'est déjà fini.

Donc premier problème, selon moi, le manque de héros véritable. Alors, se dit-on, l'intérêt résiderait dans le fait de dépeindre une assemblée, une ambiance, de nous plonger dans un monde révolu, celui des villages de pêcheurs islandais de la fin du XIXème siècle.

Mais là encore c'est bancal : un alignement de personnages, comme autant de coquilles vides, n'a jamais fait une atmosphère. Pour s'en faire une opinion à pareille époque, autant lire Pêcheur d'Islande de Pierre Loti. Afin d'argumenter ce point précis, je m'en vais convoquer une citation d'Edith Wharton dans son ouvrage, Les Règles de la fiction :

« On produit un effet bien plus profond en se livrant à l'étude pénétrante de quelques personnages, au lieu de multiplier les silhouettes vaguement dessinées. Ni le romancier ni le dramaturge ne devrait s'aventurer à créer un personnage sans le suivre jusqu'au bout de l'action, et sans être sûr que cette dernière serait appauvrie par son absence. Les personnages dont la fonction n'a pas été précisément définie à l'avance risquent de devenir aussi déplacés que des intrus. »

Enfin, ce qui fut pire encore, pour moi, à la lecture, ce sont les moments où l'auteur plaque des réflexions ou des manières de penser contemporaines sur des actions passées, censées relever de la fin du XIXème siècle. Il crée ainsi un anachronisme qui a eu pour effet de me décoller de son histoire, de m'y sentir extérieure, c'est-à-dire l'inverse de ce qui serait souhaitable, de mon point de vue, à savoir, l'immersion du lecteur dans l'histoire ou dans l'ambiance donnée.

Bref, pour moi, toujours pas le premier grand roman du XXIème siècle : ce fut une puissante et stimulante eau à la bouche, presqu'immédiatement suivie par une vilaine amertume, d'où cette appréciation finale fort mitigée. Mais, comme à chaque fois, je vous invite à consulter d'autres opinions à propos de cette même lecture — qui semble avoir eu des effets tout autres sur quantité d'autres lecteurs —, car cet avis ne représente, somme toute, que l'expression de mon avis, c'est-à-dire, une mince parcelle de subjectivité coincée entre ciel et terre, autant dire, vraiment pas grand-chose.
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Précision : l'orthographe des noms et des lieux n'est pas celle du livre, mais je n'ai pas les caractères nécessaires pour les transcrire exactement.
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Pour s'être mis en tête de retenir quelques vers du Paradis perdu de Milton, le pêcheur Bardur a oublié sa vareuse. En pleine mer, par un matin de tempête glaciale, cet oubli est fatal et Bardur meurt de froid sous le banc de la barque de pêche. « Un homme sans vareuse se retrouve ruisselant en un temps infime, le froid s'empare de lui comme un étau et ne le lâche plus, en tout cas, pas ici, en pleine mer. » (p. 92) Cette tragique disparition bouleverse le gamin, jeune pêcheur de 20 ans, indéfectiblement lié à Bardur. le gamin décide de rapporter le livre maudit à son propriétaire, un vieux capitaine aveugle. Pendant sa marche dans la neige, il se résout à mourir une fois sa mission accomplie, afin de retrouver son ami, mais aussi tous les êtres chers qui ont déjà dépeuplé son existence. Arrivé au terme de son périple, il rencontre le capitaine Kolbeinn, Helga et Geirbrudur qui forment une étrange trinité. « Il a rendu le livre, mission accomplie, merci bien, la prochaine affaire à l'ordre du jour consiste à décider s'il doit vivre ou mourir. » (p. 171) Alors que tous ses chers disparus semblent l'appeler depuis l'au-delà, le gamin ne sait pas s'il doit faire honneur à Bardur en mourant ou en vivant.

Le gamin est un personnage très touchant, notamment par le sentiment qu'il a de toujours être ridicule. Je le rejoins parfaitement en cela. « Il dit bien souvent de grosses bêtises qui le mettent dans l'embarras ou éveillent sur lui un intérêt inutile, ce qui revient presque au même que de s'attirer les problèmes. » (p. 239) Ah, cette envie constante de disparaître aux yeux du monde… le gamin garde à l'esprit les lettres de sa mère qui lui parlait de son père, de ses frères et de sa petite soeur. Cette correspondance est le fondement de sa littérature intime. À celle-ci s'ajoute désormais la poésie de Milton qui a coûté la vie de son ami. On s'interroge alors sur le pouvoir des mots. « Lire des poèmes vous met en danger de mort. » (p. 103) C'est vrai pour Bardur, mais pas pour le vieux capitaine aveugle. Ce qui l'a sauvé du suicide, c'est de savoir qu'il y avait encore des mots à découvrir et à partager.

Ce roman est une belle peinture de l'Islande. La pêche à la morue est emblématique des pays nordiques. « La plupart des villages d'Islande ont été construits sur les arêtes de morue, lesquelles sont les piliers qui soutiennent la voûte des rêves. » (p. 81) Si on en doutait, on constate que l'Islande est le pays du froid, que ce soir sur terre ou sur mer. La neige, la glace et le vent sont autant d'éléments éternels et immuables de ce pays : ils semblent défier les vivants et se moquent bien des pêcheurs engloutis dans les profondeurs gelées de la mer. Je m'interroge d'ailleurs sur le titre : quid de la mer qui est tout de même un élément essentiel au noeud de l'intrigue ? Certes, le gamin s'en éloigne après la mort de son ami, mais sans elle, il n'y aurait pas eu de drame.

Voici enfin le point négatif de ce roman : pour moi, l'oubli de la vareuse est totalement improbable. Certes, Bardur était tout à sa poésie, mais il faisait glacial avant même qu'il monte dans la barque. En outre, comment ses camarades, et surtout le gamin si occupé de son ami, ont-ils pu ignorer que Bardur avait oublié sa vareuse ? Enfin, la barque attend un moment à l'arrêt le signal du départ : Bardur a forcément eu froid et je ne comprends pas comment il peut attendre la haute mer pour prendre conscience de son oubli. Mais peut-être est-ce moi qui projette mon confort de frileuse sur cet homme rude, habitué à une vie rugueuse. Toutefois, il me semble que le roman se fonde sur une invraisemblance qui rend peu crédible le drame.

L'amitié entre le gamin et Bardur est palpable et très émouvante. Il s'agit donc d'un beau roman, bien construit, hormis la réserve que j'ai évoquée. Certaines descriptions manquent un peu d'âme, mais on se laisse facilement emporter par cette histoire de mer et de deuil.
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J'avais lu avec grand plaisir La Tristesse des Anges et je m'attendais à un bonheur équivalent .
Mais je n'ai pas du tout ressenti la même émotion, ce roman m'a paru beaucoup moins abouti que le suivant.
Le début de l'histoire avec l'arrivée des deux amis au campement puis le départ des hommes pour la pêche à la morue dans leurs barques traditionnelles nous embarque également dans la nuit polaire , sur cet océan glacial et l'émotion est vive même si, comme le souligne Liligalipette l'oubli de la vareuse semble peu crédible.
Mais ensuite j'ai eu l'impression que l'écrivain se dispersait dans une multitude d'histoires de personnages très secondaires avec des noms qui pour moi se ressemblaient tous et ont fini par m'embrouiller l'esprit et gâcher ma lecture (ou alors je vieillis mais ça ,ce n'est pas possible .)
Je n'ai pas retrouvé cette poésie particulière qui m'avait fait aimer l'Islande, rude pays pourtant bien loin d'apparaitre enchanteur à mes yeux de femme frileuse ...
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Amélie Nothomb disait il y a quelques semaines à la Grande Librairie que la beauté d'un roman tenait à une musicalité, à un style. Qu'un roman rentrait dans la littérature quand le style l'emporte sur les faits racontés.
Si on s'en tient à cette définition en effet, ce roman coche toutes les cases.
Même si c'est plutôt l'univers et la poésie de l'écriture qu'on retient, il y a tout de même des faits.

On suit ce gamin qui a grandi trop vite et dont l'univers vient une fois de plus de s'effondrer.
On sent le tiraillement entre l'abandon complet au désespoir mais dans un coin l'espoir de s'accrocher pour explorer un univers littéraire qui le tente.
Comme pour la plupart des romans islandais, l'entrée dans la lecture est peu aisée mais une fois qu'on a trouvé la pulsation, on s'y laisse bercer.
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style étrange...
j'ai mis longtemps à entrer dedans : d'abord parce que je ne comprenais pas la voix qui parlait, j'ai fini par comprendre que ce "nous" était les morts qui rôdaient encore dans le monde d'en-bas, et qui "surveillaient" les vivants, et notamment ce garçon qui est le personnage principal du roman, et qui reste, après la mort de son meilleur ami, "entre ciel et terre", à ne pas savoir s'il doit vivre ou mourir.
Il y a dans ce roman une peinture réaliste de la vie des pêcheurs de morue islandais d'il y a un siècle ; des décors, un mode de vie, les contraintes de la vie d'alors (ce n'est pas inintéressant)
Il y a un style chaotique, en ce sens qu'il fait des accrocs, que son rythme est saccadé, parfois brutal, alors que les mots employés sont doux, poétiques (la traduction est-elle en cause ou est-ce voulu par l'auteur???)
L'histoire en elle-même ne recèle pas de "surprises" au sens habituel du terme : on suit la vie du garçon, on grandit avec lui, on le regarde, spectateurs, traverser ce moment de désarroi, de "jours contraires". Il y aurait à dire, car ce livre est riche : mais le style m'a un peu rebutée, je l'avoue, et j'ai mis trop de temps à accrocher!
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Un ouvrage qui s'approche curieusement des histoires relevant du monde breton avec les quelques thématiques récurrentes dans la narration: la pénibilité de la vie, la mer, la mort et la pêche...
Islande et Bretagne se rejoignent dans ce roman. C'est constant sur toute l'histoire. Les prénoms eux restent complètement Islandais!
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Barour est un pêcheur poète, habité par les vers du Paradis perdu de Milton. Mais à trop s'évader dans la poésie, il en oublie la précieuse vareuse chargée de le protéger du froid lors des sorties en mer. Un froid glacial contre lequel les mots de Milton ne pourront rien, et c'est dans les bras du « gamin », plus jeune membre de l'équipage, que Barour s'éteindra.
Très affecté par la mort de celui qui lui faisait partager son amour des belles phrases, le gamin entreprend alors un voyage afin de rendre le funeste livre à son propriétaire, un vieil aveugle féroce épris de littérature. Un voyage désespéré, véritable parcours initiatique d'un jeune homme attiré par la mort mais tellement désireux de vivre.
Les descriptions des paysages, du climat et également de l'ambiance sont exceptionnelles.
L'écriture poétique est évidemment la grande force de ce roman. On se laisse bercer par les belles phrases un peu comme un bateau sur la mer.
Une fois le livre fermé, notre esprit continue à voyager dans ce rude pays...
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Premier roman traduit en français d'un célèbre auteur islandais, "Entre ciel et terre" n'est pas d'un abord facile. Il se passe au final peu de choses dans les 238 pages du livre. Mais ce sont ces riens qui font une vie. C'est l'histoire d'une mort et d'un deuil. C'est l'histoire d'un choix à faire: entre des mots et une vareuse, entre vivre et mourir.
Le roman prend son temps, ce n'est pas l'ouvrage à lire si l'on rêve d'action, de mouvements. Mais c'est le livre qu'il faut ouvrir si l'on veut admirer un très beau style, ayant bénéficié d'une magnifique traduction. Les superbes passages à noter sont légion tout au long des pages, il n'y a qu'à parcourir les citations déjà disponibles pour s'en rendre compte.
Un très beau roman, mais il faut accepter de s'y plonger, quitte à s'y perdre, pour vraiment l'apprécier.
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Voilà un livre qui m'a donné du fil à retordre.

D'abord, j'ai eu du mal à me faire au style d'écriture : peu de point, plein de virgules, des phrases longues, mais qui ne le sont que visuellement. Il m'a fallu le temps pour "entrer dans le style". Mais paradoxalement, ce style me rapprochais tellement de tout ce que j'aime dans l'Islande, dans sa pureté, sa sauvagerie, sa poésie... Il faut bien le reconnaître, cette écriture est splendide !

Et puis, l'histoire. Là aussi j'ai eu du mal. J'ai trouvé la première partie longue. Un peu de mal à me retrouver dans les personnages, un peu de mal à comprendre où l'auteur voulait m'emmener. Et puis soudain on comprend. On raccroche les wagons... oui mais le chemin est tortueux et je me suis perdue à nouveau...

Au bilan, je ne peux pas dire que ce livre ne m'aie pas plu, mais il lui manque quelque chose. Incontestablement pour moi, il lui manque un fil conducteur dans l'histoire. Je trouve que l'auteur se perd trop dans la description de chaque personnage qu'il nous fait rencontrer et que ça n'apporte pas grand chose à l'histoire ni à l'ambiance, si ce n'est un nombre de mots, de lignes, de pages, qui pour moi ne sont pas nécessaires. Pour autant, ce livre garde quelque chose qui m'a bien plu...
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Entre ciel et terre' est un roman profondément triste et humain. Il raconte l'histoire d'un « gamin », dont on ne connaît pas le prénom, qui cherche un sens à la vie, après avoir perdu son seul ami et compagnon de route en pleine mer.

Pas fait pour la mer et son froid mortel, ce gamin est fait pour les livres, la poésie et les mots. Ces mots qui sont aptes à changer le monde, qui ont le pouvoir de consoler et de sécher les larmes ou ceux qui sont des balles de fusil ou des notes de violon, comme le dit très poétiquement l'auteur.

La plume de Stefánsson est originale et très efficace pour décrire une atmosphère. Ses métaphores et sa prose puissante invitent le lecteur au coeur d'une Islande hostile et sauvage, belle mais inhospitalière.
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